Observatoire du télétravail : alerte sur les forfaits-jours et les espaces réorganisés
Entre renégociations d’accords d’entreprises et réorganisations des lieux de travail, l’Observatoire du télétravail publie sa première enquête. Cette modalité de travail est plébiscitée par celles et ceux qui le pratiquent, à l’exception des salariés en forfait-jours.
À la question « comment vivez-vous votre situation en télétravail ? », 93 % des sondés répondent « plutôt bien » ou « très bien ». Environ 7 800 personnes ont répondu aux 117 questions de l’enquête 2023 de l’Observatoire du télétravail diffusée sur les réseaux sociaux ; 5 400 réponses ont pu être analysées.
Près de 32 % des répondants bénéficient de deux jours de télétravail par semaine, 16 % d’un jour, 25 % de moins d’un jour. Pour 82 % d’entre eux, le télétravail permet un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La motivation première de la demande de télétravail est la réduction du temps de trajet (91 %). Le temps gagné sur les trajets est consacré prioritairement à la vie de famille.
Un temps de travail plus élevé en forfait-jours
Une catégorie particulière se dit néanmoins beaucoup moins satisfaite que les autres : les salariés au forfait-jours, dont le temps de travail est décompté en jours et non pas en heures. En effet, leur temps de travail, qui dépassait déjà celui des autres salariés de deux cents heures chaque année (Dares, 2015) a encore augmenté avec l’expansion de la pratique du télétravail.
Alors que 60 % de l’ensemble des répondants déclarent « très bien » vivre leur situation, c’est seulement le cas pour 26 % des salariés en forfaits-jours. Pour eux, le télétravail augmente le temps travaillé, au détriment de leur temps de repos. Ils sont plus nombreux à déclarer utiliser la réduction du temps de trajet pour travailler plus, au lieu de se reposer. En 2021, 14 % des salariés étaient concernés par le forfait-jours (Dares, 2022). Parmi eux, 80 % sont des cadres et 12 % font partie des professions intermédiaires.
Qu’ils dépendent ou non du régime du forfait-jours, « les salariés voient dans le télétravail un moyen d’équilibrer les temps consacrés à la vie professionnelle et à la vie personnelle. Pourtant la frontière reste poreuse et le temps de travail déborde souvent sur le temps personnel » constate Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Ugict.
Des managers coincés entre flex-office et télétravail ?
Assiste-on à un retour au bureau ? « Non, répond Emmanuelle Lavignac, secrétaire nationale de l’Ugict. On assiste à une vague de renégociations d’accords triennaux qui avaient été conclus au début du Covid. On constate que ces accords précisent souvent le nombre de jours de présence dans les locaux de l’entreprise. Mais ça ne veut pas dire que les employeurs veulent faire revenir tous leurs salariés à plein temps. »
Les résultats de l’enquête confirment en revanche une réorganisation massive des espaces de travail, sous différentes formes. Pour 23 % des répondants, la mise en place du télétravail s’est accompagnée d’une réorganisation en open space : 32 % n’ont plus de poste fixe lorsqu’ils se rendent dans les locaux de l’entreprise (flex office), tandis que 22 % ont assisté à un déménagement. Très majoritairement (78 %), les salariés n’ont pas été consultés sur ces réorganisations. Près d’un sur deux estime qu’elles ont eu un impact négatif sur le collectif de travail.
Alors même que les trois quarts des managers déclarent ne pas avoir été formés au management à distance, 47 % estiment que la réorganisation des lieux a un impact négatif sur l’encadrement de leur équipe. Dans ce contexte, « les managers se retrouvent bien souvent démunis pour faire leur travail » déplore Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Ugict.
Les télétravailleurs se sentent-ils surveillés ?
Dans le cadre du travail hors des locaux de l’entreprise, les outils de visioconférence et les plateformes collaboratives sont fréquents. Ils peuvent être utilisés à des fins de contrôle. Professeure associée au département droit des affaires et ressources humaines de Tbs Business School, Caroline Diard a étudié la surveillance du télétravail. Elle constate qu’une part importante des répondants ne savent pas si leur temps de travail est surveillé en distanciel ; 45 % d’entre eux ignorent si leur employeur vérifie leur temps de connexion.
Le sentiment de surveillance augmente avec la charge de travail et le nombre de jours de télétravail. Plus le nombre de jours télétravaillés est important, plus les répondants ont le sentiment d’être surveillés, quel que soit par ailleurs leur niveau d’autonomie et de confiance. Il est à son maximum chez les « télétravailleurs intensifs » (quatre jours par semaine) et très bas chez les « télétravailleurs ponctuels » (moins d’un jour par semaine). Plus les salariés peuvent décider de la répartition de leurs jours de télétravail, moins ils se sentent surveillés.
Certains témoignages recueillis dans le cadre de cette enquête évoquent le « lancement automatique de Skype », l’« affichage de leur disponibilité sur Teams », ou encore la demande de se connecter à Zoom avec leur caméra. Pourtant, plus de huit répondants sur dix déclarent ne pas être surveillés par un dispositif d’activation de leur caméra, ni par l’intermédiaire de leurs frappes sur le clavier ou du mouvement de la souris. Seulement 3 % disent recevoir des appels et mails réguliers de leurs managers.
Les travaux de l’Observatoire permettent à l’Ugict de nourrir sa connaissance du télétravail et des revendications à porter. Elle défend notamment l’encadrement du temps passé en télétravail « avec l’application des durées maximales de travail, y compris au forfait-jours, et une définition claire des plages horaires sur lesquelles les salariés peuvent être joignables », détaille Caroline Blanchot. Regroupant des scientifiques de différentes disciplines et des syndicalistes, l’Observatoire rendra régulièrement compte de ses travaux, à commencer, dans les mois qui viennent, par une analyse de la situation des femmes en télétravail.
Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience lorsque vous naviguez sur le site web. Parmi ces cookies, les cookies classés comme nécessaires sont stockés sur votre navigateur car ils sont essentiels au fonctionnement de fonctionnalité...
Les cookies nécessaires sont absolument essentiels pour que le site web fonctionne correctement. Cette catégorie ne contient que des cookies qui garantissent les fonctionnalités de base et les fonctionnalités de sécurité du site web.
Ces cookies ne stockent aucune information personnelle.
Les cookies déposés via les services de partage de vidéo ont pour finalité de permettre à l’utilisateur de visionner directement sur le site le contenu multimédia.
Ces cookies nous permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation de notre site (ex : nombre de visites, pages les plus consultées, etc.).
Toutes les informations recueillies par ces cookies sont anonymes.