Chronique juridique -  Congés payés : maintien et acquisition des droits en cas d’arrêt de travail pour maladie

Le droit aux congés payés est un droit fondamental, garanti par les conventions internationales sur les droits de l’homme, par le droit de l’Union européenne et par le droit constitutionnel. Il est garanti y compris en cas de maladie du salarié. La jurisprudence apporte régulièrement d’importantes précisions à ce sujet. Bonnes vacances avec l’intégralité des droits à congés payés !

Édition 033 de fin juin 2023 [Sommaire]

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Selon la jurisprudence, «  la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs  » ; «  ce droit au congé annuel payé, […] principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, est donc accordé à chaque travailleur, quel que soit son état de santé » (Cour de justice des communautés européennes (Cjce, actuelle Cjue), grande chambre, 20 janvier 2009, C-350/06 et C-520/06).

«  La naissance du droit au congé annuel […] n’est en soi pas liée à la condition d’une prestation effective de travail préalable en sorte que ces droits sont reconnus au travailleur, même si celui-ci a été absent tout au long de l’année de référence pour maladie  » (Cjce 20 janvier 2009, supra ; Cjue 24 janvier 2012, C-282/10).

Durée des congés payés

La durée du congé est de deux jours et demi ouvrables par mois de travail soit, pour une année complète de travail : cinq semaines, soit trente jours ouvrables – quelle que soit la durée du travail, pour les salariés à temps partiel comme pour les salariés à temps complet.

Les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail sont assimilées à un mois de travail.

Sont également assimilées à des périodes de travail :

  • la période de congés payés de l’année précédente ;
  • les repos compensateurs / la contrepartie obligatoire en repos (en cas d’heures supplémentaires) ;
  • le congé de maternité (depuis l’arrêt Cjce 18 mars 2004), les congés de paternité, d’adoption ;
  • les jours de repos acquis au titre de la Rtt ;
  • les absences dues à un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (depuis une loi de 1981), ou accident de trajet (depuis Cjce 24 janvier 2012) ;
  • les absences dues à un arrêt de travail pour maladie non professionnelle (depuis Cjce 20 janvier 2009, supra).

Les congés payés, d’une part, et d’autre part les arrêts pour congé maternité, pour maladie non professionnelle, etc., ne peuvent se confondre. Le salarié doit bénéficier de la durée de ces périodes de congés, aux finalités différentes, de manière cumulée.

Durée des congés payés et arrêts de travail pour maladie non professionnelle

Les absences pour maladie non professionnelle ne peuvent plus avoir pour effet de réduire le droit à congés payés (depuisCjce 20 janvier 2009, supra).

L’employeur ne peut réduire la durée des congés payés quand le salarié a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle au cours de l’année. Seule limite : quand le salarié a été en arrêt de travail pendant une année complète, il acquiert quatre semaines de congés payés et non cinq, conformément au plancher prévu en droit de l’Union européenne.

Et le salarié continue d’acquérir des droits à congés payés pendant son arrêt de travail pour maladie, comme s’il avait continué à travailler.

En cas de contentieux, le juge national (conseil de prud’hommes en premier lieu) doit laisser inappliquée les dispositions de la législation nationale (Code du travail) qui sont contraires au droit européen (directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003). Le salarié qui a connu des arrêts de travail pour maladie (non professionnelle) au cours de l’année peut, pour obtenir l’octroi de congés payés devant le juge national (conseil de prud’hommes), se fonder directement sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à l’encontre de son employeur (Cour de justice de l’Union européenne, grande chambre, 6 novembre 2018, C-684/16). Le juge national prend ses décisions sur le fondement du droit de l’Union européenne (Directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et jurisprudence de la Cjue).

Ainsi, une entreprise qui ne respecte pas cette règle sur l’acquisition des droits à congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie (non professionnelle) est condamnée à des rappels de congés payés (depuis la date de la directive européenne) : «  la situation des salariés concernés devait être régularisée à compter du 4 novembre 2003  », «  la cour d’appel, qui a ordonné à l’employeur de régulariser la situation de l’ensemble des salariés concernés a […] fait l’exacte application de la loi  » (Cour de cassation, chambre sociale, 21 septembre 2017, publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation faisant jurisprudence).

Ce rappel de congés est sans limite au regard de la durée de l’arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Un État peut fixer une limite substantiellement supérieure à une année – par exemple, quinze ou dix-huit mois ; l’État français n’ayant pas fixé de limite, le rappel est possible en remontant jusqu’à la date du 4 novembre 2003. Il s’agit d’un rappel de jours de congés, pas seulement du versement de l’indemnité de congés payés correspondant.

Congés payés acquis avant un arrêt de travail

Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année en raison d’absences liées à une maladie non professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (quelle que soit la durée de l’arrêt) ou, en cas de rupture du contrat de travail, être indemnisés (depuis Cjce 20 janvier 2009, supra  ; Cour de cassation, chambre sociale, 24 février 2009).

Arrêt de travail pendant la période de congés payés

En cas de maladie pendant les congés payés, le salarié peut se faire prescrire un arrêt de travail pour maladie, par un médecin.

Lors de son retour dans l’entreprise après sa période de congés payés, le salarié a le droit de bénéficier, à une autre période, de la période de congé annuel pendant laquelle il était en arrêt maladie ; le cas échéant en dehors de la période de référence correspondante, pour tenir compte de raisons impérieuses liées aux intérêts de l’entreprise (depuis Cjce, 10 septembre 2009, C-277/08 ; Cjue 21 juin 2012, C-78/11).

Montant de l’indemnité de congés payés en cas d’arrêt maladie

Selon la jurisprudence, «  l’obtention de la rémunération ordinaire durant la période de congé annuel payé vise à permettre au travailleur de prendre effectivement les jours de congé auxquels il a droit  ». Au regard du droit au congé annuel payé, «  les travailleurs placés en arrêt de travail pour cause de maladie au cours de la période de référence sont assimilés à ceux qui ont effectivement travaillé au cours de cette période  ».

Par conséquent, un travailleur qui a été en incapacité de travail pour cause de maladie (arrêt de travail pour maladie non professionnelle) au cours de la période de référence a le droit de percevoir sa rémunération sans réduction lors de son congé payé, c’est-à-dire sa rémunération habituelle hors arrêt de travail (Cjue, 9 décembre 2021, C-217/20).

Prise effective des congés payés

Une travailleuse ayant quitté l’entreprise a demandé à son employeur – et a obtenu – une indemnisation financière au titre des 101 jours de congés annuels payés accumulés entre les années 2013 et 2017 qu’elle n’avait pas pris.

Selon l’arrêt, il appartient à l’employeur de se prémunir de demandes tardives au titre de périodes de congé annuel non pris, en se conformant à ses obligations d’information (perte des congés non pris en fin de période de référence) et d’incitation (à la prise effective du congé) qui lui incombent à l’égard du travailleur (Cjue 22 septembre 2022, C120/21).

Par ailleurs, sur la prise effective des congés, en cas de contentieux, la charge de la preuve est inversée  : l’employeur doit prouver que le salarié a effectivement pris ses congés.

Selon l’arrêt, il appartient à l’employeur de veiller à ce que les travailleurs aient la possibilité d’exercer leur droit au congé annuel. L’employeur qui ne permet pas à un travailleur d’exercer son droit à congés annuels payés doit en supporter les conséquences. Il appartient au juge de vérifier si l’employeur a rempli, en temps utile, ses obligations d’information du travailleur sur son droit au congé et d’invitation à le prendre (Cjue 22 septembre 2022, C518/20 et C727/20).

Bibliographie : Michel Miné, Droit du travail en pratique, 31e édition, 2022/2023, Eyrolles, collection Le grand livre, 852 pages, 39,90 euros.