Chronique invitée -  Retraites : grandes gagnantes, le retour

« Les femmes seront un peu pénalisées par la réforme des retraites ». Grâce à Franck Riester, le ministre en charge des relations avec le parlement, le gouvernement a enfin eu une parole de vérité. Et pour cause : même l’étude d’impact rédigée par le gouvernement démontre que le temps de travail des femmes serait encore plus allongé que celui des hommes alors qu’elles ont déjà une pension de droit direct inférieure de 40 % à celle des hommes. Pour une réforme vendue comme source de « justice, d’équilibre et de progrès », on repassera.

Édition 025 de mi-février 2023 [Sommaire]

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Par Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

La retraite est le miroir grossissant des inégalités professionnelles. Les femmes sont payées en moyenne 28  % de moins que les hommes, écart qui se répercute directement sur leur niveau de pension. Elles ont également des carrières plus courtes, notamment du fait de la maternité  : 1 femme sur 2 contre 1 homme sur 9 réduit ou interrompt son travail suite à l’arrivée d’un enfant. Et pour cause  : 40  % des enfants de moins de 3 ans n’ont toujours pas de place en crèche ou chez une assistante maternelle !

Tout report de l’âge de départ en retraite a donc un impact encore plus négatif sur les femmes, qui sont déjà 40  % à partir à la retraite avec une carrière incomplète contre 30  % des hommes. Le report de l’âge d’ouverture des droits de 62 à 64 ans va aussi neutraliser l’impact des majorations pour enfants  : ce sont plus de 120 000 mères qui partent actuellement dès 62 ans, grâce à leur majoration, qui devraient désormais attendre 2 ans de plus…

Quant aux « avancées » vendues par le gouvernement pour faire passer la pilule, elles ne résistent pas à l’analyse factuelle  : la revalorisation du minimum de pension à 1200 € concernera seulement les salarié·e·s ayant effectué une carrière complète et à temps plein. Deux conditions excluantes pour les femmes qui sont pourtant près de 40  % à toucher moins de 900 € net de pension…

Au lieu de tenter d’aligner le temps des femmes sur des durées de travail déjà inaccessibles pour les hommes, une réforme féministe devrait au contraire réduire le temps de travail pour permettre aux femmes comme aux hommes de s’occuper de leurs proches tout en travaillant à temps plein. Il s’agit surtout d’agir en amont et d’éradiquer enfin les inégalités professionnelles.

Une étude, commandée par la CGT à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse en 2011, chiffre à 5,5 milliards les bénéfices de l’égalité salariale pour les caisses de retraite. Pour cela, les mesures sont connues  : sanctionner les entreprises qui discriminent, revaloriser les métiers féminisés et lutter contre les temps partiels courts. Aligner le taux d’emploi des femmes sur celui des hommes permettrait de dégager 9 milliards de cotisations supplémentaires.

Levier majeur  : la création d’un service public de la petite enfance et de prise en charge des personnes dépendantes pour socialiser les tâches domestiques. Ainsi, mettre fin aux inégalités professionnelles permettrait de résoudre l’ensemble du déficit instrumentalisé par le gouvernement pour imposer sa réforme !

En 2019, le gouvernement osait qualifier les femmes de « grandes gagnantes » de sa réforme des retraites. Il le paya d’une mobilisation féministe qui, liée à la mobilisation sociale, obtint l’enterrement de la réforme, après la dernière grande manifestation, le 8 mars 2020. En 2023, la contestation féministe de cette réforme injuste jouera encore un rôle déterminant pour mettre en échec le gouvernement, la grève féministe du 8 mars se construit dans cette perspective !

Chronique initialement publiée dans l’Humanité Magazine du 2 février 2023

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