Platines – Un Beethoven solennel mais sensuel

Loin du hiératisme de ses prédécesseurs, Jérémie Rhorer donne de la « Messe solennelle » une interprétation pleine de chaleur, entre joie et recueillement.

Édition 065 de mi-février 2025 [Sommaire]

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Pour la seule messe qu’il devait composer – à l’exception d’une autre en do majeur –, Beethoven ne pouvait pas écrire dans les canons du genre. Comme les sonates et les quatuors à cordes, la Missa Solemnis rompt avec les normes formelles et expressives en vigueur à l’époque. À l’instar des derniers quatuors qui concentrent à l’extrême le discours, l’op.132 sort du cadre de la liturgie et de l’Église par ses proportions colossales et une puissance rythmique, qui ont plus à voir avec la Neuvième Symphonie, sa contemporaine (1818). 

Il faut dire que lorsque commande lui est passée d’une œuvre pour fêter l’intronisation comme archevêque d’Olmütz de l’archiduc autrichien Rodolphe, Beethoven est au fond du trou, en raison notamment d’une surdité qui progresse et l’isole de plus en plus. Retrouvant de l’allant, il se lance à corps perdu dans une œuvre monumentale, qu’il n’achèvera que cinq ans plus tard. Monumentale par la forme – grand orchestre chœurs, solistes, orgue –, elle l’est aussi par un langage tout en audaces et en jaillissements, où la parole occupe une place centrale. Cette parole n’est pas celle d’un démiurge mais celle de l’homme tel qu’en lui-même, traversé d’instincts aussi bien créateurs que destructeurs, de bonté et d’élans guerriers. 

Loin des versions hiératiques d’un Karajan ou d’un Klemperer, Jérémie Rhorer et le Cercle de l’harmonie donnent de la Messe solennelle une lecture grandiose, à l’approche fouillée, jubilatoire dans le Gloria et le Credo, méditative dans le Sanctus, d’une richesse inouïe dans les nuances avec l’Agnus Dei. À écouter sans délai  !

  • Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer (dir.), Beethoven. Missa Solemnis, 1 Cd Alpha Classics.