Chronique juridique -  La défense judiciaire de l’intérêt collectif d’une profession

La liberté syndicale s’exprime dans l’entreprise, notamment en mobilisant les droits syndicaux. Et l’action juridique est parfois prolongée, devant les tribunaux, par l’action judiciaire. Dans des décisions récentes, la Cour de cassation vient de confirmer l’objet de cette action syndicale judiciaire pour défendre l’intérêt collectif d’une profession.

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Le Code du travail, article L. 2132-3, stipule  : «  Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.  » La jurisprudence récente s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence fondatrice.

Jurisprudence fondatrice

Selon l’arrêt Cour de cassation, chambres réunies, 5 avril 1913, un syndicat peut agir en justice pour défendre les intérêts collectifs de la profession qu’il représente.

Cette règle a été confirmée par la loi du 12 mars 1920 (actuel Article L. 2132-3, supra). Cette action judiciaire syndicale pour défendre les intérêts collectifs de la profession est à distinguer de :

  • l’action pour défendre les droits et intérêts individuels de salariés (action en substitution)  ;
  • l’action du syndicat pour défendre ses intérêts de personne morale (intérêts patrimoniaux et extra-patrimoniaux).

La défense des intérêts collectifs de la profession doit être distinguée de la défense de l’intérêt général (prérogative du ministère public). 

Jurisprudence récente 

Dans deux arrêts récents (Soc. 22 novembre 2023, société Thales Dis France c/ syndicat Cgt Gemalto Sud et Soc. 22 novembre 2023, fédération des Services Cfdt c/ société Tui France), la Cour de cassation confirme son interprétation des dispositions du Code du travail (Article L. 2132-3, supra) : «  Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d’égalité de traitement et demander, outre l’allocation de dommages- intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts.  » 

Plusieurs règles sont confirmées.

  • Concernant l’objet de l’action syndicale judiciaire

L’action syndicale judiciaire est largement admise. Le syndicat peut agir en justice cas d’une «  irrégularité commise par l’employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d’égalité de traitement  ».

  • Concernant les demandes formulées par le syndicat dans le cadre de son action syndicale judiciaire

Le syndicat peut demander et obtenir «  l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l’intérêt collectif de la profession  ».

Le syndicat peut également demander et obtenir «  qu’il soit enjoint à l’employeur de mettre fin à l’irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte  ».

En revanche, le syndicat ne peut «  obtenir du juge qu’il condamne l’employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts  ».

Bibliographie et sitographie  : 

  • Michel Miné, Droit du travail en pratique, 31e édition, Eyrolles, collection Le grand livre, spéc. p. 555-559.
  • Mooc «  Dialogue social dans l’entreprise : les nouvelles règles  » (diffusé à partir  d 8 février 2024) sur Fun Mooc.