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Faut-il taxer les superprofits ? D’un côté, il y a des obstacles d’ordres juridique, technique ou idéologique ; de l’autre leur mise à contribution est nécessaire pour, notamment, rendre du pouvoir d’achat. Emmanuel Macron a, semble-t-il, tranché.

Édition 015 de mi-septembre 2022 [Sommaire]

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© Pessin
Faut-il taxer les superprofits ? D’un côté, il y a des obstacles d’ordres juridique, technique ou idéologique ; de l’autre, leur mise à contribution est nécessaire pour, notamment, rendre du pouvoir d’achat. Emmanuel Macron a, semble-t-il, tranché.

À écouter Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, «  les superprofits, je ne sais pas ce que ce c’est. Je sais que les entreprises doivent être profitables, c’est tout ce que je sais  ». Largement commentés, ces propos, tenus lors de l’université d’été du Medef, sont pris au mot par Libération.

«  Les superprofits, c’est quoi  ?  » titre le quotidien, en laissant le soin à Anne-Laure Delatte, économiste, d’en donner une définition  : ils désignent la portion des profits qui sont «  liés à un facteur extérieur à l’entreprise, dégagés sans qu’il y ait eu d’investissements réalisés ou de stratégie adoptées pour accroître ses bénéfices […]. Dans le monde anglo-saxon, on parle de “windfall profits”, littéralement “tombés du ciel”. C’est dire que c’est une manne  ». Au premier rang des groupes qui ont cristallisé l’attention  : Total, avec 4,7 milliards d’euros de profits en trois mois, alimentés par la flambée des coûts du pétrole. Il n’est pas le seul.

Si Bruno Le Maire ne sait pas, d’autres semblent savoir et ont déjà tranché. C’est ce que souligne Patrick Le Hyaric dans L’Humanité, après avoir rappelé que coalition de gauche et sénateurs communistes ont proposé une taxation de ces profits à hauteur de 25 à 35  %, rejetée par les majorités parlementaires  : «  Le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie ont décidé d’une telle taxation. Dès lors que [les] groupes et fonds financiers profitent d’une telle situation sans se sentir solidaires de la collectivité publique, des travailleurs et des citoyens, il faudra bien penser plus sérieusement à un nouveau contrôle public, social et écologique de leurs activités  ».

Le secrétaire général de l’Onu, António Guterres, ne dit pas autre chose quand il critique «  la cupidité  » des grands groupes pétroliers et gaziers.

Débat «  simpliste  » ou question simple  ?

Les superprofits ne seraient en réalité qu’affaire de «  symbole  », affirment pourtant certains médias. Dont Les Échos, sous la plume de Cécile Cornudet  : «  Faut-il quelques symboles touchant “les riches” pour éviter les “gilets jaunes”  ? Ou dit autrement, jusqu’où un gouvernement doit-il intégrer le simplisme du débat public…  » Comme si, d’ailleurs, le débat était interdit  : «  Dans une conjoncture qui a de plus en plus les allures d’une économie de guerre, avec ses pénuries, ses flambées de prix, la question de savoir comment est assurée la répartition des coûts de l’inflation, si chacun y prend sa part, est pourtant plus que légitime, rétorque Martine Orange dans Médiapart. Pour l’instant, ce sont les finances publiques qui sont sollicitées, «  et Edf auquel le gouvernement a imposé l’essentiel du coût du bouclier tarifaire sur l’électricité  », reconduit en partie en 2023.

D’autres arguments, techniques, juridiques ou d’inefficacité sont mis en avant pour en refuser le principe, notamment décodés dans Le Monde. Mais à débat «  simpliste  », question simple  : «  Doit-il oui ou non y avoir des limites à s’enrichir sur le malheur du pays  ?  » L’interrogation est posée par Christian Chavagneux dans Alternatives économiques  : «  La réponse du gouvernement est claire, c’est non. Une pandémie ou une guerre font exploser les profits dans des proportions démesurés  ? Tant mieux pour les heureux bénéficiaires.  »

Confrontés à la recrudescence des tensions géopolitiques et à la promesse de nouvelles pandémies, ce sont pourtant des mesures structurelles qu’il faudrait mettre en œuvre, plaide l’éditorialiste  : «  Il nous faut inventer des réponses techniques et politiques pérennes pour mettre à contribution les profiteurs de malheur, d’aujourd’hui et de demain.  » Face à l’inaction du gouvernement, divisé mais aussi «  enlisé dans son idéologie anti-impôt  », pour reprendre l’expression de Christian Chavagneux, le président (Nupes) de la commission des Finances à l’Assemblée nationale a lancé une mission flash sur le sujet, dont les conclusions sont attendues début octobre. Emmanuel Macron y répond par la proposition d’un mécanisme de «  contribution européenne  » à destination des opérateurs de l’énergie, en espérant «  déminer  » le débat. Une fois pour toutes  ?

Christine Labbe