Chronique juridique -  Fonction publique : la mobilité devant le Conseil d’État

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Par une décision du 2 avril 2021, le Conseil d’État rappelle à l’État employeur que toute nomination à un emploi resté ou devenu vacant doit être précédé d’une publicité de vacance d’emploi.

Des propositions d’affectation sans publicité de vacance d’emploi préalable

La campagne de mobilité pour la rentrée scolaire de 2020 des personnels enseignants et d’éducation de l’enseignement technique agricole public a porté notamment sur la première affectation, pour cette rentrée scolaire, des fonctionnaires stagiaires des corps des conseillers principaux d’éducation, des professeurs de lycée professionnel agricole et des professeurs certifiés de l’enseignement agricole devant être, alors, titularisés.

Afin de permettre l’affectation de seize de ces fonctionnaires stagiaires demeurés sans affectation à l’issue de la première phase de cette campagne de mobilité, close par la publication des mutations décidées à partir des listes des postes vacants ou susceptibles d’être vacants rendues publiques par ces notes de service, dix-neuf postes, dont certains ne figuraient pas sur lesdites listes, leur ont été directement et prioritairement proposés par l’administration.

Cette décision avait été révélée par un courriel du 6 mai 2020 de la directrice générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation au secrétaire général adjoint du Syndicat national de l’enseignement technique agricole public (Snetap-Fsu).

Ce syndicat, sans diriger ses conclusions contre les décisions individuelles subséquentes de nomination des stagiaires titularisés, demande l’annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision, en tant qu’elle a confirmé la dispense de publicité pour des postes destinés à être proposés prioritairement à certains agents stagiaires devant être titularisés à la rentrée scolaire de 2020.

La censure du Conseil d’État : tous les emplois vacants doivent faire l’objet d’une publicité de vacance d’emploi

Dans sa décision du 2 avril 2021 1, le Conseil d’État relève qu’aux termes de l’article 61 de la loi du 11 janvier 1984 2 : « Les autorités compétentes sont tenues de faire connaître au personnel, dès qu’elles ont lieu, les vacances de tous emplois, sans préjudice des obligations spéciales imposées en matière de publicité par la législation sur les emplois réservés. »

Pour le juge administratif, il résulte de ces dispositions que toute nomination à un emploi resté ou devenu vacant après un mouvement collectif portant sur les emplois que l’administration a entendu ouvrir à la mobilité doit, à peine d’irrégularité, être précédée d’une publicité de la vacance de cet emploi, dès lors que les agents candidats à la mutation n’ont pu solliciter leur affectation sur un emploi susceptible de devenir vacant par le jeu du mouvement lui-même.

Pour le Conseil d’État, la circonstance, alléguée par le ministre, que les stagiaires titularisables doivent être bénéficiaires d’une obligation légale d’emploi, ne permet pas à l’administration de s’affranchir de cette formalité.

Ainsi, dès lors que cette publicité n’est pas intervenue pour la totalité des dix-neuf postes mentionnés ci-dessus et que les candidats à la mutation n’ont pu solliciter leur affectation sur l’ensemble de ces emplois, le syndicat requérant est fondé à demander l’annulation de la décision.

  1. Conseil d’État, 2 avril 2021, Syndicat Snetap-Fsu, req. n° 440657 ;
  2. Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

Fonction publique territoriale : Les Dgs et Dga ne peuvent être candidats aux élections du personnel

Par un arrêt du 26 janvier 2021 1, le Conseil d’État a consacré une règle fondamentale, semblable à celle qui interdit aux cadres dirigeants de se présenter aux élections professionnelles et donc d’être élus représentants du personnel. En l’espèce, un syndicat avait contesté une liste dans laquelle figurait le directeur général adjoint (Dga) d’une communauté de communes. Le recours avait été écarté, en première instance et en appel.

Le Conseil d’État, pour sa part, a consacré sans ambiguïté la règle suivante : les agents détachés ou recrutés sur un emploi fonctionnel de directeur général des services (Dgs) ou de Dga d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale (Epci) « ne peuvent se porter candidats aux élections des représentants du personnel au sein du comité technique, dès lors qu’ils doivent être regardés, eu égard à la nature particulière de leurs fonctions, comme ayant vocation à représenter la collectivité ou l’établissement employeur ». La décision porte sur les seuls agents occupant les emplois fonctionnels de Dga et Dgs. Mais rien ne permet d’affirmer que cette interdiction leur est limitée. Les directeurs généraux des services techniques semblent tout autant concernés.

En outre, cette interdiction se fonde sur le fait que ces agents « ont vocation à représenter la collectivité » et non, par exemple, sur l’occupation d’un emploi fonctionnel. Or, en pratique, la représentation de la collectivité au sein de l’administration n’est pas limitée à ces seuls agents. Il existe nombre de directeurs, parfois chargés de services très importants, notamment les ressources humaines, qui n’occupent pas d’emplois fonctionnels et qui pourtant ont tout autant vocation, compte tenu de leurs fonctions, à assurer un rôle. Ils pourraient donc également être concernés par l’interdiction énoncée par le Conseil d’État.

La règle pourrait néanmoins, si elle devait rester jurisprudentielle, être délicate à appliquer s’il fallait dépasser le seul champ des emplois fonctionnels, ce qui paraît pourtant nécessaire pour sa cohérence. Il est donc probable qu’un texte vienne préciser cette règle, notamment en vue du renouvellement général des instances représentatives du personnel, prévu en décembre 2022.

  • Conseil d’État, 26 janvier 2021, syndicat Cfdt du Calvados, req. N° 438733.
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