Édition 007 - mi-avril 2022

L'ÉDITORIAL

Rien n’est écrit d’avance, par Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

Alors que nous sommes à la veille d’échéances électorales majeures, il est utile de rappeler, n’en déplaise aux sondeurs et aux commentateurs politiques, qu’aucune élection n’est jouée avant le scrutin
Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict- Cgt

Alors que nous sommes à la veille d’échéances électorales majeures, il est utile de rappeler, n’en déplaise aux sondeurs et aux commentateurs politiques, qu’aucune élection n’est jouée avant le scrutin. C’est le vote, notre vote, qui fera le résultat. Entre le Covid, la guerre en Ukraine et un président sortant qui se soustrait à la controverse, le débat démocratique n’a malheureusement pas eu lieu. 

Pourtant, les exigences sociales sont de plus en plus fortes. En matière de salaires d’abord, au moment où l’inflation complique les fins de mois pour de plus en plus de salarié·es  ; en l’absence d’un mécanisme automatique de revalorisation des grilles, les qualifications sont niées et les cadres et professions intermédiaires sont toujours plus nombreux à être payés autour du Smic, les autres étant renvoyés vers des augmentations individuelles et discrétionnaires. En matière de services publics bien sûr, à commencer par celui de la santé, alors que malgré le Covid les fermetures de lits continuent. En matière d’environnement, avec des alertes du Giec ignorées et une nouvelle stratégie du choc visant à instrumentaliser la guerre en Ukraine pour relancer des forages pétroliers ou l’exploitation du gaz de schiste. 

Les 10 et 24 avril, puis les 12 et 19 juin pour les législatives, le vote, notre vote, doit nous permettre de faire entendre ces priorités, et de déjouer la montée de l’extrême droite voulue par le chef de l’État. Le numéro de duettiste avec Éric Zemmour a été une étape de plus dans la dédiabolisation de Marine Le Pen, qui tente de se faire passer pour la candidate du pouvoir d’achat. Prétendre augmenter le salaire net en baissant le salaire brut et donc la protection sociale revient à prendre d’une main ce que l’on donne de l’autre. Au-delà, nous le martelons, il y a une différence de nature avec l’extrême droite, avec des partis qui remettent fondamentalement en cause la démocratie, les libertés et remettent en cause notre humanité commune avec des visions racistes, sexistes et homophobes. 

En annonçant, en fin de campagne, vouloir porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans, la stratégie d’Emmanuel Macron est claire  : prétendre ensuite avoir un mandat populaire pour mener cette réforme qu’une large majorité de français·es conteste. Ce comportement est à haut risque pour quelqu’un qui se prétend le meilleur rassembleur contre l’extrême droite. 

L’abstention, annoncée comme record, repose sur le sentiment entretenu que les résultats seraient connus d’avance. Elle repose aussi sur le refus de logique délégataire, de blanc-seing, à une classe dirigeante qui s’est largement discréditée. L’histoire sociale le montre, les conquêtes sociales ont été le fruit de victoires électorales des forces progressistes conjuguées à de fortes mobilisations sociales. Voter ne signifiera jamais renoncer à sa citoyenneté sociale, à son droit, sitôt sorti de l’isoloir, à contester et à proposer. La Cgt appelle chacune et chacun à participer aux échéances électorales et à se mobiliser au travail et dans la cité pour faire entendre les exigences sociales et sociétales.

Sophie Binet