Par Patrick Fernand,
Animateur du pôle professions techniciennes et intermédiaires et membre du bureau de l’Ugict-Cgt
C’est un des points forts, mais pas le seul, que démontre, le baromètre techniciens-agents de maitrise-professions intermédiaires que vient de publier l’Ugict-Cgt en collaboration avec l’institut de sondage Viavoice.
Ce baromètre existe depuis 2016 et à ce jour, jamais les salaires n’ont figuré en si bonne place (2e) parmi les trois priorités de ces catégories.
Tout d’abord, les augmentations générales de salaires sont plébiscitées par 91 % des sondés et 60 % considèrent que l’augmentation obtenue (quand elle existe) ne compense pas la perte de leur pouvoir d’achat. Une majorité considère que leur salaire est en décalage avec leur implication, leur charge de travail, leurs responsabilités, leur qualification ou le temps de travail réel effectué.
Ces chiffres sont près de 10 points plus élevés que dans le baromètre Cadres publié il y a quelques semaines par l’Ugict-Cgt.
La particularité de la catégorie est d’être particulièrement genrée. Aux femmes, les métiers d’infirmières, assistantes sociales, éducatrices, assistantes de direction, aux hommes ceux de technicien, agents de maîtrise, informaticien avec des inégalités salariales qui perdurent entre métiers féminisés et masculinisés, jusqu’aux augmentations salariales elles-mêmes genrées !
Mais le baromètre ne souligne pas seulement les problématiques des salaires et de la reconnaissance. La lassitude et la perte de sens au travail, entraine ces professions à « La Grande Démission ». En effet, 1/3 des sondé·e·s du privé, chez les salariés de 30-39 ans, dans le commerce, l’hôtellerie-restauration ou les transports, envisagent de quitter leur emploi dans les 12 mois, y compris par démission. En 2018, ils étaient 8 %. Selon l’Insee.
Le présent, certes, mais aussi l’avenir. Les Techniciens, Agents de Maîtrise et Professions intermédiaires y pensent et sont attachés à une retraite à 60 ans (65 % avec prise en compte des années d’études) et avec 75 % du salaire de fin de carrière (83 %). 52 % se prononcent pour la mise à contribution des dividendes dans le financement des retraites. Voilà qui est de bon augure dans la bataille des retraites qui s’annonce avec le gouvernement Macron.
La fonction publique reprend ces chiffres en les accentuant de façon parfois très prononcée. Ils sont par exemple, à augmenter de près de 10 % sur les problématiques salaires.
Les violences sexistes et sexuelles perdurent puisque 10 % seulement des répondant·e·s, témoins de ces violences affirment que l’agresseur a été sanctionné.
Et que dire de leur vision critique du management qui les écrase. Des conflits éthiques rencontrés trop régulièrement (63 % dans le privé et 72 % dans le privé), des évaluations qui évaluent tout sauf le travail réel. De la formation professionnelle qui n’aboutit à aucune progression de carrière et du temps de travail qui ne cesse d’augmenter (58 % affirment dépasser les 39 h/semaine).
Qu’en conclure sinon que ces catégories ont le vif sentiment d’être des laissés-pour-compte, victimes du Wall Street Management (management par les coûts). Leur expertise est niée, leur profession souvent externalisée la première dans les réorganisations et ce, malgré leur dévouement.
Entre l’arbre et l’écorce, ces professions, situées entre les ouvriers, dont elles sont parfois issues, et des cadres donneurs d’ordres se retrouvent dans une situation des plus inconfortables. Ni ouvriers, ni cadres avec pour seul bagage leur expérience et leur expertise.
Il nous faut faire sortir cette catégorie socio-professionnelle de l’ombre et la revaloriser à, sa juste valeur, celle d’un personnel dispensable et qui doit être rétribué comme il le mérite.
Le patronat se doit d’engager un vaste chantier concernant ces professions. Reconnaissance, salaires, qualifications, responsabilités.