Pour plus d’un tiers des salariés, le travail est devenu insoutenable

Exposés à des risques professionnels physiques ou psychosociaux, 9 millions de salariés ne se sentent pas capables de faire le même travail jusqu’à la retraite.

Édition 027 de mi-mars 2023 [Sommaire]

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Plus de 30% des cadres et 38% des professions intermédiaires jugent leur travail insoutenable© Marion Groening/SZ/dpa/picture-alliance/MaxPPP

Cachez ces chiffres que l’on ne saurait voir… Au moment où, au Parlement, se réunissait la commission mixte paritaire, la publication d’une étude sur les facteurs influençant la capacité des salariés à faire le même travail jusqu’à la retraite éclaire les motivations du refus de la réforme. En effet, en France en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. « L’exposition à des risques professionnels – physiques ou psychosociaux – tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’insoutenabilité du travail », observe Mikael Beatriz (Dares) dans cette étude.

Le recul de l’âge de la retraite, en occultant cette réalité, ne ferait qu’aggraver la situation, alors qu’offrir un « travail décent pour tous » est l’un des 17 objectifs de développement durable fixés par l’Onu pour 2030. On en est loin : 9 millions de salariés considèrent en effet que leur travail n’est pas soutenable. Particulièrement exposés : les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale. Mais pas seulement : l’insoutenabilité du travail, montre l’exploitation des enquêtes « Conditions de travail », est également exprimée par 32 % des cadres et 38 % des professions intermédiaires. Globalement, note l’auteur de l’étude, « toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées de manière assez similaire ». Les femmes, pénalisées par toute mesure d’âge, le sont plus que les hommes : 41 % des premières contre 34 % des seconds jugent que leur travail n’est pas soutenable.

Des départs en retraite plus précoces

Double peine, ces salariés, davantage que les autres, prennent leur retraite sans avoir atteint l’âge légal (19 % contre 12 %), ce qui a un impact sur le montant de leur pension. Parmi ceux qui expriment le caractère insoutenable de leur travail, ils sont 62 % à citer la santé comme motif de leur départ et 45 % les conditions de travail. Dans ce paysage, l’exposition aux risques physiques (port de charges lourdes, travail debout…) ou environnementaux (bruit, chaleur, poussières…) joue un rôle important. Mais il ne faut pas sous-estimer les contraintes psychosociales, montre en substance l’étude. Travail intense, manque d’autonomie, exigences émotionnelles, insécurité socio-économique, conflits de valeur, rapports sociaux dégradés… entraînent ainsi « de la même façon une incapacité plus fréquente des salariés à tenir dans leur travail ». Cette incapacité peut s’élever à 58 % pour les personnes les plus fortement exposées à ces nuisances.

Si cette réalité tend à s’inscrire dans le temps, tout au long de la carrière professionnelle, plusieurs caractéristiques tendent à diminuer le sentiment d’insoutenabilité. Citons d’abord l’autonomie : « Les marges de manœuvre laissées aux salariés (choisir la façon d’arriver aux objectifs ou de faire correctement son travail, régler personnellement les incidents etc.) permettent une meilleure maîtrise de l’environnement de travail et la minimisation des risques », écrit Mikael Beatriz. Citons aussi le soutien social, exprimé par sa hiérarchie, un collège ou un représentant du personnel. À l’inverse, les changements organisationnels (mutations technologiques, modification du poste, déménagement, restructurations…) sont sans surprise préjudiciables à la soutenabilité du travail : sauf si les salariés participent aux décisions.

  • Dares analyses n°17, mars 2023.