Équilibre vie pro-vie privée, salaires, temps de travail : ce que veulent les cadres

Des cadres impactés par l’inflation et prêts à se mobiliser pour obtenir des augmentations : pour sa 11e édition, la baromètre Ugict-Secafi révèle une colère salariale grandissante.

Édition 036 de fin septembre 2023 [Sommaire]

Temps de lecture : 4 minutes

Options - Le journal de l’Ugict-CGT
DR

Un brin étonnés, les passants observent une grande banderole se déployer sur les marches de l’esplanade de la Défense, où se concentre un très grand nombre de sièges sociaux. Il y est écrit «  Travailler moins, vivre mieux  ». C’est le point final d’une opération de l’Ugict-Cgt mêlant distribution de tracts, stand et meeting, à l’occasion d’une initiative de la CGT dans le quartier d’affaires et la parution du 11e baromètre «  Opinions et attentes des cadres  » (1). Objectif  : rencontrer des salariés, recueillir des témoignages et syndiquer.

«  On a récolté une cinquantaine de contacts de personnes déclarant vouloir, soit directement se syndiquer, soit au moins entrer en relation avec la Cgt  », indique Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt, en guise de premier bilan. «  Des cadres ont profité de cette occasion pour venir à notre rencontre, alors même que la Cgt est présente dans leur entreprise  », s’étonne-t-elle. Cela signifie qu’à l’instar de la Sncf dont elle est issue, la Cgt n’est pas toujours présente là où travaillent les cadres. «  Cette expérience nous montre bien que, contrairement aux préjugés, la Cgt a plutôt une oreille favorable dans cette catégorie de salariés. Cela doit nous pousser à agir  !  » C’est l’un des principaux enseignements de ce baromètre annuel  : «  Nous avons fait un bond en avant  », estime Caroline Blanchot. 

Dans le sillage de la mobilisation sociale

Pour défendre leurs droits et leur emploi, 30  % des interrogés affirment faire confiance d’abord aux syndicats. Cela reste relativement faible, au regard des 39  % qui affirment compter d’abord sur eux-mêmes. Mais, en 2012, lors de la 1re édition du baromètre, seuls 17  % comptaient sur les syndicats. Autre raison d’être optimiste  : 39  % des cadres interrogés se seraient mobilisés, d’une façon ou d’une autre, contre la réforme des retraites  ; 23  % auraient même fait grève. «  Cela reste une minorité, mais nous partons de très très loin, rappelle Caroline Blanchot. Les premières années du baromètre, nous n’osions même pas poser ce genre de questions. »

En outre, les cadres interrogés sont 51  % à estimer que la Cgt a joué un rôle important dans la mobilisation contre la réforme des retraites. Cette reconnaissance va de pair avec une amélioration progressive de leur perception de la centrale  : 32  % l’estiment «  efficace pour défendre les intérêts des cadres  » alors qu’ils n’étaient que 25  % un an plus tôt. Pourtant, parmi les sondés, seuls 55  % travaillent dans une entreprise où la Cgt est présente.

Une charge de travail toujours anormale

Si le baromètre n’interroge pas directement les cadres sur les sujets pour lesquels ils seraient prêts, en priorité, à se mobiliser, il permet de repérer leurs préoccupations premières. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée figure en première position (71  % des réponses) devant le salaire (66  %) puis le contenu et le sens du travail (56  %). Ce n’est pas une surprise. Non seulement parce que c’est une constante depuis le lancement du baromètre en 2012, mais surtout parce que leurs conditions de travail se sont dégradées. Ils sont 45  % à déclarer une hausse de leur temps de travail, et 61  % une hausse de leur charge de travail. Ainsi, sept cadres sur dix déclarent travailler plus de quarante heures par semaine. Un sur trois déclare même plus de quarante-cinq heures de travail hebdomadaires. Enfin, la moitié affirme travailler durant ses jours de repos. Pour 19  %, ce serait même une pratique fréquente. «  C’est légèrement en baisse par rapport à l’année précédente, mais cela reste énorme, estime Caroline Blanchot. Par définition, ces heures sont des heures non reconnues et donc non rémunérées  ».

Dans ce contexte, le «  droit à la déconnexion  » revendiqué par l’Ugict-Cgt depuis 2014 est largement plébiscité (68  %). En revanche, l’idée d’une réduction du temps de travail (Rtt) «  par rapport à la législation actuelle  » remporte un succès plus mitigé  : 30  % s’y disent «  plutôt favorables  » et 19  % «  tout à fait  ». Cela fait donc seulement une petite moitié de convaincus. «  C’est décevant, voire contradictoire, reconnaît Caroline Blanchot. Mais en réalité, ça s’explique  : comment concevoir une réduction du temps de travail de trente-cinq à trente-deux heures par exemple, quand on ne parvient pas soi-même à quitter son bureau à des heures “normales”  ?  » Ceux qui sont favorables à la Rtt l’imaginent d’ailleurs davantage sous la forme d’une réduction du nombre de jours travaillés par semaine que sous celle d’une réduction du nombre d’heures quotidiennes.

Face à la baisse du pouvoir d’achat, des augmentations collectives

Après l’équilibre vie professionnelle-vie privée, le salaire est la seconde préoccupation des cadres. Les salariés interrogés estiment que leur rémunération n’est pas en adéquation avec leur qualification (à 38  %), ni avec leurs responsabilités (à 40  %), leur travail réel (à 46  %) ou encore leur charge de travail (47  %). «  Même si ces propositions sont en baisse, ce qui peut s’expliquer par le fait que de nombreuses grandes entreprises ont augmenté les salaires et/ou versé des primes ces derniers mois, le niveau d’insatisfaction reste très élevé  », nuance la secrétaire générale de l’Ugict. D’autant que sur les 83  % de cadres déclarant avoir bénéficié d’une amélioration de leur rémunération au cours de l’année, une majorité affirment que ça n’a pas permis de maintenir leur pouvoir d’achat. «  La longue détérioration des salaires des cadres se poursuit et s’accentue sous l’effet de l’inflation  », résume l’Ugict dans son analyse.

Il y a donc ici un important levier de mobilisation, d’autant que les cadres sont une écrasante majorité à partager deux revendications majeures de la Cgt  : un mécanisme de hausse des salaires en fonction de l’inflation («  l’échelle mobile des salaires  ») et des augmentations collectives.

1. Sondage «  Opinions et attentes des cadres  » réalisé auprès de 1 000 personnes par l’institut ViaVoice pour le compte de l’Ugict-Cgt et du cabinet Secafi.