Culture  : front commun au CentQuatre pour retrouver l’envie de travailler

Après dix jours de grève, techniciens permanents, intermittents et personnels administratifs de l’espace culturel ont obtenu des avancées, notamment salariales. Mais tout est loin d’être réglé.

Édition 011 de fin mai 2022 [Sommaire]

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Créé en 2008, le CentQuatre occupe un vaste espace qui sert souvent de lieu de tournage et de décor. Creative Commons Attribution 3.0 – Jean-Christophe BENOIST
Après dix jours de grève, techniciens permanents, intermittents et personnels administratifs de l’espace culturel ont obtenu des avancées, notamment salariales. Mais tout est loin d’être réglé.

Après deux années de pandémie, le CentQuatre, situé à Paris 19e, a retrouvé une programmation culturelle riche et dense. Si l’espace culturel est un véritable lieu de vie où s’entremêlent diverses formes de culture, si de multiples spectacles, créations et ateliers y sont organisés, il faut pour que ce petit miracle fonctionne, de nombreuses techniciennes et techniciens. Or, fin janvier, toutes les catégories de personnels et tous les métiers étaient liés pour un mouvement social inédit (99 grévistes) portant notamment sur les salaires et les conditions de travail. Des techniciens aux intermittents, en passant par les services de production, de billetterie ou des ressources humaines, «  dans les assemblées générales, il y avait tout le CentQuatre  », raconte un technicien intermittent.

Les syndicats, comme le Synptac-Cgt, venus en appui, ont largement soutenu le mouvement parti des salariés eux-mêmes. Durant cette période, plusieurs spectacles n’ont pu être joués, faute d’intermittents. Une première demande de réunion de la part des salariés avait été faite en décembre 2021 pour évoquer le problème de la charge de travail trop importante. En suggérant, dans sa réponse, que les salariés ne savaient peut-être plus travailler après la pandémie, la direction a jeté de l’huile sur le feu et fait l’unanimité contre elle.

Des revalorisations salariales obtenues pour les permanents et les intermittents

À l’issue de dix jours de grève, les négociations avec José Manuel-Gonçalvès, directeur de ce centre culturel atypique (voir encadré), ont permis d’obtenir des avancées significatives sur certains points. C’est ce que souligne le Synptac dans un communiqué paru sur son compte twitter  : une revalorisation des salaires a été acquise pour les permanents comme pour les intermittents, et la direction s’est engagée à ouvrir des négociations sur l’organisation et les conditions de travail. Des avancées jugées suffisantes pour que le lieu redevienne attractif pour certains techniciens intermittents. Pour un chef machiniste, le taux horaire est ainsi passé de 15 à 18 euros de l’heure. Cette revalorisation a été très bien accueillie par les intermittents, qui témoignent d’un travail fatiguant, spécifiquement au CentQuatre, en raison de l’architecture du lieu.

Trois mois plus tard, l’activité a repris à plein régime. Mais la direction aurait-elle eu les yeux plus gros que le ventre  ? Intermittents et permanents continuent de dénoncer une charge de travail infernale due à un manque criant d’effectifs. Il faut dire que pour eux, le CentQuatre était loin d’être attractif en termes de salaire, avec un taux horaire de 15 euros pour les intermittents. «  Quand ils ont le choix, ils vont ailleurs. Depuis des années, nous alertons la direction sur cette pénurie d’intermittents  », explique Pascal Kmiecik, délégué du personnel et représentant du Synptac. Le gain salarial obtenu, réel, s’avère encore insuffisant. Il ajoute  : «  Les équipes continuent de travailler en flux tendu avec des ordres, des contre-ordres… et des changements très fréquents de dernière minute sur l’installation de la programmation…  »

Du salaire au management, les raisons de la colère

Si la revendication salariale a été au cœur du conflit social, d’autres éléments ont aussi joué dans son ampleur. Cela fait longtemps en effet que les salariés dénoncent un management brutal et des dysfonctionnements dans l’organisation. Confirmation de Pascal Kmiecik  : «  Dans cette maison, il faut que l’on travaille sur le management  ; un management pathogène, avec de l’arrogance et du mépris…  » Entre les salariés et la direction, la confiance semble rompue. La direction, qui s’était engagée à réduire la voilure et à diminuer le nombre de levers de rideaux, travaille dans le même temps à une exposition très conséquente pour le mois de septembre, qui s’avère complexe et lourde à mettre en place pour les salariés et les intermittents. «  D’un côté, il y a le discours selon lequel on va baisser le nombre de levers de rideaux  ; d’un autre côté, il y a cette exposition, pour laquelle jamais autant de moyens financiers n’ont été mis sur la table…  », souligne le délégué Cgt du personnel.

L’enthousiasme de fin de grève est en grande partie retombé, et les réunions censées se tenir pour aborder notamment l’organisation du travail n’ont pas existé très longtemps… «  Aujourd’hui l’état d’esprit ne s’est pas apaisé  », selon le délégué du personnel, qui envisage de réclamer l’ouverture de Nao – elles seront certainement épineuses.

Arthur Brondy

Un lieu culturel atypique

Le CentQuatre a été créé en 2008 sur l’ancien site du service des pompes funèbres de la Ville de Paris. C’est un lieu très vaste avec une superficie de 39 000 mètres carrés. La plupart des techniciens sont des intermittents, ce qui en fait sa particularité. Les permanents occupent, pour leur part, essentiellement des fonctions d’encadrants et d’administratifs. Les spectacles dépendent donc beaucoup des intermittents. Enfin, le lieu en lui-même est atypique dans la richesse des formes d’arts qu’il accueille. Au Cent-Quatre peuvent cohabiter une exposition de street-art, des amateurs de hip-hop, tout comme des spectacles de théâtre ou de danse classique et contemporaine… L’espace – magnifique – sert d’ailleurs souvent de lieu de tournage et de décor, comme dans le dernier film de Cédric Klapish, En corps, où des jeunes dansent sur du hip-hop dans la grande halle.

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