Chronique juridique -  Élections professionnelles et répartition femmes-hommes

Temps de lecture : 6 minutes

La loi a prévu des dispositions pour assurer une représentation équilibrée sur les listes de candidats et candidates aux élections professionnelles aux comités sociaux et économiques. La jurisprudence apporte de nouvelles précisions.

Dispositions du Code du travail

Article L. 2314-29 :

  • Le scrutin est de liste à deux tours avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
  • Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales […].
  • Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale. […]

Article L. 2314-30 :

  • Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
  • Lorsque l’application du premier alinéa n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :
    1. arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
    2. arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
  • En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
  • Lorsque l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
  • Le présent article s’applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants.

Article L. 2314-31 :

Dès qu’un accord ou une décision de l’autorité administrative ou de l’employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l’employeur porte à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information, la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral.

Précisions de la jurisprudence

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 11 mars 2020, Sas Ormeaudis c/ union départementale Cgt des Hautes-Pyrénées : selon la Cour de cassation, l’annulation, en application de l’article L. 2314-32 du Code du travail, de l’élection d’un candidat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections est, en principe, sans effet sur la condition du score électoral personnel requise pour être désigné délégué syndical.

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 27 mai 2020, Syndicat chimie énergie Bourgogne (Sycebo-Cfdt) c/ Sas Laboratoires Urgo : selon la Cour de cassation, la règle de l’alternance posée par l’article L. 2314-30 du Code du travail n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire.

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 1er juillet 2020, fédération Fo Énergies et Mines c/ Sas Storengy ; et Cour de cassation, chambre sociale, 1er juillet 2020, Syndicat Cfdt construction-bois Aquitaine nord c/ Sas Santerne Aquitaine : selon la Cour de cassation, les dispositions de l’article L. 2314-30 du Code du travail étant d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger.

Lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L. 2314-30 du Code du travail, c’est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté.

Lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, il résulte de l’article précité que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues.

  • 1re affaire. Les femmes représentaient 20 % des effectifs du deuxième collège, soit, pour deux sièges à pourvoir, un pourcentage en application de la règle de l’arrondi ne donnant droit à aucun siège, ce qui autorisait la fédération à présenter, soit deux candidats du sexe majoritairement représenté, soit un candidat de chacun des deux sexes, soit un candidat unique du sexe surreprésenté.
  • 2e affaire. Les femmes ne représentaient que 21 % des effectifs du deuxième collège, soit, pour deux sièges à pourvoir, un pourcentage en application de la règle de l’arrondi ne donnant droit à aucun siège, ce qui autorisait le syndicat à présenter, soit deux candidats du sexe majoritairement représenté, soit un candidat de chacun des deux sexes, soit un candidat unique du sexe surreprésenté.

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 1er juillet 2020, Union fédérale des cheminots et activités complémentaires (Ufcac-Cfdt) c/ société Sncf-Voyageurs : lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l’article L. 2314-30 du Code du travail, c’est-à-dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté.

Lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, il résulte de l’article L. 2314-30 du Code du travail que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues.

En revanche, lorsque l’organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s’agissant de textes d’ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir.

Le respect de ces règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes s’impose, par liste, à toute liste de candidats présentée par une organisation syndicale, indépendamment de la répartition selon leur sexe de l’ensemble des élus dans le collège considéré toutes listes confondues.

Dans cette affaire, eu égard à la proportion des femmes et des hommes pour le deuxième collège fixée par le protocole d’accord préélectoral, les organisations syndicales étaient tenues de présenter une liste conforme à l’article L. 2314-30 du Code du travail, c’est-à-dire comportant nécessairement une femme et trois hommes pour quatre sièges à pourvoir, ou en cas de liste incomplète, une liste comportant au moins un homme et une femme.

La liste présentée par le syndicat Unsa-Ferroviaire ne comptant qu’un homme ne respectait pas ces dispositions.

Autres cas

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 11 septembre 2020, Epic Habitat Sud Atlantic : selon la Cour de cassation, l’annulation de l’élection d’un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, seule sanction prévue par les articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du Code du travail, ne fait perdre au salarié élu son mandat de membre du comité social et économique qu’à compter du jour où elle est prononcée et reste sans incidence sur sa candidature aux élections professionnelles.

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 25 novembre 2020, union départementale Cgt du Puy-de-Dôme c/ Sas Aurilis Group Flauraud : « Les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. »

Selon la Cour de cassation, ces dispositions ne s’appliquent pas aux candidatures non syndicales, dites « libres », présentées au second tour des élections professionnelles. Cette jurisprudence est fort contestable.

Jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, 16 décembre 2020, Cfdt c/ Sas Alcatel Submarine Networks : selon la Cour de cassation, l’annulation, en application des dispositions de l’article L. 2314-32 du Code du travail, de l’élection d’un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions prévues à l’article L. 2314-30 du même code est sans effet sur la condition d’audience électorale requise par l’article L. 2122-1 (cf. sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants).

Michel Chapuis

, ,