Chronique juridique -  Les cas d’inéligibilité et d’incompatibilité des fonctions électives

Le statut des fonctionnaires garantit la liberté d’opinion, le droit de se présenter aux élections, etc. Le Code électoral prévoit néanmoins des restrictions de deux ordres : l’inéligibilité et l’incompatibilité. Explications.

Édition 027 de mi-mars 2023 [Sommaire]

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L’inéligibilité, c’est l’impossibilité pour un agent public de déposer sa candidature pour une élection à un mandat. S’il y a incompatibilité, un agent public peut présenter sa candidature mais, s’il est élu, il doit choisir entre son activité publique et son mandat électif.

I. Les cas d’inéligibilité

L’article L. 231 du Code électoral dispose que ne sont pas éligibles dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans les préfets de région et les préfets  ; depuis moins de deux ans les sous-préfets, les secrétaires généraux de préfecture et les directeurs de cabinet de préfet  ; depuis moins d’un an les sous-préfets chargés de mission auprès d’un préfet et les secrétaires généraux ou chargés de mission pour les affaires régionales ou pour les affaires de Corse.

En outre, ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois :

  1. les magistrats des cours d’appel ;
  2. les membres des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes ;
  3. les officiers et sous-officiers de gendarmerie ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires ;
  4. les magistrats des tribunaux judiciaires ;
  5. les fonctionnaires des corps actifs de la police nationale ;
  6. les comptables des deniers communaux agissant en qualité de fonctionnaire et les entrepreneurs de services municipaux ;
  7. les directeurs et les chefs de bureau de préfecture et les secrétaires en chef de sous-préfecture ;
  8. les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité de Corse, de la collectivité de Guyane ou de Martinique, d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l’assemblée ou du président du conseil exécutif (1) ;
  9. en tant que chargés d’une circonscription territoriale de voirie : les ingénieurs en chef, ingénieurs divisionnaires et ingénieurs des travaux publics de l’État, les chefs de section principaux et chefs de section des travaux publics de l’État.

Par ailleurs, les agents salariés communaux ne peuvent être élus au conseil municipal de la commune qui les emploie. Ne sont pas compris dans cette catégorie ceux qui, étant fonctionnaires publics ou exerçant une profession indépendante, ne reçoivent une indemnité de la commune qu’à raison des services qu’ils lui rendent dans l’exercice de cette profession, ainsi que, dans les communes comptant moins de 1 000 habitants, ceux qui ne sont agents salariés de la commune qu’au titre d’une activité saisonnière ou occasionnelle.

Les délais mentionnés aux points 1 à 9, ainsi qu’au paragraphe précédent, ne sont pas opposables aux candidats qui, au jour de l’élection, sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de se prononcer sur l’application du point 8 de l’article L. 231 du Code électoral aux syndicats mixtes. Aussi est-il possible, pour un agent occupant des fonctions de direction dans un syndicat mixte, d’être élu conseiller municipal lorsque ce syndicat mixte n’est pas uniquement composé de collectivités territoriales et/ou d’établissements publics de coopération intercommunale (Epci) (3).

Enfin, rien ne s’oppose à ce qu’un agent de la commune de A, élu conseiller de la commune de B soit délégué pour représenter celle-ci auprès de l’Epci même si la commune de A fait partie de celui-ci. Il appartient, dans ce cas, au conseil municipal concerné d’apprécier l’éventuel conflit d’intérêts auquel l’agent peut être confronté (4).

II. Les cas d’incompatibilité

L’incompatibilité concerne une restriction à l’éligibilité à un poste donné, mais ne met pas en cause le droit fondamental à se porter candidat. Elle signifie plutôt qu’une personne qui occupe déjà un poste électif ne peut pas être élue à un autre poste électif. Cette restriction peut s’appliquer à une personne qui occupe déjà un poste électif ou à celle qui veut postuler à un autre. Dans les deux cas, la situation est jugée incompatible à cause de la difficulté ou de l’impossibilité pour la personne visée d’accomplir les deux fonctions avec suffisamment d’efficacité, de dévouement, d’impartialité ou de neutralité.

Le degré d’incompatibilité entre les fonctions peut varier. Cette incompatibilité est évidemment plus prononcée entre les pouvoirs exécutifs et législatifs d’un système présidentiel à cause de l’incompatibilité définitive qui existe entre la fonction présidentielle et la fonction parlementaire. 

Lorsqu’un cas d’incompatibilité survient, la pratique est d’obliger la personne concernée à faire un choix entre les deux dans un laps de temps défini, à partir du moment où l’incompatibilité survient. 

Le Code électoral prévoit de nombreux cas d’incompatibilités.

Par exemple, l’exercice d’un mandat d’élu municipal est incompatible avec le statut de salarié d’un centre communal ou intercommunal d’action social (Ccas ou Cias) dont l’élu est le représentant.

En outre, l’exercice d’un mandat de conseiller départemental est incompatible avec :

  • les fonctions du cadre d’emplois des policiers municipaux exercées sur tout le territoire français  ;
  • l’exercice d’une activité publique rémunérée sur les fonds départementaux.

Par ailleurs, l’exercice d’un mandat de conseiller régional est incompatible avec :

  • les fonctions du cadre d’emplois des policiers municipaux exercées sur tout le territoire français  ;
  • les fonctions d’agents salariés de la région ou des établissements publics et agences créés par les régions.

Dans le cas d’un recrutement postérieur à l’élection, le conseiller municipal, départemental ou régional doit immédiatement être déclaré démissionnaire par le préfet.

Au niveau national, l’exercice d’un mandat de parlementaire est incompatible avec toute fonction publique. Un fonctionnaire qui accède à un mandat de membre de l’Assemblée nationale ou du Sénat est placé de plein droit en détachement.

À noter que l’exercice de fonctions militaires (5) – le fait d’exercer les fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en position d’activité ou servant au-delà de la durée légale – est traditionnellement incompatible avec l’exercice d’un mandat électoral, mais deux dérogations pour les militaires en activité sont prévues par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, née d’une décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 2014 (6) :

  • le mandat de conseiller municipal peut être exercé dans les communes de moins de 9 000 habitants (mais pas celui de maire ou d’adjoint)  ;
  • le mandat de conseiller communautaire peut être exercé dans les Epci à fiscalité propre regroupant moins de 25 000 habitants (mais pas celui de président ou de vice-président).

Les réservistes ne sont toutefois pas concernés par cette incompatibilité, qu’ils soient engagés à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité mais, toutefois, le réserviste de la gendarmerie nationale ne peut exercer de mandat au sein de sa circonscription.

Lorsque ces incompatibilités surviennent au jour de l’élection, les intéressés disposent d’un délai d’option de dix jours pour opter entre l’acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. À défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, elles sont réputées avoir opté pour la conservation dudit emploi, ils perdent donc leur mandat (7). 

Toutefois, lorsque ces incompatibilités surviennent postérieurement à l’élection, l’élu peut être déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification et sauf recours au Conseil d’État (8).

  1. Y compris les agents exerçant des fonctions permettant de les assimiler, en raison de leur niveau hiérarchique et/ou pouvoir de décision et de responsabilité, aux titres indiqués au 8e (Conseil d’État, 17 octobre 2012, Mme B., requête n° 358762)  ;
  2. Conseil d’État, 6 juillet 2015, requête n° 385110  ;
  3. Réponse à la question écrite n° 2707, publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 31 janvier 2023  ;
  4. Réponse à la question écrite n° 45757, publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 30 novembre 2004  ;
  5. Article L. 46 du Code électoral  ;
  6. Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014  ;
  7. Article L. 237 du Code électoral  ;
  8. Article L. 239 du Code électoral.