Le nombre de jeunes faisant des études et la durée moyenne de leur scolarité ne cesse d’augmenter : la moitié des jeunes sont désormais diplômé.e.s de l’enseignement supérieur.
C’est une bonne nouvelle. C’est même indispensable tant le besoin en qualifications est important. Ceci, cumulé à l’augmentation du chômage et de la précarité, conduit à ce que le nombre de trimestres cotisés pour la retraite ne cesse de baisser. Et pour cause : l’âge moyen du premier emploi stable était de 20,5 ans en 1975, de 22,5 ans en 1992 et de 27 ans en 2009.
Pourtant, dans le même temps, les réformes des retraites successives ne cessent d’augmenter le nombre d’annuités nécessaires à l’obtention d’une retraite à taux plein. Ainsi, même à 67 ans, nombre de salarié.e.s et notamment les femmes, n’auront pas validé 43 annuités et partiront donc avec une retraite dégradée. En effet, pour rappel, la décote s’annule à 67 ans mais pas la proratisation : le montant de la pension est proratisé au nombre d’annuités validées, même après 67 ans. Le message passé aux jeunes générations est désastreux. Pour maintenir leur niveau de vie une fois à la retraite, ils et elles ne peuvent pas compter sur la répartition. C’est tout l’objectif des assureurs et des banquiers : pousser les jeunes à épargner pour leurs vieux jours, avec une assurance vie, de l’épargne retraite ou en s’endettant pour investir dans l’immobilier. Résultat : un processus très inégalitaire en fonction du genre et de l’origine sociale et une pension totalement aléatoire. La spéculation sur l’immobilier, nos entreprises et notre travail, en contradiction directe avec les enjeux environnementaux de moyen/long terme. A moyen terme, et c’est ce qui intéresse le plus le patronat, une génération atomisée qui se détourne de l’action collective.
Il y a donc urgence à inverser la tendance. Le retrait de cette réforme est un préalable indispensable qui sonnerait comme un coup d’arrêt au processus enclenché depuis 1993. Mais nous ne pouvons nous contenter du statu quo et des 43 annuités dores et déjà exigées pour les générations nées après 1971. La CGT, aux côtés de l’UNEF et désormais de l’ensemble des organisations syndicales, propose de longue date la validation des années d’études pour le calcul de la retraite. Il s’agit de sortir de l’hypocrisie selon laquelle le fait d’étudier aurait seulement un bénéfice individuel. La crise du travail qualifié et les difficultés de recrutement de médecins, d’infirmières, d’ingénieur.e.s, d’enseignant.e.s…démontre bien que c’est la société toute entière qui a besoin que les jeunes générations fassent des études. C’est d’ailleurs ce qui justifie que la prise en compte des années d’études existe déjà, mais seulement pour l’élite. Pour celles et ceux qui font l’ENA ou polytechnique par exemple, les années de formation sont rémunérées et permettent de cotiser pour la retraite. Nous avons aussi gagné en 2014 la validation des périodes d’apprentissage, et, à certaines conditions beaucoup trop limitatives et complexes, celle des années de stage. Il devrait en être de même pour l’ensemble des études supérieures. Concrètement, il s’agirait de valider une annuité de cotisation par année d’étude validée par un diplôme, en intégrant, comme le système de bourse, le droit à un redoublement. Il s’agit d’une revendication indispensable pour que les étudiant.e.s et les jeunes diplômé.e.s se sentent concerné.e.s par la défense de notre système par répartition. Il s’agit d’une étape pour gagner le droit effectif à la retraite à 60 ans, sans autre condition que d’avoir une carrière complète, d’études, de travail salarié.e ou d’inactivité forcée !
Chronique initialement publiée dans L’Humanité Magazine du 9 mars 2023
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