Lors du sommet qui s’est tenu à Paris les 10 et 11 février 2025, le président Macron et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé des centaines de milliards d’euros d’investissements privés et publics en faveur de la production d’IA. Mais les annonces de nouveaux financements masquent mal l’absence de stratégie industrielle du gouvernement sur ce dossier. La majeure partie des 109 milliards d’euros annoncés proviendront d’investisseurs étrangers qui pourront profiter d’un foncier abordable et d’une énergie électrique peu chère pour installer leurs centres de données.
L’État est en revanche aux abonnés absents quand il s’agit de sauver l’outil industriel qui nous permettrait de construire, ici et maintenant, un pôle de développement de l’IA garantissant la souveraineté de nos données et le respect de l’environnement. Où sont les milliards pour financer le contre-projet proposé par la Cgt pour préserver les activités stratégiques et l’avenir du groupe du numérique Atos ? Où sont les milliards pour conserver la filière sidérurgique française qui peut fournir certains des matériaux nécessaires à la production d’IA ? En limitant son « patriotisme technologique » à la promotion des investissements étrangers et des start-ups, le président de la République ne parvient à dessiner aucune perspective de long terme.
Construire un outil au service de l’intérêt général
Pour agir sur l’IA, les gouvernements doivent commencer par ne pas renoncer aux pouvoirs qui leur sont donnés par les citoyen·nes : celui d’encadrer la production et l’usage de l’IA pour en faire un outil au service de l’intérêt général. À rebours de ce que préconisent les cosignataires du rapport « IA : notre ambition pour la France » (recommandation n° 22), il faut reprendre la main sur la régulation de l’IA, sans en laisser les clés aux géants de la tech. Il faut également aller bien au-delà des chartes non contraignantes reposant sur le bon-vouloir des entreprises.
Dans sa contribution au sommet, la Cgt a porté la nécessité que les travaux de régulation de l’IA soient lancés au sein des cadres multilatéraux de l’Organisation des nations unies (Onu), à commencer par l’Organisation internationale du travail (Oit) au sein de laquelle un projet de nouvelle convention doit être sans tarder mis à l’ordre du jour pour protéger les droits des travailleurs·ses et de leurs représentant·es partout dans le monde. La Confédération européenne des syndicats (Ces), dont la présence au sommet a été obtenue grâce à l’action de ses syndicats affiliés, a également fait valoir l’exigence d’une directive européenne sur les systèmes d’IA au travail.
Tesla, Amazon, Meta ont peur de l’organisation syndicale
La reprise en main de l’action sur l’IA nécessite, pour les États, d’affronter clairement des patrons de la tech de plus en plus excessifs et violents, et qui s’allient désormais ouvertement avec l’extrême droite pour préserver leurs intérêts.
Or, en ne plaçant pas les travailleurs·es et leurs syndicats au cœur du Sommet pour l’action sur l’IA, le gouvernement français a commis une faute : celle de ne pas s’adresser aux organisations qui sont aujourd’hui en capacité de se mesurer aux patrons de la tech. En Suède, en Allemagne, au Canada, au Kenya, l’organisation collective des travailleurs·ses dans des syndicats a provoqué des réactions violentes des directions de Tesla, d’Amazon, de Meta. Leurs attaques sont à la mesure de la peur que le syndicalisme leur inspire et doit nous donner confiance dans notre capacité à changer collectivement la donne.
Sur notre avenir industriel, comme sur l’IA, l’action des travailleurs·ses sera déterminante, car rien ne peut se faire sans nous.