Rencontres d’Options -
Rencontres d’Options (1/3) : du télétravail occasionnel au travail hybride, une transformation des pratiques
Après avoir explosé à la faveur des périodes de confinement, le recours au télétravail s’est en grande partie banalisé. Comment définir et mieux encadrer cette nouvelle modalité de travail ? Débat lors de la première table ronde des Rencontres d’Options.
Après avoir explosé à la faveur des périodes de confinement, le recours au télétravail s’est en grande partie banalisé. Comment définir et mieux encadrer cette nouvelle modalité de travail ? Débat lors de la première table ronde des Rencontres d’Options.
Travail hybride : retour vers le futur ? En choisissant ce titre pour les dernières Rencontres d’Options, le 15 décembre dernier, l’Ugict-Cgt a souhaité mettre en débat une nouvelle modalité de travail souvent présentée comme une norme qu’il faudrait, à l’avenir, nécessairement adopter. Si l’expression est aujourd’hui régulièrement utilisée pour désigner une alternance de travail à domicile, à distance et sur « site », elle renvoie à des pratiques contrastées qui interrogent le sens et la place du travail. Inscrites dans des modes de gestion basés sur une une flexibilité accrue des temps et des espaces, elle se sont brutalement accélérées à la faveur de la crise sanitaire : « En France en 2017, 4 % des salariés télétravaillaient une fois par semaine. En 2020, ils étaient entre 30 % et 40 % », rappelle ainsi en introduction Louis Erb, statisticien et président du comité scientifique du tout nouvel Observatoire du télétravail. L’Union européenne définit le télétravail comme une forme d’organisation du travail habituel dans un lieu inhabituel, avec des outils numériques. Pour autant, il se distingue du « travail en débordement » (travail dans les transports, tard le soir ou le week-end).
Des cadres aux professions intermédiaires
On parle de travail « hybride » dans les situations où le salarié effectue une partie de son temps de travail dans les locaux de l’entreprise et une autre partie ailleurs. Si cette configuration concerne plutôt les cadres, elle se développe également parmi les professions intermédiaires, notamment pour les tâches de secrétariat. En janvier 2021, 27 % des salariés déclarent télétravailler occasionnellement.
Cette massification du télétravail a des conséquences dans des domaines très différents, de l’immobilier à la santé des personnes. Créé par l’Ugict-Cgt pour documenter ces mutations, l’Observatoire du télétravail rassemble des syndicalistes et des chercheurs de différentes disciplines : statistique, psychologie, sociologie, droit, management, etc. Grâce à des enquêtes menées auprès des salariés, ces futurs travaux devront fertiliser les réflexions syndicales tout en nourrissant les travaux des chercheurs.
Des accords d’entreprises en hausse
L’analyse des accords conclus dans les entreprises sur le télétravail y participe. Antoine Rémond, directeur adjoint du Centre Études et Prospectives du groupe Alpha, a passé au crible avec le cabinet Secafi 125 accords signés avant le Covid-19 et 125 accords signés après le Covid. Il apparaît notamment que le nombre de jours qui peuvent être télétravaillés est en hausse, tout comme le nombre d’accords.
Dans la fonction publique, il est possible de télétravailler depuis 2016, mais les disparités sont très importantes. Isabelle Lepla, de l’Ofict-Équipement et environnement, explique ainsi : « Dans mon service, il y a jusqu’à 35 % de télétravail. Dans d’autres services, il n’y a pas du tout cette possibilité. »
Pour les trois versants de la Fonction publique, c’est 2021 qu’un Accord national interprofessionnel sur le télétravail a été signé par toutes les organisations syndicales. Basé sur le volontariat et la réversibilité, il prévoit une indemnité de 2,88 euros par jour télétravaillé et fixe un maximum de trois jours hebdomadaires, avec des dérogations pour les femmes enceintes, les proches aidants et les personnes handicapées. En théorie, le matériel nécessaire au télétravail doit être fourni par l’employeur mais il se limite bien souvent à un ordinateur portable, ce qui laisse craindre que certains employeurs utilisent cette nouvelle organisation pour transférer sur les salariés les coûts à leur charge. Ainsi, la région Hauts-de-France ne chauffe-t-elle plus ses bureaux les lundis et vendredis, jours de télétravail pour ses agents.
Négociations pour une directive européenne
Au niveau européen, des négociations ont débuté le 4 octobre dernier en vue d’aboutir à une directive sur le télétravail. Pour Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres, « aujourd’hui, le travail se négocie de gré à gré et les syndicats n’ont pas leur mot à dire. Le but est de remettre le télétravail dans les mains des syndicats et des travailleurs. » Une directive européenne permettrait de fixer un minimum de règles qui s’imposeraient aux États membres. Les questions du volontariat, de la réversibilité et des frais sont au centre des débats. Il pourrait aussi être instauré un droit au télétravail, auquel l’employeur ne pourrait pas s’opposer, par exemple pour les familles monoparentales avec un enfant de moins de 3 ans.
Quelles modalités de contrôle ?
Les débats soulignent la nécessité d’un meilleur encadrement d’une pratique qui, comme l’ont montré de nombreuses études, a souvent été mise en place en mode dégradé. Dans la fonction publique, 71 % des agents travaillent ainsi pendant leurs jours de repos, tandis que 42 % effectuent plus de quarante-cinq heures hebdomadaires. L’Ugict-Cgt défend la mise en place d’un droit à la déconnexion effectif, avec un décompte du temps de travail qui concernerait tous les agents. Cela pourrait passer par une déconnexion automatique des applications métiers. « Les encadrants doivent pouvoir vérifier que les encadrés exercent bien leur droit à la déconnexion », commente Isabelle Lepla.
S’assurer que le télétravail s’effectue dans de bonnes conditions pourrait relever de l’intrusion dans la vie privée. Pourtant, le télétravail peut avoir de graves effets sur la santé. La position assise à sa table de cuisine n’est pas aussi adaptée aux longues heures de travail que le fauteuil de bureau qui a coûté plusieurs centaines d’euros à l’entreprise.
Moins de 20 % des accords d’entreprise sur le télétravail prennent en compte l’aménagement du poste de télétravail. Et l’employeur rembourse rarement la totalité des frais engagés par le salarié. Pourtant, une étude du Conseil national de la productivité montre que les principaux gains de productivité réalisés aujourd’hui par les entreprises sont liés au télétravail. « Il n’est pas normal que les frais reposent sur les télétravailleurs », dénonce Nayla Glaise.
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