Chronique juridique -  La situation des salarié·es en cas de transfert d’activités entre public et privé

Un service public est externalisé et privatisé ? Un service privé est municipalisé ou repris par une administration ? Dans les deux cas, les agents contractuels de ces services voient leur situation administrative modifiée.

Édition 029 de fin avril 2023 [Sommaire]

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Il arrive que des services gérés par des associations ou des entreprises privées soient repris par des administrations publiques. Dans les communes, cette situation concerne, notamment, les centres de loisirs, les crèches, les établissements pour personnes âgées… Inversement, des services publics gérés par des personnes publiques peuvent faire l’objet d’une externalisation pour être gérés soit par une autre personne publique, soit par une entité de droit privé. Dans les deux cas, les agents contractuels de ces services voient leur situation administrative modifiée.

I. La reprise d’une activité par une administration publique

Lorsqu’une personne publique reprend, dans le cadre d’un service public administratif, l’activité d’une entité économique transférée, employant des salariés de droit privé, l’employeur public doit proposer à ces salariés un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles du contrat antérieur, en particulier celles qui concernent la rémunération, sauf incompatibilité avec les dispositions applicables aux agents publics territoriaux contractuels.

Si le contrat antérieur était un contrat à durée indéterminée (Cdi), le contrat de droit public doit également être conclu pour une durée indéterminée. S’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, son détenteur bénéficiera dudit contrat jusqu’au terme prévu par celui-ci.

Ces dispositions sont expressément prévues par l’article L. 1224-3 du Code du travail et elles s’imposent à tout employeur public  :

«  Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

Les services accomplis au sein de l’entité économique d’origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d’accueil.

En cas de refus des salariés d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat.  »

Pour résumer  : Les agents de droit privé, relevant précédemment du Code du travail, continuent leur activité dans les mêmes conditions financières.

Seul le statut juridique du contrat change, ils deviennent des agents contractuels de droit public et relèvent du Code général de la fonction publique (Cgfp).

II. L’externalisation d’une activité publique vers le secteur privé

Aux termes de l’article L. 1224-3-1 du Code du travail  :

«  Sous réserve de l’application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales, lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code.

Le contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne morale ou l’organisme qui reprend l’activité applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés.  »

Ainsi, un agent en Cdi conserve son contrat, un agent en Cdd, le conserve jusqu’à son terme. De contractuel de droit public, il devient agent de droit privé soumis au Code du travail et à la convention collective en rapport avec son activité.

Par une question écrite d’une parlementaire au ministre en charge de la Fonction publique (1), celle-ci l’interrogeait sur les obligations préalables au licenciement d’un agent contractuel qui refuserait un tel transfert. Elle souhaitait, notamment savoir, si le licenciement d’un agent non titulaire de droit public sur le fondement de l’article L.1224-3-1 du Code du travail doit être précédé d’une proposition de reclassement et, le cas échéant, si cette obligation incombe à l’administration d’origine ou à la personne morale qui se substitue à l’administration dans l’exercice de l’activité.

La réponse ministérielle précise que dans l’hypothèse de refus des agents, «  leur contrat prend fin de plein droit  » et il revient à la personne morale ou à l’organisme qui reprend l’activité d’appliquer les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés. Ces dispositions n’imposeraient donc pas à l’employeur une recherche de reclassement.

En effet, les hypothèses dans lesquelles les recherches de reclassement doivent être mises en œuvre sont limitativement énumérées par les textes. Par exemple, s’agissant des agents contractuels de la fonction publique territoriale, il s’agit des articles 39-3 et 39-5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Ainsi, le droit au reclassement bénéficie aux seuls agents contractuels recrutés sur un emploi permanent conformément à l’article L. 332-8 du code général de la fonction publique, dont le licenciement est envisagé du fait  :

  • de la disparition du besoin ou de la suppression de l’emploi qui a justifié le recrutement  ;
  • de la transformation du besoin ou de l’emploi  ;
  • du recrutement d’un fonctionnaire  ;
  • ou encore, du refus par l’agent d’une modification d’un élément substantiel du contrat.

Par conséquent, précise la réponse ministérielle, et «  dès lors que le licenciement n’est pas né du refus, par l’agent, d’une modification d’un élément substantiel de son contrat, la réglementation n’impose pas la recherche d’un reclassement dans l’hypothèse du licenciement d’un agent non titulaire de droit public envisagé sur le fondement de l’article L. 1224-3-1 du Code du travail  ».

  1. Réponse à la question écrite n° 04399, publiée au Journal officiel, Sénat, du 16 mars 2023, p. 1905.