Assurance-chômage : le gouvernement annule une disposition controversée à l’aube de la réforme des retraites

Réduire de 40 % la durée d’indemnisation si le taux de chômage passait en dessous de 6 % : le projet de décret transmis avant Noël aux syndicats a été officiellement retiré. Mais le soulagement est tout relatif. Explications.

Édition 023 de mi-janvier 2023 [Sommaire]

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Dénoncé par les syndicats, le durcissement des conditions d’indemnisation interviendra au 1er février 2022. ©PhotoPQR/Ouest France/MaxPPP

C’est une mesure qui ne verra finalement pas le jour… pour le moment du moins. À la veille du réveillon de Noël, le gouvernement avait transmis aux syndicats un projet de décret sur la réforme de l’assurance-chômage et, à la surprise générale, ce texte n’était pas celui qui avait été présenté lors des «  concertations  ».

Le gouvernement y confirmait la réduction de la durée d’indemnisation de 25  % si le taux de chômage passait en dessous de 9  %, équivalent d’une bonne santé économique, selon lui. Or le texte transmis, comportait aussi un troisième niveau de durée d’indemnisation, réduit de 40  %, si le taux de chômage était inférieur à 6  %. De quoi provoquer la colère des syndicats, déjà vent debout contre la réforme.

Ce troisième niveau a finalement été retiré du décret, a annoncé la Première ministre Élisabeth Borne sur la chaîne de télévision France Info le 3 janvier. Mais ce retrait ne signifie aucun renoncement du côté de l’exécutif. «  On a voulu être transparent en affichant toutes les situations et les règles qui s’appliqueraient y compris si le taux de chômage passe en dessous de 6 %  », a-t-elle argumenté, ce qui ne sera pas le cas avant la fin de carence du décret, le 31 décembre 2023. Transparence, vraiment  ? «  Il nous semble plus probable, même s’ils continuent d’essayer d’imposer ce levier d’emploi pour obliger les privés d’emploi à accepter n’importe quelle proposition, que c’est un nouvel aveu de faiblesse sur une adhésion à leur projet  », souligne la Cgt dans un communiqué.

Le retrait, annoncé à l’aube d’un conflit sur la réforme des retraites, est aussi motivé par le manque de concertation sur ce point. Pour la Cgt, c’est un signe de «  fébrilité  ». Mais le soulagement est tout relatif. «  Sur le fond, le durcissement est bien là dès le 1er février  », rappelle Denis Gravouil,  chargé des questions emploi et chômage à la Cgt. Les syndicats redoutent d’ailleurs les tentatives du gouvernement de fausser les chiffres par des procédés déjà identifiés. En effet, le taux de chômage choisi pour évaluer la santé du marché du travail tient compte uniquement de la catégorie A de Pôle emploi, c’est-à-dire des demandeurs d’emplois n’ayant pas travaillé du tout durant le mois précédent. Or, les réformes successives de l’assurance-chômage visent précisément à les inciter à accepter n’importe quelle offre, même un contrat court et précaire, pour être classé en catégories B ou C.

Autre élément d’inquiétude pour les syndicats  : l’explosion du nombre de radiations par Pôle emploi. En novembre 2022, 58 100 personnes ont été radiées de l’indemnisation, selon les chiffres communiqués par la Dares. Il s’agit d’un record depuis la création des statistiques à Pôle emploi en 1996. Si la baisse du nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A n’est pas uniquement liée à ces radiations, il faut resituer ce chiffre dans l’objectif de 500 000 contrôles par an fixé par Emmanuel Macron.

Ce durcissement des règles intervient aussi après la publication d’une étude de l’Unédic portant sur les effets de la précédente réforme. Entrée en vigueur en 2021, elle a entraîné une baisse des droits de 16  %. Elle a aussi réduit de 20  % les ouvertures de droits à l’indemnisation pour les personnes se retrouvant au chômage. Cette baisse est plus marquée chez les jeunes, les Cdd et les intérimaires. La proportion des chômeurs indemnisés par Pôle emploi tombe ainsi à 36,6  %, soit 4  % de moins qu’en 2021.

Malgré son retrait, cette mesure devrait revenir rapidement lors des prochaines concertations, désormais annuelles, sur l’assurance-chômage. Si le gouvernement avait maintenu ce troisième palier, il aurait pris le risque, selon Denis Gravouil, d’être censuré par le Conseil d’État, qui aurait sanctionné un défaut de concertation… Le projet aura en revanche réussi à remobiliser les syndicats. Dès le 28 décembre, la Cgt Pôle emploi et des comités de chômeurs lançaient un mouvement d’occupation d’agences à Montreuil, Marseille, Lille et Lorient, pour réclamer notamment le retrait des dernières réformes de l’assurance-chômage et la fin des radiations. Pour Denis Gravouil, l’enjeu est désormais plus large : « Il faut une convergence entre le mouvement des retraites et celui du chômage. »

Arthur Brondy