Édition 027 - mi-mars 2023

L'ÉDITORIAL

Vu d’Europe – Retraite et luttes pour l’égalité, mêmes combats

Dans la capitale européenne, le mois de mars a été une fois de plus très actif. Entre les débats sur la stratégie industrielle de l’Europe, la réduction des émissions des gaz à effet de serre, l’armement de l’Ukraine et la décarbonation du Btp, voici quelques-unes des activités d’Eurocadres qui ont un impact sur votre lieu de travail.

Égalité femmes-hommes  : des progrès, mais…

L’un des événements marquants a été la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, souvent perçue comme une occasion de célébrer et de spéculer sur la manière dont nous faisons avancer la cause des travailleuses. Les communiqués de presse soulignent l’excellence des travailleuses, mais conduisent rarement les entreprises à modifier leurs politiques. Ces dernières années, l’Union européenne a profité de cette journée pour lancer des actions, dont beaucoup sont les bienvenues, à la condition qu’elles conduisent à des changements réels sur nos lieux de travail.

Pour marquer l’occasion, nous avons demandé si les douze derniers mois avaient été une année de transition ou de changement tangible. Or, si des progrès ont été accomplis, les inégalités restent monnaie courante sur les lieux de travail. Notre participation a été active sur des dossiers tels que les directives sur les femmes dans les conseils d’administration, la transparence des rémunérations entre les hommes et les femmes et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. C’est pourquoi nous avions beaucoup à dire lors de l’émission spéciale d’Euronews sur l’égalité des sexes, «  Bruxelles je t’aime  », dont les temps forts sont disponibles ici.

Au quotidien, 81  % des femmes prodiguent des soins

Nous avons également coorganisé un événement au Comité économique et social européen, avec l’avis d’experts de certaines des principales voix européennes dans la lutte pour l’équité entre les sexes. Vous pouvez visionner l’intégralité du panel ici.

En fin de compte, nous ne sommes pas allés assez loin pour permettre aux femmes d’être des participantes égales sur le lieu de travail. La majeure partie du travail de soins non rémunéré est effectuée par les femmes, ce qui entrave leur accès à l’emploi, et le secteur des soins rémunérés compte une grande proportion de femmes employées qui occupent souvent des emplois précaires et à faible revenu, avec peu de perspectives de carrière.

Au quotidien, 81 % des femmes et 48 % des hommes prodiguent des soins. Ce chiffre atteint 88 % pour les mères et 64 % pour les pères d’enfants de moins de 18 ans. L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes signifie toujours que les femmes gagnent 13 % de moins par heure que les hommes, et n’a été réduit que de 1 % au cours des huit dernières années.

44 % des mères célibataires ont du mal à payer leurs factures d’énergie

Les femmes ont rarement été placées au cœur des décisions politiques. La récente crise du coût de la vie et l’augmentation de la précarité énergétique soulignent la nécessité d’accorder un rôle plus central à la dimension de genre dans l’élaboration des politiques. La précarité énergétique est un problème particulièrement sexué  : 44 % des mères célibataires et 31 % des femmes célibataires ont du mal à payer leurs factures d’énergie. Les chiffres sont accablants et parlent d’eux-mêmes.

La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes devrait être plus qu’un simple communiqué de presse. Elle devrait être l’occasion d’évaluer l’impact réel de notre action, de nous confronter à la réalité de nos échecs et d’ouvrir la voie à l’évolution de la société. Des progrès ont été accomplis cette année, mais pour beaucoup, ils restent à voir.

Réindustrialisation de l’Europe et droit à la formation

En tant que partenaire social reconnu, Eurocadres a chaque année l’occasion de participer au sommet social tripartite, une réunion de haut niveau entre les dirigeants institutionnels, les représentants des travailleurs et des employeurs. Cette année, le thème est «  Donner les bonnes réponses aux défis de la compétitivité en Europe. Comment faire de l’Europe le lieu privilégié des investissements industriels créateurs de croissance et d’emplois de qualité  ». On y discute avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, Charles Michel, président du Conseil européen, Valdis Dombrovskis, commissaire, Nicolas Schmit, Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, ministres de l’Emploi de Suède, d’Espagne et de Belgique, et bien d’autres encore.

Pour Eurocadres, cet événement est une chance d’informer directement les hauts dirigeants européens des domaines dans lesquels les travailleurs sont laissés pour compte. En discutant de la nécessité de donner aux travailleurs les outils nécessaires pour saisir les opportunités qui se présentent à eux, nous avons rappelé aux participants que les travailleurs ont été invités à porter le fardeau de la transformation du marché du travail européen. Bien qu’ils subissent les pressions d’une crise du coût de la vie et de l’énergie qui a paralysé des millions de ménages, les travailleuses et les travailleurs n’ont pas eu les outils nécessaires pour améliorer leur situation.

Si les chefs d’entreprises et les institutions européennes ont reconnu la nécessité de remédier à notre pénurie de compétences, ils se sont abstenus de proposer une mesure qui améliore immédiatement la capacité des travailleurs à combler le fossé : un droit contraignant à la formation, pendant les heures de travail, pour tous, au sein du marché unique. Aucun travailleur, aucun secteur, aucune opportunité ne peut être négligé si nous voulons réussir.  Il est inacceptable que la responsabilité incombe toujours aux travailleuses et aux travailleurs, et non aux entreprises. Tant que cela ne changera pas, nous continuerons à prendre du retard.

Solidarité avec les femmes polonaises

Ce mois-ci, nous avons également participé à des événements organisés à Oslo, à Madrid et à Rome, où nous avons abordé une série de questions avec d’autres parties. Le partage des meilleures pratiques est une nécessité pour les syndicats, afin de répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs, où qu’ils se trouvent.

Pour conclure, je tiens à condamner les actions répressives des procureurs polonais, qui ont condamné ce mois-ci Justyna Wydrzyńska, une militante du droit à l’avortement. L’autonomie corporelle est un droit humain, et les actions des tribunaux polonais sont le résultat d’années de politique d’extrême droite en Pologne. Nous devons dénoncer ces injustices à chaque occasion.

Cette farce illustre une fois de plus pourquoi la lutte pour l’égalité des sexes doit se poursuivre et pourquoi l’Union européenne doit s’opposer à ce gouvernement rétrograde et à sa répression des droits de l’homme. Solidarité avec nos sœurs polonaises.

L'ÉDITORIAL

49.3 : ils sont une poignée, nous sommes des millions !
par Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

En décidant de passer en force, Emmanuel Macron ajoute à la crise sociale une crise démocratique et politique. Élisabeth Borne aura à affronter une motion de censure à hauts risques alors que 71  % des Français·es souhaitent la démission du gouvernement. La colère suscitée par le 49.3 est à la mesure de la violence de la réforme. Énorme. Et c’est ce qui nous permettra de gagner son retrait, à l’image de celui du CPE, arraché un mois après son adoption par 49.3 et dix jours après sa promulgation. Notre réponse doit être à la hauteur.

Grâce à des journées d’actions historiques, battant le record de toutes les mobilisations depuis 1945, grâce aux grèves reconductibles notamment dans l’énergie, les déchets, les transports, l’industrie du verre, les ports… la pression monte. Mais la répression aussi avec des réquisitions et des poursuites judiciaires inacceptables contre des militant·es, notamment dans l’énergie. Il faut donc étendre au plus vite et amplifier dans les secteurs déjà mobilisés. Soutenir ces secteurs ou bloquer de l’extérieur contribue bien sûr à l’action, mais cela ne doit pas nous dévier de notre responsabilité première.

Notre responsabilité est d’abord de mobiliser nos collègues, de nous déployer en direction des cadres, des professions intermédiaires et techniciennes. Nous pouvons encore élargir et faire entrer de nouveaux et nouvelles salarié.es dans l’action. Multiplions les tournées, les assemblées générales en présentiel ou en visio pour décider de la grève et de sa reconduction avec, en point d’orgue, la journée de grèves et de manifestations du 23 mars appelée par l’intersyndicale. Elle doit être un véritable raz-de-marée.

La grève pénalise déjà fortement l’économie. D’après le patronat, chaque journée d’action coûte 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Les 15 jours de grève de l’énergie ont déjà coûté au patronat 800 millions d’euros et la pression monte sur les stocks de gaz  ; on pourrait multiplier les exemples. Cadres comme professions techniciennes et intermédiaires, notre mobilisation pèse lourd. Lorsque nous nous affichons comme grévistes, cela a un effet d’entrainement très fort vis-à-vis des autres salarié·e·s. Nous occupons des positions stratégiques, avons accès à des informations sensibles et sommes les premiers relais des directions. Lorsque nous sommes en grève, le «  roi est nu  » et les directions ont peur  !

Alors allons-y  ! Réunissons-nous avec nos collègues pour décider de la grève sous les modalités les plus adaptées. Dans certaines entreprises, cadres et ingénieur·es ont par exemple décidé d’une heure de grève par jour, de grèves de mails, de bloquer la remontée d’informations stratégiques, d’appliquer strictement les procédures de sécurité pour ralentir la production…

Dans le prolongement des rassemblements organisés dans toute la France ce 16 mars en réaction au 49.3, des initiatives vont être organisées partout ce week-end pour permettre une mobilisation citoyenne complémentaire aux grèves. En réaction au scandale démocratique représenté par l’usage de ce 49.3, permettons aux jeunes privés d’AG par les fermetures de facs, aux travailleuses et travailleurs précaires, de petites entreprises… de se retrouver pour débattre et construire des initiatives d’action  !

Occupons les places, par exemple devant les préfectures et sous-préfectures pour ouvrir un printemps démocratique et social. Mais soyons plus que jamais vigilants à la montée de l’extrême droite qui attend, tapie dans l’ombre, pour tenter de récupérer la colère. Dénonçons l’imposture du Rassemblement national qui s’est systématiquement opposé à toute augmentation des salaires et des cotisations et prétend financer nos retraites par sa politique xénophobe de préférence nationale.

Ils sont une poignée, nous sommes des millions  ! Nous n’avons jamais été si proches de la victoire, alors amplifions la mobilisation !

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