Tout ce que les salariés doivent savoir sur le télétravail et les moyens de l’apprivoiser : une question à laquelle le colloque organisé le 1er juillet dernier par l’Isst de Strasbourg s’est consacré. Résolument d’actualité.
Tout ce que les salariés doivent savoir sur le télétravail et les moyens de l’apprivoiser : une question à laquelle le colloque organisé le 1er juillet dernier par l’Institut du travail de Strasbourg s’est consacré. Résolument d’actualité.
D’un jour à l’autre, tout bascule. Le bureau devient inaccessible. Les collègues se dématérialisent et l’encadrement se virtualise. Le télétravail n’est plus un choix laissé à la discrétion de chacun, mais une injonction à laquelle nul ne peut se soustraire… Ça, c’était hier. D’un coup d’un seul, le travail à distance s’est imposé en mode « sauvage » et « dégradé » tandis que, tant bien que mal, les militants syndicaux ont tenté d’éviter le pire en négociant dans l’urgence des accords. Mais demain ? Dans les semaines et les mois qui viennent, alors que, selon les mots de la ministre du Travail, Élisabeth Borne, le télétravail doit rester « un acquis durable de la crise du Covid-19 », quel sera le cadre juridique reconnu pour protéger la santé au travail ou celui des salariés à pouvoir être représentés ?
Aucun statut pour le travail à distance
Mieux vaut le savoir, le travail à distance n’est protégé par aucun statut. À ce jour encore, les télétravailleurs comme leurs représentants agissant à distance évoluent dans un cadre sur lequel le droit du travail est indigent. Seuls une loi votée en 2012 et deux accords nationaux interprofessionnels (Ani), l’un ratifié en 2005, l’autre en 2020, posent quelques principes à son usage. Mais plus que d’obligations faites aux employeurs, c’est de recommandations qu’il s’agit. Le pouvoir absolu qui leur est accordé sur l’organisation du travail demeure. Ce sont eux et eux seuls qui peuvent décider, ou pas, d’imposer un travail à distance. Eux et eux seuls qui peuvent en accorder le droit aux salariés candidats à l’aventure. Aucun droit n’existe à ce sujet. Dix-huit mois de crise sanitaire n’y ont rien changé. Et comme pour le rappeler, spécifie Sabrina Mraouahi, juriste et maître de conférences à l’université de Strasbourg, « les quelques avancées contenues dans l’Ani de 2020 confortent cette vision. Elles ne se substituent pas aux éléments existants dans l’accord interprofessionnel précédent ».
Une révolution sans droits nouveaux ?
Autrement dit, le message est clair : si le télétravail a vocation à se développer, ni l’État ni le patronat n’entendent que cette révolution se conjugue avec l’émergence de droits nouveaux. Si ceux-ci doivent advenir, ils le seront par la négociation en entreprise ou dans les branches. C’est donc à ce niveau que les organisations syndicales doivent s’organiser pour se faire entendre. Les thèmes qui méritent discussion ne manquent pas. De la prise en charge des coûts du travail à distance aux modalités de contrôle des temps ou encore de la charge de travail au droit à la déconnexion, les sujets se bousculent, rappelant chacun à leur façon l’urgence qu’il y a à renforcer les droits à la santé des salariés en télétravail.
En mai dernier, la Dares, la Direction des études statistiques du ministère du Travail, a produit une étude sur l’évolution des conditions de travail et des risques psychosociaux des salariés œuvrant à domicile pendant les premiers mois de la crise sanitaire. Ses conclusions sont sans appel. Sur l’année écoulée, 33 % des personnes interrogées ont dit avoir connu une nette intensification de leur travail (contre 32 % de celles qui ont continué à exercer sur site), et 14 %, une dégradation substantielle de leurs conditions de travail (contre 9 % de leurs collègues restés dans l’entreprise).
Protéger la santé des salariés
Plus a été imposé des jours hors de l’entreprise, plus le surtravail et les troubles du sommeil ont progressé et, avec eux, les risques psychosociaux. Protéger la santé des personnels va donc être dans les prochaines semaines l’une des priorités des militants syndicaux. Mais d’autres sujets doivent s’imposer, comme le respect des droits d’expression et de représentation des salariés dans un contexte de travail à distance. Depuis mars 2020, les conditions du dialogue social ont été bouleversées. Sans que le droit des élus et mandatés à s’adresser aux salariés aient été renforcés, sur décision du gouvernement « l’ensemble des négociations peuvent désormais se mener en visioconférence », comme le rappelle Gwennhaël François, maître de conférences de droit privé à l’université de Clermont-Auvergne.
Les conditions de la négociation
L’opportunité ainsi donnée de poursuivre les relations sociales peut paraître de bon sens. Sauf que, sur ce thème aussi, plusieurs questions restent sans réponse : de quel matériel les militants disposent-ils pour travailler ? De quelle formation bénéficient-ils pour maîtriser son usage ? Au-delà, selon quelles règles, quelles modalités, dans ce cadre, de consultation des personnels ? Ces derniers mois, la ministre du Travail s’est voulue rassurante. Elle n’a cessé de rappeler souhaiter un dialogue social respectant le « principe de loyauté ». Soit. Mais aucun droit nouveau n’a été accordé pour s’en assurer. « Interrogeons-nous un instant sur les moyens dont dispose un représentant du personnel pour s’assurer que le texte qu’il est en train de signer est le même que celui qui est soumis à son collègue présent de l’autre côté de l’écran », demande, malicieux, Nicolas Moizard, professeur de droit privé. « Faute d’encadrement et de protection de la négociation à distance, il n’en dispose d’aucun », prévient-il.
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