Infographie -  Surcharge informationnelle : au risque de l’« infobésité »

Usage intensif des nouveaux outils collaboratifs, traitement quotidien de dizaines de mails et surabondance de canaux de sollicitations conduisent à une surcharge informationnelle générant fatigue et stress chez les salariés. Une étude ausculte le phénomène.

Édition 032 de mi-juin 2023 [Sommaire]

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Dans son référentiel annuel 2023, l’étude Infobésité et collaboration numérique met en évidence les différents éléments qui fondent une overdose de données et de documents permise par le numérique au travail. Pour Suzy Canivenc, chercheure à la chaire Futurs de l’industrie et du travail à l’école Mines Paris-Psl, ce sont à la fois les outils numériques et ses usages en entreprise qui construisent une (dés)organisation du travail et induisent une surcharge cognitive.

La connexion des salariés en dehors de leur temps de travail est en augmentation. Alors que près de 20  % étaient totalement déconnectés en 2021 en soirée, ils sont désormais moins de 10  %, en 2023, à être exempts de sollicitation après leur journée de travail. Dans le même mouvement, la proportion de salariés faiblement ou modérément exposés est également en augmentation.

Parmi les outils les plus utilisés  : l’e-mail. Leur envoi durant les horaires classiques de travail ou en dehors, et la nécessité – réelle ou ressentie – de les traiter « rapidement », en font un canal d’information au cœur de la surcharge informationnelle.

L’étude de l’Oicn indique que près de 40  % des mails envoyés le sont à titre purement informatif. Une majorité (57  %) sont transmis à plusieurs personnes, entre 2 et 10, ce qui entraîne une dilution de la «  responsabilité  ». En moyenne, le nombre de mail reçus atteint 144 par semaine  ; il grimpe à 331 pour les cadres dirigeants, ce qui alourdit la charge managériale.

En engendrant stress et épuisement du fait de l’incapacité à traiter toutes les demandes, l’usage intensif de l’email est un facteur central de la « pénibilité numérique  ». L’étude relève que seulement 16  % des mails reçus obtiennent une réponse  ; les autres sont transférés, lus ou non. Elle note également un effet « parapluie » de l’envoi en copie à de multiples destinataires, quand un seul pourrait être pertinent.

Parmi les autres items étudiés, la réunion vient s’imposer comme un facteur d’accroissement de la surcharge informationnelle, de surcroît dans un contexte de digitalisation (Teams, Zoom…). L’étude décrit des réunions dont le nombre de participants augmente, ce qui allonge les temps de discussions et altère la capacité à décider. Les demandes de reporting mais aussi de «  recroisement  » avec des salariés présents à d’autres réunions renforcent une forme de boucle itérative, appelée aussi «  réunionite  ».

Les réunions et leur charge sociale – être présent ou non – soulèvent à la fois des enjeux de gestion de la charge de travail, de disponibilité mentale et physique et de représentation dans des cadres de décisions. Enfin, 3,8  % des salariés – et 10  % des dirigeants – ont des réunions qui se succèdent à moins d’une demi-heure d’intervalle.

Mails, messages personnels ou collectifs, nouveaux échanges sur un outil collaboratif, réunions sont parmi les facteurs qui influent directement sur la capacité à travailler sans être interrompu. Au total, 70  % des salariés interrompent leur tâche lorsqu’ils reçoivent une notification, amenuisant la concentration.

L’étude affirme que, du fait de l’avalanche de notifications, sonores ou silencieuses, aucune catégorie de salarié ne dispose d’au moins la moitié de son temps de travail sans être interrompu  ; 89  % des dirigeants affirment que leur temps de travail est perturbé par l’envoi de mails. La part hebdomadaire du temps de travail qualifié de «  calme » (sans interruptions dues à des sollicitations extérieures) ne dépasse pas 42  % pour les salariés, 24  % pour les managers et 11  % pour les dirigeants.

L’étude décrit ainsi un mille-feuille communicationnel dont il résulte «  un sentiment de densification du travail et de surcharge cognitive, préjudiciable à la qualité du travail et à la santé psychique des travailleurs et des travailleuses  ». L’objectiver, montre-t-elle, est «  un préalable nécessaire à toute forme de régulation  ». Dont le droit effectif à la déconnexion.