Fraude fiscale  : le groupe McDonald’s sanctionné d’une amende record

L’Ugict-Cgt et la fédération Cgt du commerce, qui saluent «une sanction historique», étudient les suites possibles devant les tribunaux civils pour garantir les droits des salariés.

Édition 013 de fin juin 2022 [Sommaire]

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C’est aussi sur les conditions d’emploi et de salaire que les pratiques fiscales de McDonald’s ont des répercussions. © IP3 PRESS / MAXPPP
L’Ugict-Cgt et la fédération Cgt du commerce, qui saluent « une sanction historique », étudient les suites possibles devant les tribunaux civils pour garantir les droits des salariés.

Sept ans après la publication du rapport « Unhappy Meal », détaillant les pratiques d’évitement fiscal de McDonald’s, la multinationale va devoir payer une amende et des indemnités records de 1,245 milliards d’euros, dans le cadre d’une transaction* proposée par le Parquet national financier et homologuée, le 16 juin dernier, par le tribunal judiciaire de Paris. Réalisé par une coalition de syndicats européens et américains en 2015, le rapport avait mis à jour le système mis en place par le géant de la restauration rapide (1,9 million de salariés dans le monde) qui lui aurait permis d’éviter de payer plus de 1 milliard d’euros en impôts sur les sociétés en Europe, au cours de la période 2009-2013. Pour la France, l’un des marchés le plus rentable au monde, le manque à gagner était, sur la même période, estimé entre 386 et 713 millions d’euros.

C’est une «  victoire historique en matière d’évasion fiscale au sein des grandes entreprises  », souligne le syndicat des salariés McDonald’s Paris et Île-de-France Cgt, à l’origine de la plainte déposée en décembre 2015 pour «  blanchiment de fraude fiscale en bande organisée, abus de biens sociaux, présentation de comptes inexacts, faux et usage de faux, et recel  ». Elle démontre, poursuit le syndicat, défendu par Eva Joly et Caroline Joly du cabinet d’avocats Baro Alto, «  que les salariés peuvent contrecarrer les pratiques de délocalisation massive des profits dont ils sont victimes, par l’action syndicale et par voie de justice  ».

Dans un communiqué, la Direction générale des finances publiques précise que les redressements d’impôts sur les sociétés (609 millions d’euros) associés à l’amende d’intérêt public (508 millions d’euros) représentent « les montants les plus élevés obtenus dans le cadre cette procédure en matière fiscale  ». À savoir : une Convention judiciaire d’intérêt public (voir encadré), créée par la loi Sapin 2.

Au moment de la révélation des faits, les élus Cgt avaient reçu le soutien de l’Ugict-Cgt. Celle-ci en explique les motivations, dans un communiqué  : «  En effet, les cadres sont souvent aux premières loges de la mise en place des montages financiers permettant de mettre artificiellement des filiales en déficit, ils et elles sont les premiers lésés par l’absence de participation  ». Contributrice du rapport «  Unhappy meal  », la fédération Cgt du commerce et des services avait également, dans une pétition, montré comment la structuration de l’entreprise -franchisés d’une part et filiales d’autre part- avait des conséquences à la fois sur la représentation syndicale et les conditions de travail des salariés.

Mais aussi, en effet, sur leur rémunération. Au milieu des années 2010, un  premier rapport d’expertise, à l’initiative du Comité d’entreprise de l’Ouest parisien, a mis ainsi en évidence le mécanisme qui permettrait à McDo « d’assécher » en quelque sorte ses bénéfices. Concrètement, l’excédent d’exploitation réalisé chaque année est certes de l’ordre de 20 % du chiffre d’affaires en moyenne. Mais chaque restaurant transpose ensuite ces bénéfices sur une autre ligne comptable comprenant des frais de redevances pour droits à l’image de la marque et frais de loyers. Grâce notamment à ce système de redevances, McDonald’s est ainsi parvenue à rendre presque déficitaire une activité rentable, « privant les salariés de tout espoir de récolter les fruits de leur travail », dénonce alors la Cgt.

C’est justement ce point qui pose encore problème. « Cette fraude a aussi lésé tous les salariés de McDonald’s qui n’ont pas reçu la part de participation aux bénéfices qui leur revenait de droit. Malheureusement, aucune réparation n’est prévue pour les salarié.e.s dans cette convention judiciaire », notent l’Ugict-Cgt et la fédération Cgt du commerce et des services, en étudiant les suites possibles devant les tribunaux civils pour garantir leurs droits. « Il n’est pas acceptable, renchérit la Cgt de McDonald’s Paris et Île-de-France, que seul l’État soit reconnu comme victime des pratiques d’évasion fiscale »  : les salariés doivent, aussi, pouvoir obtenir réparation de leur préjudice.

*Cjip signée avec les sociétés McDonald’s France, McDonald’s system of France Llc et Et Mcd Luxembourg Real estate Sarl.

Justice négociée

C’est pour une Cjip (Convention judiciaire d’intérêt public) qu’ont opté le Parquet national financier et McDonald’s. Introduite en décembre 2016 par la loi Sapin 2, cette procédure permet au procureur de la République de conclure ce type de convention avec une personne morale mise en cause pour des faits d’atteinte à la probité. Il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites, applicable aux entreprises, associations, collectivités territoriales… mises en cause pour des faits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale ou blanchiment de fraude fiscale. Il s’agit de la 10e Cjip signée par le Parquet national financier.

C. L.