Reportage -  Contre des choix dictés par les marchés, les ingés et cadres se mobilisent chez Alstom

Lors des Négociations annuelles obligatoires, les propositions de la direction ont été rejetées par les salariés. Elles interviennent après l’annonce d’un plan de suppression de 1500 emplois dans le monde, dont 293 en France.

Édition 045 de début février 2024 [Sommaire]

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Mardi 13 février : les ingénieurs et cadres du siège sont rejoints par les salariés venus des sites du Creusot, Vitrolles, Tarbes ou Belfort. DR

La météo n’était pas clémente en ce mardi 13 février, mais tout le salariat d’Alstom était représenté sur le parvis du siège de l’entreprise à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avec drapeaux Cgt et chasubles de l’entreprise. Près de 200 ingénieurs, cadres et ouvriers avaient répondu à l’appel de la Cgt pour exprimer leur colère devant le bâtiment Oméga. Depuis le 6 février, les débrayages sont quotidiens en raison d’un premier round de Nao insatisfaisant. Les propositions de la direction ont été jugées insultantes, d’autant qu’elles ont été couplées à une annonce de suppression de près de 300 postes en France. 

Ce mardi, des salariés étaient venus des sites de Belfort, de Tarbes, de Vitrolles, du Creusot et de Valenciennes, touchés par des débrayages. Ils sont mobilisés à la fois contre des suppressions d’emplois qui toucheraient toutes les composantes de l’entreprise (recherche, Rh, finances, communication, ventes…) et contre l’enveloppe globale d’augmentation des salaires (3,1  %) proposée par la direction. Les représentants du personnel demandent une augmentation de 10  %, avec une revalorisation des indemnités de déplacement. 

La situation est inacceptable pour les ingénieurs et cadres, comme l’explique Vincent Martella, délégué syndical Cgt.

« Aucune stratégie de filière »

La direction justifie la faiblesse de ces propositions par les difficultés qu’affronte la multinationale. Des programmes n’ont pas été livrés à temps, notamment au Royaume-Uni, entraînant des surcoûts et des pénalités conséquentes. D’autre part Alstom veut réduire sa dette, les marchés s’inquiétant du déficit de 1 milliard d’euros qui grève la trésorerie de l’entreprise.

Ces difficultés sont contestées par la Cgt Alstom. « Le carnet de commandes est rempli, s’insurge Vincent Martella. L’état de l’entreprise est dû à la fois au rachat de Bombardier et au choix de la direction de dilapider la trésorerie en versant un dividende exceptionnel aux actionnaires, pour près de 3 milliards d’euros ! Et maintenant ce sont les salariés qui trinquent. » Les présentations lénifiantes des dirigeants sur les synergies que cette fusion devrait engendrer ne se sont pas concrétisées sur le terrain. Quant aux dividendes, la Cgt affirmait déjà en 2019, à l’époque de ce versement «  exceptionnel  », que cette somme serait « nécessaire à la réalisation de l’activité ». Ce « trou » dans la trésorerie se traduit donc par une pression à la baisse des salaires et par des réductions d’effectifs. Des choix financiers qui, pour Vincent Martella, ne sont faits « que pour rassurer l’actionnariat ».

Venue soutenir les salariés lors du rassemblement du 13 février, la secrétaire générale de la Cgt, Sophie Binet, est aussi revenue sur l’absence de stratégie de filière d’Alstom. « L’entreprise a eu la folie des grandeurs et a voulu grandir par l’externe  ; ce sont les salariés qui en paient le prix aujourd’hui. Cette stratégie financière est dangereuse, a-t-elle martelé. C’est ce qui empêche l’entreprise d’être un champion industriel. » Et de citer le refus par Alstom de racheter l’entreprise Valdunes qui fabrique des roues et essieux de trains, car la direction y voyait un « risque de diversification ». Ce défaut de vision industrielle met «  autant en difficulté les sous-traitants que les entreprises elles-mêmes ».

Les 12 sites français touchés par la mobilisation

Jeudi 15 février, au moment du second round des Nao, tous les sites d’Alstom sur le territoire ont connu des débrayages ou des blocages. La nouvelle proposition de la direction, avec des augmentations générales de 2  % pour les non-cadres, limitées à 1  % pour les cadres, associées éventuellement à des augmentations individuelles, différentes selon les bonus distribués, n’a pas davantage satisfait les salariés. Pour Boris Amoroz, délégué syndical central Cgt, les réponses évoquées ne sont «  clairement pas à la hauteur des demandes, avec un talon minimum d’augmentation de 52 euros par mois. Ces chiffres sont décevants, même si on tient compte d’une revalorisation de l’indemnité de grand déplacement finalement montée à 106 euros pour l’Île-de-France, contre les 90 proposés au début des Nao  ».

Retrouver notre article : NAO  : l’inflation persiste, pas les hausses de salaires

Aux yeux de la direction, le cycle est désormais clos avec ces dernières propositions d’augmentations. Des débrayages ont encore eu lieu lundi 19 février, et des assemblées générales se sont tenues sur différents sites du groupe, comme à Villeurbanne. Les salariés du siège et des usines d’Alstom devaient discuter, mercredi 21 février, des propositions de la direction et des suites à donner à la mobilisation.