Édition 010 - mi-mai 2022

L'ÉDITORIAL

Retraites  : la bataille commence maintenant  !
Par Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

Plébiscitées par les participantes et les participants, nos Rencontres d’Options ont permis de lancer la bataille des retraites, en commençant par remettre les pendules à l’heure sur un certain nombre d’arguments factuels. 
Options - Le journal de l'Ugict-CGT

Non, notre régime par répartition n’est pas en difficulté financière. Au contraire, du fait des réformes successives, il est malheureusement prévu que le niveau de vie des retraité·es chute et que le montant des pensions baisse dans le Pib (dixit le Cor) – sauf si notre mobilisation change la donne. 

Non, le système français de retraites n’est pas «  un des plus généreux au monde  », les Françaises et les Français partent en retraite plus tard que la moyenne des pays de l’Ocde (dixit l’Ocde). Oui, changer le mode de financement en passant de la cotisation à l’impôt transforme la nature du régime, et fait passer d’un droit au maintien du niveau de vie à un filet minimum de sécurité (dixit le Haut Conseil à la protection sociale). 

L’objectif de la réforme portée par Emmanuel Macron et par le patronat est donc de faire baisser drastiquement les dépenses publiques… et de mettre la main sur notre épargne en forçant celles et ceux qui en ont les moyens à se tourner vers l’épargne retraite. Une double peine  : aucune certitude de récupérer sa mise  ; financiarisation de nos entreprises et de notre travail, via les fonds de pensions, à l’image du scandale des Ehpad privés lucratifs. 

Mais nous ne voulons certainement pas nous limiter à une bataille défensive. Nous voulons gagner la prise en compte des années d’études et de la pénibilité. Nous voulons gagner la retraite à 60 ans avec 75  % du dernier salaire pour garantir le maintien du niveau de vie. Pour cela, l’enjeu est de réussir – enfin – à ouvrir le débat sur les leviers de financement de nos retraites. Nos propositions sont concrètes, précises et efficaces immédiatement. Il s’agit notamment d’élargir l’assiette des cotisations pour prendre en compte l’intéressement et la participation, et de mettre à contribution les dividendes, ou encore de réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes

Nous disposons d’arguments solides pour mener la bataille, mais aussi de points d’appui déterminants. Emmanuel Macron et le patronat n’ont pas de majorité sociale  : 70  % des Françaises et des Français sont contre la retraite à 65 ans, et une majorité, y compris chez les cadres, sont favorables à la retraite à 60 ans. Les braises de la mobilisation victorieuse de 2019 sont encore chaudes  : nous ne laisserons pas rentrer par la fenêtre ce que nous avons bloqué à la porte  ! 

Pour cela, la Cgt et son Ugict préparent la mobilisation sans attendre. Et cela commence par l’interpellation des candidates et candidats aux élections législatives, pour faire élire à l’assemblée un maximum de député·es favorables à la retraite à 60 ans. L’Ugict-Cgt met à disposition un quatre-pages de masse et enclenche un déploiement en grand pour permettre le débat avec les ingénieur·es, cadres et technicien·nes. Il s’agit d’un choix de société  : voulons-nous faire primer la solidarité ou le chacun·e pour soi  ? Voulons-nous que les richesses que nous produisons par notre travail soient captées par les 1  % les plus riches et détruisent notre planète ou, au contraire, qu’elles permettent de faire progresser le bien-être de nos sociétés  ? 

Si le capital persiste et signe dans son projet de réforme, il nous trouvera sur sa route. La Cgt appelle à l’unité syndicale et à une première journée de mobilisation en septembre  ! En 2019, nous avons gagné la première mi-temps, il reste maintenant à plier le match  !

Sur le site de l’Ugict-Cgt : Retraites, salaires : la bataille sociale est engagée !

L'ÉDITORIAL

Vu d’Europe – Vers la fin du secret des rémunérations

Le mois d’avril aura été chargé à Bruxelles, avec des développements positifs pour l’égalité des sexes, le télétravail et la santé et la sécurité au travail.

Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres

Au début du mois d’avril, le Parlement européen a adopté sa position pour les négociations avec le Conseil et la Commission sur la directive relative à la transparence des salaires entre les hommes et les femmes, avec un vote final de 403 pour, 166 contre et 58 abstentions. Ce vote a constitué un énorme pas en avant dans la lutte pour la réduction de l’écart de rémunération entre les sexes et pour l’interdiction du secret des rémunérations. Les femmes gagnant près de 15 % de moins de  l’heure que les hommes dans l’Ue, le fait de permettre aux travailleurs de discuter ouvertement de leur rémunération sera un moteur essentiel du changement dans les entreprises européennes. 

Jusqu’à présent, l’Europe n’a pas réussi à mettre en place une réglementation permettant de réduire les disparités salariales actuelles, l’écart de rémunération entre les sexes n’ayant diminué que de 1  % au cours des huit dernières années. Il faudrait que les femmes de l’Ue parviennent à l’égalité salariale d’ici à 2104. La directive sur la transparence des rémunérations entre les femmes et les hommes est un pas dans la bonne direction, qui était indispensable.

Lire aussi «  Eurocadres  : la présidente est Ugict-Cgt  ».

Prévenir les risques psychosociaux dus au télétravail

Notre campagne EndStress a également reçu un coup de pouce ce mois-ci, puisque l’Institut syndical européen (Etui) a publié, en mars 2022, un «  plaidoyer en faveur d’une directive européenne sur les risques psychologiques liés au travail  ». Ce rapport souligne la nécessité d’adopter un nouvel instrument contraignant au niveau de l’Ue, élaboré avec la participation des partenaires sociaux, essentiels pour fixer des normes minimales sur les risques psychosociaux.

Le télétravail est devenu la norme pour un grand nombre de travailleurs depuis le début de la pandémie. Pour de nombreux professionnels et cadres, il peut constituer une méthode efficace pour parvenir à un équilibre plus équitable entre vie professionnelle et vie privée. Malheureusement, cela n’a pas été la réalité, le télétravail entraînant une augmentation de la charge de travail, un effacement des frontières entre vie professionnelle et vie privée et une exposition aux risques psychosociaux. 

Il est important de rappeler que le télétravail est avant tout un mode d’organisation dont les risques doivent être prévenus et anticipés par les employeurs. Les entreprises doivent mettre en œuvre les mesures appropriées, notamment les bonnes pratiques managériales, pour permettre aux salariés de le vivre de la meilleure et de la plus efficace des manières.

Le dernier accord européen sur le télétravail date de 2002, et une mise à jour s’impose depuis longtemps. Eurocadres, en tant que partenaire social européen reconnu, a reçu mandat d’entamer des négociations sur un accord actualisé, et fera pression pour obtenir des améliorations pour les travailleurs au cours des prochains mois.

Des bâtons dans les roues de Deliveroo

Dans les nouvelles non bruxelloises, ce mois-ci, le tribunal pénal de Paris a infligé une amende de 375 000 euros à Deliveroo pour avoir abusé du statut d’indépendant de ses travailleurs. En décembre, la Commission européenne a proposé une directive pour les travailleurs des plateformes, saluée par les syndicats. La commission de l’emploi du Parlement européen devrait examiner la proposition au début du mois. Cette catégorie de travailleurs est depuis longtemps exploitée par les plateformes, et la décision de Paris est une réaction bienvenue. En attendant une protection européenne, les tribunaux nationaux doivent continuer à défendre ces travailleurs.

Objectif «  zéro mort au travail  »

Le 28 avril c’était la Journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, au cours de laquelle nous nous souvenons des personnes tuées ou blessées dans ce cadre. Cette année, la Confédération européenne des syndicats a lancé une campagne «  Zéro mort au travail  » dont l’objectif ultime est que l’Ue prenne des mesures d’ici à 2024, et que ce «  zéro mort  » devienne une réalité d’ici à 2030.

La campagne, qui bénéficie du soutien total d’Eurocadres, appelle concrètement l’Union européenne, ses États membres et les employeurs à prendre des mesures pour :

– prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, mettre fin à l’exposition à des substances dangereuses, notamment cancérigènes, et se préparer à une pandémie  ;

– faire de la santé physique et mentale des travailleurs le point de départ de l’organisation du travail et de la conception du lieu de travail.

Respect des droits de l’homme par les entreprises

Le mois prochain, nous préparerons notre événement du 1er juin sur la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, où nous étudierons comment les syndicats et les travailleurs peuvent influencer les stratégies des entreprises afin d’identifier, de prévenir, d’atténuer et de rendre compte des impacts négatifs des entreprises sur les droits de l’homme et sur l’environnement tout au long de la chaîne d’approvisionnement. 

Un rapport de la Commission en janvier 2020 a mis la question au premier plan, mais aucune mesure contraignante n’a été présentée, même avec la réponse du Parlement de 2021. Diverses organisations, dont Eurocadres, ont appelé à une action qui force les entreprises à s’engager dans des pratiques plus éthiques tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, et continueront à plaider pour une action européenne dans ce domaine.

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