Revue de presse -  Loi Immigration  : un cuisant désaveu pour l’exécutif

Après la censure de 40 % de la loi par le Conseil constitutionnel, la presse est unanime pour conclure à un piètre bilan de la séquence. Mais pour celles et ceux qui se sont mobilisés contre le texte, la victoire est en demi-teinte.

Édition 044 de fin janvier 2024 [Sommaire]

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C’est un «  fiasco  ». Au lendemain de la censure partielle du Conseil constitutionnel, qui a supprimé 32 des 86 articles de la loi immigration, ce simple mot barre la Une de Libération. C’est, plus précisément, «  leur fiasco  », écrit le quotidien, photographies d’Emmanuel Macron et Gérald Darmanin à l’appui, en résumant ainsi la tonalité des titres de presse. Dans son éditorial, Dov Alfon commente  : «  Le projet de loi […] a terminé son parcours chaotique comme il avait commencé en septembre 2022  : dans la honte.  »

Un mépris pour les principes républicains 

Avec 40  % du texte censuré, le désaveu est en effet cinglant pour le pouvoir exécutif, dont la méthode ne cesse d’interroger. Ainsi, dans un entretien à L’Humanité, le juriste Serge Slama, pour qui les réserves et censures étaient attendues, insiste  : «  laisser légiférer à partir des pires visions sur l’immigration en espérant que le Conseil constitutionnel fasse ensuite le ménage… Gérald Darmanin se félicite de voir son texte adopté, mais, en fin de compte, c’est surtout la victoire du cynisme en politique  »

L’argument est repris dans Le Monde, qui titre sur «  le jeu dangereux d’Emmanuel Macron  » dans un éditorial  : «  En apparence, bien sûr, l’exécutif peut crier victoire […]. Mais la reconnaissance du caractère non constitutionnel de presque toutes les mesures introduites par les élus de droite Les Républicains (LR) et adoptées par la majorité présidentielle reflète, au minimum, chez cette dernière, le cynisme politique et l’indifférence aux règles parlementaires. Au pire, elle traduit le mépris pour des principes républicains de base comme le droit du sol – remis en cause dans le texte voté – et l’égalité devant la loi – malmenée pour le bénéfice de prestations sociales.  » 

Dans la presse étrangère, même tonalité. En Allemagne, le Taggespiegel juge également «  dangereuse  » la stratégie d’Emmanuel Macron.

Un piètre bilan, véritable cadeau à Marine Le Pen

«  Le bouclier qui nous manquait  », avait prétendu il y a peu le président de la République, n’est donc plus. Du moins en grande partie. Mais pour celles et ceux qui s’étaient mobilisés pour dénoncer un texte pétri d’idées d’extrême droite, comme le relate Mediapart dans un reportage, le soulagement est en demi-teinte. Si, pour Guillaume Tabard dans Le Figaro, «  tout le monde est perdant  », Politis juge que «  Le seul vainqueur de la censure, c’est Marine Le Pen.  »

Sur les points engrangés par le Rn à la faveur de cette séquence désastreuse, tout le monde s’accorde  : «  Qui peut se réjouir d’un si piètre bilan, mis à part la cheffe du Rassemblement national qui rêve de monter “le peuple” contre “les juges” et de faire sauter les garde-fous constitutionnels et européens pour légaliser la discrimination et la xénophobie, défigurer la République et discréditer l’image de la France  ?  », interroge encore l’éditorial du Monde. Aux côtés d’Éric Ciotti ou de Jordan Bardella, Marine Le Pen a donc beau jeu de pointer la censure des juges, alerte Laurent Mouloud dans L’Humanité  : «  Et de fédérer à grand bruit leur partisans autour d’un nécessaire durcissement de la Constitution.  »

Articles censurés pour des raisons de forme

Si l’on peut voir la censure du Conseil constitutionnel comme une victoire en demi-teinte, c’est aussi parce que, pour l’essentiel, les articles censurés l’ont été pour des raisons de forme, en tant que «  cavaliers législatifs  ». Plusieurs titres s’en inquiètent, dont le site Les Jours  : «  On se rend compte que, quand ils le pouvaient, les juges de la rue de Montpensier ne se sont pas embêtés avec le fond  », comme avec les articles prévoyant un durcissement du regroupement familial. 

Dans Politis, la parole est donnée au juriste Nicolas Hervieu. Il explique ses réserves : «  Le Conseil constitutionnel a sorti la guillotine procédurale mais sans se prononcer sur le fond, ce qui veut dire que les mesures portées par la droite peuvent revenir sous la forme d’autres projets de loi ou amendements.  » Un simple sursis  ?

Christine Labbe