Flex-office, côté face

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A quoi aura servi le procès du harcèlement moral à France Télécom ? Orange prend des risques avec la santé de ses salariés. Photo : Sadak Souici/Le Pictorium/Maxppp
Le futur siège social d’Orange à Issy-les-Moulineaux se nommera Bridge. En perspective : stress, fatigue et déshumanisation à tous les étages.

Orange y tient mordicus. Dès l’été 2020, un complexe immobilier de 56 000 mètres carrés nommé Bridge sera livré au pied de la gare d’Issy-Val-de-Seine, dans les Hauts-de-Seine, et
2 854 salariés devront quitter leurs bureaux parisiens pour y emménager. Dans ce nouvel ensemble, une organisation du travail fondée sur des flex-offices s’imposera. Concrètement, seules 856 personnes disposeront de postes de travail attitrés. Les 1 998 autres seront condamnées, chaque matin, équipées de leur smartphone et de leur ordinateur portable, à se partager 1 627 postes de travail.

Bien sûr, cette fois, ni suppressions d’emploi ni licenciements ne sont programmés. Et, selon les éléments de langage distillés par la direction, le projet Bridge annonce des conditions de travail idylliques. Les nouveaux espaces de travail, prétend-elle, seront « conviviaux et modulables » et adaptés au monde merveilleux du digital. Par l’avènement d’un large projet de transformation de la société, les salariés bénéficieront à plein de cette « entreprise libérée », émancipée de la hiérarchie, et retrouveront ainsi droit de cité. « Ils seront sollicités et auront voix au chapitre depuis le lancement du projet, et l’auront jusqu’à la fin », assure l’entreprise sur son site…

« La pire invention depuis l’open space  »

Sauf que la réalité des flex-offices est tout autre. Et les dangers de ce mode d’organisation du travail sont dénoncés déjà par plus d’un expert, explique Nolwenn Le Meur, déléguée de la Cgt Télécom Paris. Dans un tract distribué en novembre, son syndicat reprenait les propos tenus sur le site Courrier Cadres par Frantz Gault, le directeur général de Lbmg Worklabs, cabinet de conseil auprès des grands groupes sur les nouvelles organisations du travail : « Le flex-office est la pire invention depuis l’open space, jugeait-il. En open space, on a du mal à se concentrer parce qu’il y a du bruit, et on a du mal à collaborer car on a peur de déranger ses voisins. Or, en flex-office, on retrouve ce problème mais dégradé – car, en plus de tous les inconvénients de l’open space, on perd son territoire individuel. »

Stress, fatigue accrue, déshumanisation et explosion des collectifs de travail, serait-ce de nouveau l’avenir promis aux salariés d’Orange ? En juillet, rappelle Nolwenn Le Meur, grâce à la mobilisation de la Cgt, des élus au Ce et des salariés, un projet similaire, nommé Magnetik, avait été abandonné. C’était en même temps que les audiences du procès France Télécom.

Difficile de croire que le verdict du tribunal correctionnel de Paris, prononcé le 20 décembre, permettra à Orange de persévérer dans sa volonté d’imposer une organisation du travail qui ne laisse rien présager de bon. Ces derniers mois, la Cgt a obtenu 25 % de bureaux attribués en plus. Elle entend bien ne pas en rester là.

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