Chronique juridique -  La transparence pour l’égalité de rémunération femmes-hommes

Comment mieux appliquer le principe d’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes ? Par la transparence. C’est l’objet de la Directive européenne n° 2023/970 du 10 mai 2023, qui devra être transposée en droit national d’ici à juin 2026.

Édition 047 de mars 2024 [Sommaire]

Temps de lecture : 6 minutes

Au niveau de l’Union européenne, les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes demeurent importantes et ne se réduisent presque plus. Selon la Commission, les causes de l’écart de rémunération sont les suivantes :

  • absence de transparence des rémunérations dans les entreprises  ;
  • règle de « l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale » encore mal comprise  ;
  • difficultés d’accès à la justice pour les plaignant·es.

Cette directive prévoit des mesures contraignantes pour améliorer la transparence afin d’assurer l’effectivité de la règle d’égalité de rémunération qui veut que « tout employeur assure pour un même travail ou un travail de valeur égale l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » (Code du travail, article L. 3221-2).

Définitions

La directive commence de manière pédagogique en définissant des termes.

  1. Rémunération : le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimal et tout autre avantage, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature (composantes variables ou complémentaires), par un employeur à un travailleur en raison de l’emploi de ce dernier  ;
  2. Niveau de rémunération  : la rémunération annuelle brute et la rémunération horaire brute correspondante  ;
  3. Écart de rémunération entre les femmes et les hommes  : la différence entre les niveaux de rémunération moyens des travailleurs féminins et des travailleurs masculins d’un employeur, exprimée en pourcentage du niveau de rémunération moyen des travailleurs masculins  ;
  4. Niveau de rémunération médian  : le niveau de rémunération tel que la moitié des travailleurs d’un employeur gagne plus et la moitié de ces travailleurs gagne moins  ;
  5. Écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes  : la différence entre le niveau de rémunération médian des travailleurs féminins et des travailleurs masculins d’un employeur, exprimée en pourcentage du niveau de rémunération médian des travailleurs masculins  ;
  6. Quartile  : chacun des quatre groupes égaux dans lesquels les travailleurs sont répartis en fonction de leur niveau de rémunération, du plus bas au plus élevé  ;
  7. Travail de même valeur  : un travail défini comme étant de même valeur selon les critères non discriminatoires  ;
  8. Catégorie de travailleurs  : les travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur regroupés de manière non arbitraire sur la base des critères non discriminatoires, objectifs et non sexistes, par leur employeur et, le cas échéant, en coopération avec les représentants des travailleurs.

La directive mentionne pour la première fois la «  discrimination intersectionnelle » (discrimination fondée simultanément sur le sexe et sur un ou plusieurs autres motifs de discrimination).

Transparence sur les rémunérations et leur progression

  1. Les employeurs mettent à la disposition de leurs travailleurs, d’une manière facilement accessible, les critères qui sont utilisés pour déterminer la rémunération, les niveaux de rémunération et la progression de la rémunération des travailleurs. Ces critères sont objectifs et non sexistes.
  2. Les États membres peuvent exempter les employeurs dont les effectifs comptent moins de 50 travailleurs de l’obligation relative à la progression de la rémunération.

Communication des données

Les États membres veillent à ce que les employeurs fournissent les informations suivantes sur leur organisation :

  1. l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes  ;
  2. l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires  ;
  3. l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes  ;
  4. l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires  ;
  5. la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires  ;
  6. la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile  ;
  7. l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.

Les employeurs dont les effectifs comptent 250 travailleurs ou plus fournissent au plus tard le 7 juin 2027 et chaque année par la suite les informations concernant l’année civile précédente.

Les employeurs dont les effectifs comptent entre 150 et 249 travailleurs fournissent au plus tard le 7 juin 2027 et tous les trois ans par la suite les informations concernant l’année civile précédente.

Les employeurs dont les effectifs comptent entre 100 et 149 travailleurs fournissent au plus tard le 7 juin 2031 et tous les trois ans par la suite les informations concernant l’année civile précédente.

Les États membres n’empêchent pas les employeurs dont les effectifs comptent moins de 100 travailleurs de fournir, à titre volontaire, les informations. Les États membres peuvent, en vertu de leur droit national, exiger des employeurs dont les effectifs comptent moins de 100 travailleurs qu’ils fournissent des informations sur les rémunérations.

L’exactitude des informations est confirmée par la direction de l’employeur, après consultation des représentants des travailleurs. Les représentants des travailleurs ont accès aux méthodes appliquées par l’employeur.

Les travailleurs, les représentants des travailleurs, les inspections du travail et les organismes pour l’égalité de traitement ont le droit de demander aux employeurs des éclaircissements et des précisions supplémentaires sur toutes les données communiquées, y compris des explications concernant toute différence de rémunération constatée entre les femmes et les hommes. Les employeurs répondent à ces demandes dans un délai raisonnable en fournissant une réponse circonstanciée. Lorsque la différence de rémunération entre les femmes et les hommes n’est pas justifiée par des critères objectifs non sexistes, les employeurs remédient à la situation dans un délai raisonnable, en étroite coopération avec les représentants des travailleurs, l’inspection du travail et/ou l’organisme pour l’égalité de traitement.

Évaluation conjointe des rémunérations

Les États membres prennent des mesures appropriées pour que les employeurs soumis à l’obligation de communication de données sur les rémunérations procèdent, en coopération avec les représentants de leurs travailleurs, à une évaluation conjointe des rémunérations lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies  :

  1. les données communiquées concernant les rémunérations révèlent une différence de niveau de rémunération moyen d’au moins 5  % entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins quelle que soit la catégorie de travailleurs  ;
  2. l’employeur n’a pas justifié cette différence de niveau de rémunération moyen par des critères objectifs non sexistes  ;
  3. l’employeur n’a pas remédié à cette différence injustifiée de niveau de rémunération moyen dans un délai de six mois à compter de la date de communication des données sur les rémunérations.

L’évaluation conjointe des rémunérations est effectuée pour recenser, corriger et prévenir les différences de rémunération entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins qui ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes et comporte les éléments suivants  :

  1. une analyse de la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins au sein de chaque catégorie de travailleurs  ;
  2. des informations sur les niveaux de rémunération moyens des travailleurs féminins et des travailleurs masculins et sur les composantes variables ou complémentaires pour chaque catégorie de travailleurs  ;
  3. toutes les différences de niveaux de rémunération moyens entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins pour chaque catégorie de travailleurs  ;
  4. les raisons de ces différences de niveaux de rémunération moyens fondées sur des critères objectifs non sexistes, pour autant qu’il en existe, telles qu’elles ont été déterminées conjointement par les représentants des travailleurs et l’employeur  ;
  5. la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins qui ont bénéficié d’une augmentation de leur rémunération à la suite de leur retour d’un congé de maternité ou de paternité, d’un congé parental ou d’un congé d’aidant, si une telle augmentation est intervenue dans la catégorie de travailleurs concernée au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris  ;
  6. des mesures visant à remédier aux différences de rémunération si celles-ci ne sont pas justifiées par des critères objectifs non sexistes  ;
  7. une évaluation de l’efficacité des mesures résultant de précédentes évaluations conjointes des rémunérations.

Les employeurs mettent l’évaluation conjointe des rémunérations à la disposition des travailleurs et des représentants des travailleurs. Ils la mettent sur demande à la disposition de l’inspection du travail et de l’organisme pour l’égalité de traitement.

Lorsqu’il met en œuvre les mesures résultant de l’évaluation conjointe des rémunérations, l’employeur remédie dans un délai raisonnable aux différences de rémunération injustifiées, en étroite coopération avec les représentants des travailleurs, conformément au droit national et/ou aux pratiques nationales. L’inspection du travail et/ou l’organisme pour l’égalité de traitement peut être invité à participer au processus. La mise en œuvre des mesures comprend notamment une analyse des systèmes non sexistes d’évaluation et de classification des emplois existants ou la mise en place de tels systèmes afin d’exclure toute discrimination directe ou indirecte en matière de rémunération fondée sur le sexe.

Sitographie  :