Retraites : face aux « petits débats » d’Emmanuel Macron, un 1er mai unitaire et populaire pour le retrait de la réforme
Création de France Travail, réforme des lycées professionnels ou Pacte pour les enseignants… les 100 jours d’« apaisement » ont commencé par proposer à la « négociation » des thèmes qui clivent.
Après les décisions du Conseil constitutionnel, il faudrait donc refermer le débat sur la réforme des retraites, désormais promulguée. C’est du moins ce que s’attache à faire Emmanuel Macron et son gouvernement, dont l’omniprésence sur le terrain et dans les médias – jusqu’à saturation – est censée donner du contenu aux 100 jours d’apaisement. Mais aux « petits débats » du président de la République, pour reprendre la formule de Roland Lescure, ministre de l’Économie, l’intersyndicale oppose un 1er mai « unitaire et populaire » avec une mobilisation massive partout sur le territoire : pour le retrait de la réforme « dans le calme et la détermination ».
Dans un communiqué écrit au soir de l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron, elle prévient : « En s’entêtant, l’exécutif ne prend pas conscience de la responsabilité qu’il porte en s’enfermant dans le déni et il est le seul responsable d’une situation explosive sur l’ensemble du pays. » Selon une récente étude de la Fondation Adecco Group-Crédoc, plus des deux tiers des actifs de plus de 40 ans craignent ainsi de ne pas tenir jusqu’à la retraite, pour des raisons de santé, mais aussi par fatigue ou perte de motivation. Cette inquiétude est exprimée par toutes les catégories socioprofessionnelles : elles concernent 72 % des ouvriers, 69 % des professions intermédiaires, mais aussi 62 % des cadres.
Face à l’inflation, aucune annonce concrète sur les salaires
Hostilité, colère, tristesse, sentiment de mépris… L’état d’esprit des Français, qui continuent de refuser la retraite à 64 ans, est ainsi mis en lumière par les enquêtes d’opinion au moment où Emmanuel Macron fête la première année de son second mandat au son des casseroles. La situation est d’autant plus incandescente que les 100 jours d’apaisement se résument à des promesses de sujets qui clivent et provoquent à nouveau le mécontentement. Alors que toute forme de dialogue social a été refusée au cours des derniers mois, il s’agit désormais d’engager une « série de négociations » sur des thèmes essentiels. Par exemple : l’amélioration des « revenus » des salariés, sans qu’à aucun moment le mot « salaires » ne soit prononcé, dans un contexte où « les prix alimentaires, ça va être dur jusqu’à la fin de l’été », prévient avec fatalité Emmanuel Macron dans Le Parisien. Sans rien annoncer de concret, et surtout pas l’indexation automatique des salaires, revendiquée par la Cgt, alors que les prix alimentaires ont effectivement augmenté de 17 % en un an.
Lors de sa rencontre, le 18 avril, avec les seules organisations patronales (Medef, Cpme et U2P) – l’intersyndicale ayant décliné l’« invitation » – il a également évoqué des réformes déjà sur la table, comme celle concernant les lycées professionnels, programmée pour entrer en application à la rentrée 2023, mais dont le retrait est demandé par une large intersyndicale de personnels (Cgt, Cnt, Unsa, Snalc, Fsu, Fo, Sud, Sgen-Cfdt Créteil Paris Versailles), en grève le 18 octobre dernier. Une intersyndicale qui, déjà, prévient : « Avec ses annonces, le président ravive la flamme d’un front social dans l’Éducation nationale ».
Même si elles ne sont pas négligeables, ce ne sont pas non plus les annonces sur le revenu des enseignants effectuées à la faveur d’un déplacement dans l’Hérault qui vont satisfaire les personnels. Parce qu’elles ne permettent pas, d’une part, de compenser la perte du pouvoir d’achat, sous le double effet du gel du point d’indice et de l’inflation ; parce qu’elles s’accompagnent, d’autre part, d’un « Pacte » mettant en place un plan de revalorisation en contrepartie de missions supplémentaires, comme si les enseignants avaient de la marge.
Ce retour du « travailler plus pour gagner plus » est unanimement rejeté par les organisations syndicales. La Cgt-Éduc’action argumente : « Alors que les diverses études confirment l’épuisement professionnel des enseignant·es, le ministère persiste à mettre en place un dispositif qui va mettre les personnels en concurrence, fragiliser les collectifs de travail et aggraver les inégalités femmes/hommes, sous le prétexte fallacieux d’améliorer le service public d’éducation. »
Dans le sillage de la réforme de l’assurance-chômage
Après la présentation du rapport du haut-commissaire à l’emploi, le gouvernement a en outre annoncé la refonte du revenu de solidarité active (Rsa) couplée avec la création de France Travail. En lieu et place de Pôle emploi, il s’agirait de construire une hyperstructure pilotant tous les dispositifs destinés aux personnes en recherche d’emploi. En « ciblant » particulièrement celles au Rsa, dénonce la Cgt, qui devront être « remobilisées » par quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire. Elle questionne : « Aidées ou forcées à travailler gratuitement ? Sous peine de sanctions et de perte de leurs revenus ? Au profit de qui, de quelles entreprises ? » Elle y voit un « projet dangereux », dans le sillage de la réforme de l’assurance-chômage, contre laquelle les syndicats, dont la Cgt, la Fsu et Solidaires ont d’ailleurs déposé un recours devant le Conseil d’État, le 17 mars.
C’est dans ce contexte que le 1er mai a été précédé de journées d’action sous des formes multiples avec deux temps forts : le 20 avril où une centaine d’initiatives ont été recensées par la Cgt sur tout le territoire, notamment en soutien aux grèves des cheminots et des travailleurs de l’énergie ; le 28 avril, à l’occasion de la journée internationale de la santé et de la sécurité au travail, alertant sur les accidents du travail et les morts au travail en France, où la sinistralité est le double de la moyenne européenne. Pour refuser, dans ces conditions, la retraite à 64 ans, l’intersyndicale, soutenue par les syndicats européens et mondiaux présents dans le cortège parisien, veut un 1er mai « historique ».
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