Revue de presse -
Après le 1er mai, si chères libertés
Menaces sur la liberté de manifester, interpellations abusives, remise en question des subventions accordées aux associations… En France mais aussi à l’étranger, les méthodes du gouvernement interrogent sur l’état de la démocratie.
Partis pour durer… Vu de l’étranger, le pari d’Emmanuel Macron de tourner la page de la réforme des retraites est raté. Au lendemain d’un 1er mai « historique » qui a rassemblé 2,3 millions de manifestants dans toute la France, l’envoyé spécial d’El Pais,Antonio Jimenez Barca, témoigne : « Il est très difficile pour les Français de supprimer ce qu’ils considèrent comme un droit acquis. Même quand on l’a déjà supprimé. C’est pourquoi, bien que la réforme des retraites, qui repousse l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, ait été promulguée le 15 avril, les syndicats français ne baissent pas les bras. Ils ont décidé de faire de ce 1er mai une manifestation de rue “historique”, la treizième contre la réforme et contre Macron. Ils ont réussi. »
Selon la presse étrangère, une « victoire à la Pyrrhus »
C’est sur le terrain démocratique que fait le choix de s’exprimer sa confrère d’El Mundo, Raquel Villaécija : « Les Français considèrent que la façon dont elle a été adoptée, par décret, sans vote parlementaire et sans soutien populaire, constitue un mépris de la démocratie de la part du président. »
Elle n’est pas la seule, le président de la République se trouvant en réalité sous une pluie de critiques après avoir fait passer la réforme au forceps. L’information est donnée par Courrier international, qui titre : « Victoire à la Pyrrhus de Macron sur les retraites, aubaine pour l’extrême droite », reprenant la tonalité d’un éditorial paru dans le quotidien britannique The Guardian. L’hebdomadaire résume ainsi l’état d’esprit des éditorialistes de la presse étrangère : « Les méthodes jugées “brutales” de son gouvernement interrogent sur l’état de la démocratie dans l’Hexagone. »
La Défenseuse de droits s’alarme
Retour en France, justement, où la question démocratique, associée à celle des libertés, occupe en effet une place centrale dans les débats. Par exemple : la liberté de manifester, pilier de « notre démocratie », réaffirme la Défenseuse des droits, Claire Hédon, dans un entretien à Médiapart. Qui plante le décor en alertant : « Interpellations abusives, interdiction de casseroles, manifestations réprimées dans la violence, associations menacées de coupures de subventions : le contexte politique demande plus que jamais que nos droits et lois soient garantis. »
La liberté associative, elle, est défendue dans une tribune publiée par le Journal du dimancheaprès que Gérald Darmanin, relayé par Élisabeth Borne, a menacé la Ligue des droits de l’homme dont la « subvention mérite d’être regardée ». Le collectif à l’origine de cette tribune, réunissant syndicalistes et représentants de la société civile, écrit : « Subventionner une association ne veut pas dire la contraindre au silence. La grandeur d’une démocratie est justement de savoir soutenir la diversité des approches et des points de vue qui permettent le débat et qui sont aussi des contre-pouvoirs nécessaires. »
La Ligue des droits de l’homme riposte
Signe de la gravité des propos et du moment, l’attaque est parée par la Ldh dans une tribune réunissant son président, Patrick Baudouin, ainsi que les présidents et présidente honoraires Jean-Paul Dubois, Françoise Dumont, Henri Leclerc, Malik Salemkour et Pierre Tartakowsky. Publié dans Le Monde sous le titre « La défense des libertés est devenue le sujet le plus brûlant de la période », le texte prévient : « Le moment de ces attaques n’a rien de mystérieux : démocratie et libertés ont toujours partie liée. Or le passage en force d’un pouvoir privé de majorité parlementaire, désavoué par une large majorité de citoyennes et citoyens, et contesté par la totalité des organisations syndicales de ce pays, vient de mettre en lumière un blocage sans précédent de l’agenda politique du “monarque républicain” et une crise démocratique profonde, touchant à la fois le fonctionnement réel des institutions de la République, le dialogue social, la confiance des citoyennes et des citoyens en celles et ceux qui ont le de devoir de les représenter et de les respecter. »
Dans des entretiens accordés à Libération et à L’Humanité, Henri Leclerc, soixante-cinq ans d’engagements, appelle à protéger les remparts judiciaires et associatifs contre les excès du pouvoir.
Rien ne semble pourtant ébranler le gouvernement dans ses certitudes. Pas même les critiques émanant du Conseil des droits de l’homme de l’Onu qui s’inquiète de la situation des droits humains en France. Dans son rapport, relate Le Monde, le conseil invite la France à « repenser ses politiques en matière de maintien de l’ordre » et à entreprendre une évolution complète de la loi « pour une sécurité globale » de mai 2021 pour la mettre en conformité avec le droit international.
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