Salaires, temps de travail, engagement… les opinions des cadres au crible du baromètre Ugict-Cgt/Secafi/Viavoice

Une forte proportion de cadres se dit prête à se mobiliser pour défendre les salaires et la retraite : y compris par la manifestation ou par la grève.

Édition 023 de mi-janvier 2023 [Sommaire]

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Six cadres sur dix veulent disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités professionnelles. ©AltoPress/Maxppp
Une forte proportion de cadres se dit prête à se mobiliser pour défendre les salaires et la retraite : y compris par la manifestation ou par la grève.

Quelques jours avant la journée de mobilisation interprofessionnelle du 29 septembre, c’est un signal d’alerte que lance le baromètre annuel Ugict-Cgt/Secafi/Viavoice sur les « Opinions et attentes des cadres au travail » [Vidéo] Ou plutôt « des » signaux  : sur les salaires, alors que la Dares a chiffré provisoirement à 3,7  % en moyenne (second semestre 2022) la perte de pouvoir d’achat des cadres et professions intermédiaires ; sur le temps de travail, en nette augmentation par rapport à 2021  dans sa durée la plus longue ; sur la distance avec les directions d’entreprises, qui se confirme…

« A l’opposé de la caricature individualiste qui leur est souvent associée, les cadres se disent ainsi prêts à se mobiliser pour défendre leurs droits  », souligne Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt. Collectivement, y compris par la grève  pour obtenir une augmentation de salaire (35 %). Ils sont encore plus nombreux à s’y déclarer prêts pour défendre leur retraite (42 %), motivés par leur opposition à un report de l’âge légal  : une majorité (56 %) souhaite en effet un rétablissement de l’âge de départ à 60 ans, avec une prise en compte des années d’études, financée par une mise à contribution des dividendes (53 %).

Travailler les jours de repos  ? 70 % des fonctionnaires sont concernés

Réalisé depuis dix ans, le baromètre permet de confirmer ou d’identifier de nouvelles tendances. L’édition 2022 est notamment marquée par les effets du retour de l’inflation. « Les résultats montrent que celle-ci n’est pas théorique », souligne Olivier Dupuis, cadre chez Rte et membre du bureau de l’Ugict-Cgt, lors d’un webinaire de présentation à plusieurs voix des résultats. À tel point qu’ils sont 67  % à en faire une priorité  : c’est 14  % points de plus qu’en 2021. Inadéquation de leur rémunération avec leur temps de travail réel, leur charge de travail, leur implication… l’insatisfaction s’exprime de façon multiple, souvent plus accentuée pour les femmes et les fonctionnaires. Elle se cristallise autour d’une donnée phare  : 73  % des cadres, mais 80  % des femmes cadres, estiment que leur pouvoir d’achat a baissé en un an.

C’est également sur le temps de travail que le mécontentement est particulièrement marqué chez les femmes cadres. Le baromètre met ainsi en évidence un travail fréquent les jours de repos  : 54  % des cadres, mais 59  % des femmes, dont le temps est plus fragmenté ; un taux qui grimpe à 71  % chez les agents de la Fonction publique. Une majorité de cadres (58  %), et de femmes cadres (60  %) estime que sa charge de travail a augmenté depuis l’année dernière.

La semaine de 45 heures  ? Une réalité pour 42 % des cadres

Illustration  : 42  % des cadres disent travailler plus de 45 heures par semaine, 20  % plus de 49 h, c’est une augmentation de cinq points par rapport à 2021. C’est l’une des rares données qui n’est pas accentuée pour les femmes, dont le temps de travail est encore contraint par les tâches domestiques. Sophie Binet en tire deux enseignements, alors que l’équilibre entre vies professionnelle et privée reste une priorité (71  %, +6 points par rapport à 2021). D’abord le nécessaire encadrement du télétravail, dont le gain de temps de transport apparaît comme absorbé par une charge de travail et un temps de travail en augmentation ; la mise en œuvre d’un droit effectif à la déconnexion et la suppression des forfaits jours sans décompte horaire.

Ces multiples signaux d’alerte interviennent alors que se confirme la distance avec les directions. Un chiffre éclaire ce constat  : seuls 16  % des cadres interrogés estiment que les pratiques managériales de leur entreprise ou de leur administration se sont améliorées au cours de l’année écoulée. Une majorité (58  %) critique ainsi l’évaluation professionnelle en termes de critères ou de transparence ; cette critique est encore plus forte (+10 points) chez les fonctionnaires, ce qui est symptomatique d’un rejet du « New public management ».

Se syndiquer  ? 28 % des cadres y sont prêts

Sauf pour les cadres des entreprises de moins de 50 salariés, ils ne sont enfin pas associés (68 %) aux choix stratégiques de leurs directions. Directions qui ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux environnement et les place, professionnellement, dans un conflit éthique particulièrement dénoncé par les cadres de la fonction publique (62 %). Au total, 60 % disent vouloir disposer d’un droit d’alerte dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités professionnelles, afin de pouvoir refuser mettre en œuvre une directive contraire à leur étique.

Alors que leurs perspectives professionnelles sont dégradées, singulièrement pour les plus de 50 ans, le baromètre montre qu’ils sont prêts se mobiliser, par la signature d’une pétition, la grève ou la manifestation, dans ce dernier cas pour défendre leur retraite (48 %) ou pour des augmentations de salaires (37 %). S’ils continuent en grande partie à avoir confiance surtout en en eux-mêmes, ils sont aussi 28 % (+2 points) à se dire prêts à se syndiquer.

Christine Labbe

Sondage Viavoice pour l’Ugict-Cgt, entretiens réalisés en ligne du 23 au 31 août 2022 , auprès d’un échantillon de 1000 personnes, représentatif de la population des cadres travaillant en France métropolitaine.