Chronique juridique -
La très timide réforme du statut des secrétaires de mairie
Les secrétaires de mairie exercent des responsabilités qui justifieraient leur reclassement en fonctionnaires de catégorie A. La loi du 30 décembre 2023 est loin de répondre à cette attente.
La loi n° 2023-1380 du 30 décembre 2023 (1) vise « à revaloriser “le métier” de secrétaire de mairie ». Issu d’une proposition de loi, ce texte bien timoré et contestable juridiquement – la plupart des dispositions auraient dû être prises par décret – n’est pas à la hauteur des attentes de ces fonctionnaires qui auraient préféré être immédiatement reclassés en catégorie A, au vu des responsabilités exercées.
La création de la « fonction » de « secrétaire général de mairie »
L’article 1er de la loi précise qu’à compter du 1ᵉʳ janvier 2028 :
dans les communes de moins de 2 000 habitants, le maire devra nommer un agent relevant au moins de la catégorie B aux fonctions de secrétaire général de mairie ;
dans les communes de 2 000 habitants et plus, le maire nommera un agent classé dans la catégorie A, sauf s’il nomme un agent pour occuper les fonctions de directeur général des services (Dgs).
Quel que soit le nombre d’habitants de la commune, le secrétaire général de mairie pourra exercer ses fonctions à temps partiel, ou bien à temps non complet, si la commune le décide.
Cette mesure ne s’accompagne d’aucune compensation financière du surcoût engendré par cette obligation dans la présente loi.
D’ici là et jusqu’au 31 décembre 2027, afin d’assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 3 500 habitants, le maire peut :
soit nommer à temps complet ou non complet un agent aux fonctions de secrétaire général de mairie ;
soit nommer un agent pour occuper les fonctions de directeur général des services (Dgs).
En outre, l’article 9 de la même loi, ajoutant un 7° à l’article L. 332-8 du Code général de la fonction publique (Cgfp) prévoit la possibilité de recruter sur emploi permanent des agents contractuels afin de pourvoir les emplois de secrétaires généraux de mairie dans les communes de moins de 2 000 habitants.
Promotion interne assouplie pour les secrétaires de mairie
En application des dispositions de l’article 2 de la même loi, à compter du quatrième mois suivant la publication de la loi (2), les fonctionnaires de catégorie C exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie pourront bénéficier d’une promotion interne « dans un cadre d’emplois de la catégorie B » sur liste d’aptitude sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée. Un décret viendra préciser ce point (notamment pour fixer l’ancienneté requise).
On ne peut que s’étonner de cette mesure législative puisque les conditions de mise en œuvre de la promotion interne relèvent du pouvoir réglementaire. Preuve en est la récente parution du décret n° 2023-1272 du 26 décembre 2023 « modifiant les dispositions statutaires relatives à la promotion interne dans la fonction publique territoriale » (3) lequel texte assouplit certains quotas permettant de changer de cadre d’emplois.
L’article 3 de la même loi crée une seconde voie d’accès par la promotion interne à la catégorie B. En effet, celui-ci dispose que « les statuts particuliers des cadres d’emplois de la catégorie B peuvent prévoir l’établissement d’une liste d’aptitude ouverte aux fonctionnaires de catégorie C relevant des grades d’avancement de leur cadre d’emplois respectif et ayant validé un examen professionnel sanctionnant une formation qualifiante[Vae] aux fins d’exercer les fonctions de secrétaire général de mairie, sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée. La nature de cette formation, les modalités d’organisation de cet examen professionnel ainsi que la nature des épreuves [seront] précisées par décret ».
L’inscription sur cette liste d’aptitude permettra d’être nommé dans l’un des cadres d’emplois de la catégorie B, mais pour exercer uniquement les fonctions de secrétaire général de mairie. Un décret précisera la durée minimale d’exercice de ces fonctions.
Par ailleurs l’article 7 de la même loi, modifiant l’article L. 523-5 du Cgfp, prévoit que le président de chaque centre de gestion, chargé d’établir les listes d’aptitude « veille à ce que [celles-ci] comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie ».
Les autres mesures prévues par la loi du 30 décembre 2023 précitée
L’article 4 de la loi, modifiant l’article L. 452-38 du Cgfp, confère aux centres de gestion de la fonction publique territoriale « l’animation du réseau des secrétaires généraux de mairie dans leur ressort territorial, sans préjudice des autres dispositifs en ce sens animés par d’autres acteurs locaux ».
L’article 5 de prévoit de ladite loi prévoit que le Cnfpt, modifiant l’article L. 451-6 du Cgfp « définit et assure la formation des agents publics occupant un emploi de secrétaire général de mairie dans les conditions prévues à l’article L. 422-34-1 ».
L’article L. 422-34-1 (introduit par l’article 5 dans le Cgfp) prévoit en effet, qu’« outre la formation initiale dont ils bénéficient en application du statut particulier dont ils relèvent, les agents qui occupent un emploi de secrétaire général de mairie reçoivent, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins de la collectivité concernée ».
En outre, l’article 8 de la même loi dispose que « les agents exerçant les fonctions de secrétaire général de mairie bénéficient d’un avantage spécifique d’ancienneté pour le calcul de l’ancienneté requise au titre de l’avancement d’échelon ».
Enfin, le gouvernement devra, au plus tard le 31 décembre 2024, remettre au Parlement un rapport évaluant les formations supérieures préparant au métier de secrétaire général de mairie. Ce rapport évaluera également la pertinence de la création, au niveau national, d’une filière permettant l’obtention d’un diplôme national d’enseignement supérieur préparant au métier de secrétaire général de mairie (article 6 de la loi).
Ce que ne dit pas la loi
Mêlant confusément les notions de « métier », de « fonction », d’« emploi » la loi reste muette sur le mode d’accès. S’agit-il d’un détachement ? Sur un emploi fonctionnel ? Quelles seront les garanties afférentes, notamment en cas de fin d’exercice des missions décidées par le maire ? Il est plus que nécessaire d’être vigilant sur la parution du ou des décrets d’application de cette loi qui feront l’objet d’un avis du Conseil d’État et de celui du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, contrairement à la proposition de loi qui n’a fait l’objet d’aucun examen préalable par ces instances.
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