Chronique invitée -  Fonction publique  : un vote d’intérêt général

Du 1er au 8 décembre, 5,6 millions d’agentes et agents de la fonction publique sont appelés à voter. Un scrutin clé, qui permet de déterminer la représentativité des organisations syndicales, leur capacité à signer des accords et à défendre les salarié·es au quotidien.

Édition 021 de mi-décembre 2022 [Sommaire]

Temps de lecture : 3 minutes

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Par Sophie Binet
Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

Du 1er au 8 décembre, 5,6 millions d’agentes et agents de la fonction publique sont appelés à voter. Un scrutin clé, qui permet de déterminer la représentativité des organisations syndicales, leur capacité à signer des accords et à défendre les salarié·es au quotidien. La pandémie a révélé le rôle central des services publics mais aussi leur immense paupérisation. Urgences ou maternités saturées, classes sans enseignante, bus sans chauffeur… La 6e puissance mondiale ne dispose plus des qualifications élémentaires pour faire tourner ses services publics.

Le résultat des politiques low cost  : alors qu’ils et elles sont plus diplômé·es, les cadres du public sont payés 25  % de moins que leurs homologues du privé. Soumis à de multiples cures d’austérité, privés d’investissement et d’anticipation, nos services publics fonctionnent seulement grâce au dévouement des agentes et agents. Et c’est ce dévouement qui permet à la France d’être, encore, un des pays les moins corrompus au monde. Pourtant, le gouvernement persiste à vouloir aligner la fonction publique sur le fonctionnement d’une entreprise privée.

Après avoir généralisé la précarisation et l’externalisation des missions d’exécution – nettoyage, maintenance… – ce sont désormais les missions d’encadrement qui se voient pourvues de contractuel·les. Pourquoi  ? Pas pour faire des économies, car leurs salaires sont plus élevés que ceux des fonctionnaires. Parce que l’encadrement est stratégique pour transformer les services publics de l’intérieur et mettre fin à leur spécificité  : l’adossement à l’intérêt général.

Le développement des allers-retours public-privé généralise les conflits d’intérêts, à l’image de ce qui se passe au sommet de l’État. Sous des dehors d’évidence gestionnaire – «  il faut évaluer les politiques publiques  » –, le new public management importe un management par les coûts qui nie le sens des missions.

Ce sont ces enseignantes et ensignants sommé·es de multiplier les évaluations de leurs élèves dès 4 ans, ces assistantes sociales obligées de saussissonner en fonction de critères bureaucratiques la prise en charge des personnes, ou encore ces soignantes et soignants contraint·es par la tarification à l’activité de privilégier les pathologies «  rentables  »…

Au quotidien, le fossé entre les missions et les moyens est béant. L’assassinat d’un agent du fisc dans l’exercice de ses fonctions est symptomatique de la défiance et de la violence qui montent contre les services publics. Le pacte républicain est miné par les inégalités. En fonction de l’origine sociale ou du lieu de résidence, l’accès à l’école, à la santé ou encore à la justice n’a rien à voir.

Que dire de l’abandon de milliers d’enfants en danger, du fait de l’insuffisance de moyens de la protection de l’enfance  ? Pour les agentes et agents, la violence est redoublée  : une institution qui  empêche de bien travailler, la perte de sens liée à l’impossibilité de remplir ses missions et la violence d’usagers excédés…

À qui profite l’austérité  ? Au privé, qui développe ses parts de marché comme jamais, dans la petite enfance, dans l’enseignement supérieur ou dans la prise en charge des personnes dépendantes par exemple, et fracture un peu plus le vivre-ensemble. Le vote du 5 décembre est l’occasion d’envoyer un message collectif. De rompre avec le discours stigmatisant les fonctionnaires pour montrer qu’au contraire, une fonction publique renforcée, développée et reconnue est indispensable à notre avenir collectif.

Nous avons besoin d’investir dans la recherche et l’enseignement supérieur. Nous avons besoin de développer nos infrastructures de santé et de transports, d’avoir une société plus égalitaire, de renforcer nos capacités d’anticipation et de régulation face au choc climatique… En bref : pas d’avenir désirable sans services publics !


Chronique initialement publiée dans l’Humanité Magazine du 1er décembre 2022