Chronique -  Revue de presse -  Retraites : dans la presse étrangère, après l’ironie, une pointe d’envie ?

La presse étrangère qui, au début du mouvement social contre la réforme des retraites, a raillé la « paresse française », commence à s’interroger : et si les Français avaient raison ?

Édition 027 de mi-mars 2023 [Sommaire]

Temps de lecture : 3 minutes

Options - Le journal de l’Ugict-CGT
© Pessin

Après avoir oscillé entre étonnement et incompréhension, comme le relate FranceInfo, voire manié l’ironie, la presse étrangère a, face à l’ampleur du mouvement social contre la réforme des retraites, fini par changer de ton. «  Et si les Français étaient simplement paresseux  ?  », s’interrogeait encore, il y a peu, l’historien Robert Zaretsky dans une tribune publiée par le New York Times.

Quelques manifestations plus tard, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel se pose la même question en publiant la photographie d’une banderole barrée par ces mots : «  En grève jusqu’à la retraite  ». Mais c’est pour répondre  : « Dans la lutte pour la réforme des retraites du président Macron, il s’agit aussi de savoir à quel point les Français sont travailleurs. Ils sont pourtant plus travailleurs que les Allemands  ».

«  J’ai changé d’avis sur la retraite  »

Si ce n’est de la «  paresse  », de quoi s’agit-il  ? «  Les Français ont mille fois raison  », rétorque Simon Kuper, correspondant en France du Financial Times. Dans un article traduit par Courrier international, le journaliste témoigne du cheminement personnel qui l’a conduit à envisager la situation différemment. Et à nuancer, au passage, quelques idées reçues. Il témoigne  : «  Les Français doivent revenir à la réalité  : j’ai longtemps fait mienne cette idée très anglo-saxonne. Un Français de 62 ans peut aujourd’hui espérer vivre jusqu’à 85 ans et profiter de ce qui est sans doute la plus longue retraite de l’histoire de l’humanité. En travaillant jusqu’à 65 ans, ça vous en laisse encore vingt pour jouer aux boules, me disais-je […]. Et j’ai changé d’avis sur la retraite  : les Français ont montré la voie au monde entier en créant un nouvel âge de la vie sublime  : la première décennie de la retraite, son âge d’or […].  »

Vu d’Allemagne  : Une «  attaque contre le système social  »

Quiconque lit ces propos sait que le «  paradis  » décrit par Simon Kuper n’est pas si plaisant pour tout le monde. Mais apprécie le revirement, publié dans le journal de la City. Le quotidien berlinois Die Tageszeitung abonde dans le même sens, en montrant que le passage aux 64 ans est vécu comme une «  offense  »  : «  Non, les Français n’exagèrent pas  !  » En titrant son article «  Attaque contre système social  », Rudolf Balmer argumente  : «  Pour comprendre la résistance à la réforme des retraites de Macron, il faut prendre en compte la spécificité du système français.  » Et cette spécificité, elle est décrite par The Guardian avec presque une pointe d’envie  : «  Contrairement au système britannique axé sur le marché, la France dispose d’un système de retraite prisé pour ce que les politiciens appellent “la solidarité entre les générations”, en vertu de laquelle les actifs paient des charges sociales obligatoires pour financer les retraités.  » Correspondante à Paris du journal britannique, Angelique Chrisafis explique  : «  La population active paie des charges sociales élevées et considère que des pensions équitables sont le fondement du fonctionnement de la société.  »

Le «  grand retour  » des syndicats

Tout comme l’est la conception du dialogue social. Le sujet fait l’objet d’un article dans Die Tageszeitung, traduit par Courrier international. Il s’ouvre sur les propos d’un manifestant  : «  En Allemagne, vous pensez peut-être qu’on devrait s’estimer heureux en France de pouvoir partir à 64 ans. Mais ce n’est pas comme ça qu’il faut voir les choses  : c’est vous qui n’avez pas de bol de ne pouvoir partir qu’à 67 ans. Et il faut arrêter de tirer les droits et les normes sociales toujours vers le bas en Europe.  »

Pour acter, comme l’indique son titre, le «  grand retour  » des syndicats. Rudolf Balmer écrit  : «  Même si le gouvernement finit par faire passer son projet, les syndicats pourraient sortir gagnants du conflit car, outre leur base, ils sont parvenus à mobiliser les salariés de secteurs jadis mal organisés et d’autres pans de la population dans leur lutte contre la réforme des retraites.  » Pour l’heure, les syndicats ne sont pas près de s’en contenter.

Christine Labbe