Signée par les partenaires sociaux au printemps 2017, la charte sociale des Jeux olympiques et paralympiques (Jop) 2024 veut faire référence avant, pendant et après l’organisation des Jeux de Paris. Comment la mettre véritablement en œuvre ? Initiative à la Cgt.
« C’est une première mondiale », prévient d’emblée Bernard Thibault comme représentant des salariés français au sein de l’Organisation internationale du travail (Oit). En signant, au printemps 2017, une Charte sociale des Jeux olympiques et paralympiques Paris (Jop) 2024, les cinq confédérations françaises, rejointes par les organisations patronales (Medef, Cpme, U2p) se sont engagées, avec le comité d’organisation, à promouvoir 16 engagements pour garantir les droits sociaux des travailleurs avant, pendant et après l’événement sportif.
Une manière, pour les signataires, d’accompagner la volonté d’« exemplarité » mise en avant par le comité lors de la phase de candidature en matière sociale, d’impulser une nouvelle approche d’ailleurs observée de près à l’extérieur pour l’organisation future des grandes compétitions sportives. Premier signe tangible de cette volonté partagée : la présence des partenaires sociaux, dont Bernard Thibault, aux conseils d’administration du Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) comme de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo).
Penser un nouveau modèle d’organisation des Jeux
Presque deux ans plus tard, l’initiative organisée par la Cgt, le 19 janvier dernier à Montreuil (1), témoigne d’une double intention.
Pour commencer, des représentants de salariés, et singulièrement la Cgt, s’impliquent dans l’application effective de ces engagements, alors que les Jop 2024 pourraient engendrer quelque 240 000 emplois selon le scénario le plus favorable. Certes, 95 % des infrastructures existent déjà, mais il faudra les rénover, les aménager et en construire de nouvelles, comme le centre aquatique, le village olympique ou celui des médias. Avec près de 60 000 emplois potentiellement concernés, les métiers de la construction et du bâtiment se trouvent naturellement en première ligne et particulièrement exposés : « Dans une profession où il y a un mort par jour, notre travail n’est pas seulement pénible, il est aussi dangereux », alerte Bruno Bothua, secrétaire général de la fédération Cgt Construction-Bois-Ameublement.
Seconde intention : le choix d’une démarche de « coconstruction » des Jeux, comme l’atteste la participation de représentants du Cojo comme des collectivités territoriales impliquées, Ville de Paris ou conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Les Jeux ne peuvent plus être aujourd’hui une simple parenthèse de quelques semaines centrées uniquement sur les épreuves sportives : « Nous ne pouvons plus, en effet, nous satisfaire de la partie “compétition” de l’événement. Celui-ci doit être aussi plus social, plus “vert” et plus solidaire, au service du développement des territoires. Dès la phase de candidature, la Cgt et les syndicats nous ont aidés et nous aident encore à penser un nouveau modèle », explique Tony Estanguet, triple médaillé olympique et président du Cojo.
Il faut ainsi remonter au début des années 2000 pour voir se développer la notion d’« héritage » comme élément central de l’organisation des grands événements sportifs. D’abord envisagée de façon formelle, cette notion est désormais incontournable : que va-t-il rester, en effet, une fois les compétitions terminées ? Si l’héritage est envisagé au départ essentiellement dans son impact économique de court terme, il est devenu, au fil des décennies, « multidimensionnel », comme le montre une étude du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges (Cdes) (2), en intéressant des champs très différents : culturel, sportif, écologique mais aussi social. Le programme « héritage » du dossier français s’inscrit dans ce mouvement irréversible, en faisant explicitement référence à la charte sociale et à l’implication de ses acteurs pour l’emploi de qualité, les conditions de travail ou la formation et le reclassement des travailleurs. En ce sens, il précède l’objectif fixé par le Comité international olympique, à savoir que chaque candidature doit remplir des critères sociaux d’ici à 2030.
Le respect des normes internationales du travail
Sur le papier, la démarche est ambitieuse. Cela n’a pas empêché certains sites olympiques de se transformer, à Rio, en « éléphants blancs » en dépit des promesses du programme « héritage » brésilien ; cela n’empêche pas, également, certaines chartes de n’être jamais appliquées. Pour autant, « il faut y aller avec confiance », assure Bernard Thibault, grâce à « une approche sociale globale, en amont, avant les premiers coups de pioche ».
Cela implique, en particulier, dans le cadre des contrats d’objectifs en cours de rédaction, d’obliger les entreprises répondant aux appels d’offres à être coresponsables des objectifs sociaux de la charte et donc exemplaires du point de vue de la réglementation du travail : une étape déterminante dans la mise en œuvre des engagements. Il faut aussi anticiper les besoins de formation grâce à une cartographie des emplois, et définir des mécanismes pour suivre la manière dont les événements se déroulent : respect du Code du travail, hygiène et sécurité, rémunérations, conditions de logement et transports, restauration collective… Un comité de suivi et de mise en œuvre de la charte sociale, regroupant organisations syndicales et patronales, a d’ailleurs été installé pour contrôler sa bonne exécution.
« L’aventure commence, souligne ainsi Philippe Martinez, secrétaire général de la Cgt. Il faut y aller marche après marche, en ayant un cadre, une référence qui sont des points d’appui pour l’activité », chaque engagement représentant une porte d’entrée pour faire valoir les revendications. Alors que la Cgt a été à l’initiative de la charte, elle peut également s’appuyer, dans le domaine de la construction, sur son expérience de l’Epr de Flamanville avec le label « grand chantier ». Au-delà, il s’agit d’imposer pour l’organisation des Jop 2024 en France un « standard social de haut niveau », comme l’affirme le préambule de la charte, en valorisant le modèle français mais aussi en garantissant l’application des normes internationales du travail. C’est ce que prévoient en particulier, au chapitre de l’emploi de qualité et des conditions de travail, les signataires qui s’engagent à « faire respecter les normes internationales du travail et notamment le “travail décent” au sens de l’Organisation internationale du travail auprès des sous-traitants et des fournisseurs ».
Du Qatar 2022… à Paris 2024
Dans ce travail en construction, les fédérations « ont toute leur place », pour reprendre l’expression de Bruno Bothua, en se saisissant des engagements pris dans la charte, notamment en matière d’emploi de qualité – lutte contre les discriminations, encouragement à la mixité, protection de la santé… – ou de développement des compétences et de sécurisation des parcours professionnels. « Comment et pourquoi construire ? Cette question fonde notre réflexion », explique le secrétaire général de la fédération de la Construction, frappé par les images de sites olympiques laissés à l’abandon, et pour qui les enjeux sont multiples, alors que l’engagement n° 14 prévoit « une reconversion exemplaire du village olympique autour d’un programme de logements sociaux et d’urbanisme innovant » : identification des besoins en compétences et mise en œuvre du nouveau statut du travail salarié, prévention des accidents du travail, droits des salariés détachés mais aussi place des nouvelles technologies, mesures d’écoconstruction en lien avec la filière bois française, recyclage des déchets… Il y a quelques années, la fédération donnait d’ailleurs un « carton rouge à la Fifa » pour demander que la Fédération internationale de football association respecte les normes sociales du travail, en particulier sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022, au Qatar. « Ce combat, nous devons le poursuivre. Mais il sera d’autant plus efficace, assure Bruno Bothua, que nous serons exemplaires ici. »
Christine Labbe
Cgt, « Jo 2024 : plus haut, plus fort pour les droits sociaux », à Montreuil le 19 janvier 2019.
Cdes Limoges, « Paris 2024 : étude d’impact », 2016, 22 pages. À retrouver sur www.cdes.fr.
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