Retraites : cap sur la contre-conférence de financement

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Le 6 février 2020, nouvelle journée d’action contre la réforme des retraites. Photo : Darek Szuster/Photopqr/L’Alsace/Maxppp
L’intersyndicale opposée au projet de réforme gouvernemental des retraites va organiser une contre-conférence de financement. Objectif : créer les conditions d’une amélioration du système actuel, enrichi de droits nouveaux.

Où en est-on ? Côté gouvernement, c’est la débandade. Une débandade butée, obtuse, déterminée à atteindre ses objectifs, certes. Mais une débandade quand même. Il n’est plus question ni de régimes spéciaux, ni de régime universel, ni de fleurs faites aux femmes, ni même de justice sociale. Il n’est plus question que d’une chose : travailler plus longtemps.

Le Conseil d’État stigmatise le projet gouvernemental, l’opinion publique est massivement hostile, le Medef critique le plafonnement des retraites pour les revenus supérieurs à 10 000 euros mensuels et la fameuse conférence de financement concédée par le gouvernement à la Cfdt se réduit de plus en plus clairement à la seule question de l’allongement du temps de travail. Au point d’ailleurs que Laurent Berger semble prendre grand soin de se démarquer de la gestion qu’en fait la partie gouvernementale. C’est qu’au vu des paramètres qui l’organisent, il s’agit de faire admettre une économie de 12 milliards d’euros sur les pensions. Un tel « succès » serait évidemment difficile à défendre devant les salariés…

Côté opposition à la réforme, c’est une tout autre histoire. Si le mouvement fort de grèves est passé, certaines perdurent, d’autres démarrent. Plus important : l’action reste à l’ordre du jour. La neuvième journée de manifestations, tenue en janvier contre la réforme des retraites, a rassemblé 130 000 personnes dans la capitale et relancé une dynamique de mobilisations. L’intersyndicale, qui regroupe notamment la Cgt, Fo, Solidaires et la Fsu, soit quelque 60 % du salariat, s’est mise d’accord sur un agenda de mobilisations au rythme d’une initiative par semaine jusqu’aux élections municipales.

Rendez-vous d’actions les 17 et 20 février et le 8 mars

L’objectif est de passer le cap des vacances scolaires, toutes zones confondues. Ainsi, le 17 février, jour d’ouverture de l’examen du projet à l’Assemblée nationale sera une « journée morte » dans les transports, tant à la Sncf qu’à la Ratp, et de manifestations. Le 20 février sera également marqué par l’action et le 8 mars, journée de lutte pour les droits des femmes, sera évidemment marqué par le refus de la réforme, dans la mesure où les femmes figurent parmi les grandes perdantes du projet gouvernemental. À quoi il faut ajouter le marathon des amendements parlementaires qui, pour le moment a laissé la majorité muette, comme s’il n’était pas de bon ton de défendre un tel projet en pleine campagne des municipales, ainsi qu’une kyrielle d’initiatives qui, sans aller forcément toutes dans le même sens, témoignent d’un isolement croissant de l’équipe gouvernementale.

Au-delà de ces mobilisations, l’intersyndicale a pris l’initiative d’appeler à une contre-conférence de financement – sur le plan national et dans les territoires – qui vise à arracher des mains du gouvernement le drapeau de la réforme et à démontrer que les moyens financiers existent pour améliorer le système existant, avec de nouveaux droits, en particulier en direction de la jeunesse.

Et pendant ce temps-là… La constante répressive qui s’est déployée impitoyablement ces derniers mois – selon des directives politiques assumées – s’est déplacée des manifestations vers la jeunesse. On aura rarement assisté à une escalade aussi nette en direction notamment des lycéens mobilisés contre les épreuves anticipées du bac nouvelle formule. D’évidence, le gouvernement craint un effet de contamination aboutissant à une convergence de fait entre la mobilisation autour des retraites et celle qui se cristallise dans les lycées autour de ce qui est vécu comme une réforme injuste et méprisante, exempte de toute considération vis-à-vis des lycéens et de leurs parents.

Dans son communiqué, l’intersyndicale, à laquelle participent les organisations lycéennes et étudiante Fidl, Mnl, Unl et Unef, souligne qu’en aucun cas « la réponse à la crise sociale ne peut être une répression à l’encontre de celles et ceux qui expriment un désaccord ». Les charges policières, gardes à vue et usage de gaz à proximité d’écoles indiquent de fait qu’il s’agit bel et bien non pas de « violences policières » mais d’un usage systémique et politique de la force comme seule réponse a une contestation qui tend à devenir générale, chaque secteur en conflit faisant le même constat d’un refus de voir, d’entendre et surtout, d’écouter. À force d’obstination et de violences, le gouvernement risque de perdre gros. Pire encore, d’enrayer durablement les mécanismes mêmes qui permettent d’inscrire le conflit social dans une mécanique démocratique.

Louis Sallay