L'Édito -  Égalité femmes-hommes, santé mentale au travail : l’Europe doit beaucoup mieux faire !

Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres.

Si le froid de l’hiver commence à s’installer, la température monte au sein des institutions européennes, avec des initiatives législatives engagées dans une course contre la montre : pour être achevées avant les élections de 2024 et le nouveau mandat de la Commission.

Édition 038 de fin octobre 2023 [Sommaire]

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Alors que la 4e Semaine européenne de l’égalité entre les femmes et les hommes s’achève le 29 octobre, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (Eige) a publié son indice 2023. Cet indice est un classement définitif de la manière dont l’Union européenne (Ue) dans son ensemble, ainsi que les États membres pris individuellement, évoluent pour atteindre l’objectif de pleine égalité. Basé sur une note de 0 à 100, ce classement annuel est un indicateur des progrès réalisés d’une année sur l’autre. Avec un score de 70,2, l’Ue (75,7 pour la France) dans son ensemble a enregistré une amélioration de 1,6 point, ce qui représente la plus forte progression depuis la première édition de l’indice, en 2013. Cela dit, elle reste mal classée, ce qui se reflète dans les résultats de nombreux États membres. Seule la Suède se situe au-dessus de 80, tandis que huit pays obtiennent une note de 60 points ou moins.

Décomposée en sous-catégories, l’Ue affiche un bon classement en matière de santé (88,5) et d’argent (82,6), mais se situe en dessous de la moyenne en ce qui concerne le travail (73,8), le temps (68,5), la connaissance (63,6) et le pouvoir (59,1). En l’absence de données relatives aux violences sexistes et sexuelles, on peut postuler que des informations supplémentaires conduiraient à un score moins favorable pour l’Ue dans son ensemble. Bien que des progrès ont été enregistrés dans plusieurs domaines au cours des deux dernières années, l’impact de la nouvelle législation n’a pas encore été ressenti, et un certain nombre d’améliorations n’ont pas encore été finalisées, ni même entamées. Nous allons continuer à faire pression pour que de nouvelles mesures offrent une véritable égalité aux citoyens, y compris sur le lieu de travail. 

La santé mentale au travail au programme du Parlement

Une « semaine de » n’étant manifestement pas suffisante, se tient simultanément la Semaine européenne de la sécurité et de la santé au travail. La Journée mondiale de la santé mentale ayant également été célébrée en ce mois d’octobre (oui, encore une !), la plénière du Parlement européen a accueilli un débat sur la « santé mentale au travail », après la soumission d’une question orale à la Commission et la publication d’un rapport parlementaire sur l’épidémie de santé mentale.

Ce rapport l’indique clairement : une législation améliorerait la situation et « créerait une plus grande uniformité dans les États membres, en fixant des normes minimales et en veillant à ce que la législation couvre les risques psychosociaux nouveaux et émergents ». Cette législation devrait être universellement applicable à tous les lieux de travail, quels que soient le secteur ou la taille de l’entreprise, et complétée par un soutien à la sensibilisation et à la formation. Ayant appelé à l’action à deux reprises avant la publication de ce rapport, il n’est pas surprenant que les députés européens aient été clairs dans leurs demandes.

Président de la commission Emploi et Affaires sociales (Empl), le député roumain Dragoș Pîslaru (groupe Renew Europe, centriste), a souligné que « nous avons une protection juridique inégale pour les travailleurs » en ce qui concerne les risques psychosociaux. Une fois de plus il a demandé à la Commission d’envisager une législation pour protéger la santé mentale sur le lieu de travail, et appelé à une initiative législative sur l’intelligence artificielle (IA) sur le lieu de travail.

Anticipant la réponse de la Commission, l’initiative « Approche globale de la santé mentale » a été évoquée, le président déclarant que « nous devons être plus ambitieux ». Le Parti populaire européen (Ppe, droite) a affirmé que « ce n’est qu’en plaçant fermement les aspects liés aux risques psychosociaux au cœur du cadre européen de santé et de sécurité au travail que nous créerons des avantages tangibles pour les travailleurs ». Pour sa part, le groupe S&D (Socialistes & Démocrates) a demandé à la Commission de « proposer une législation sur les maladies à risques psychosociaux sur le lieu de travail… et de règlementer l’IA sur le lieu de travail ». Les Verts ont le mieux décrit le rôle de la Commission en soulignant que « les gens doivent être protégés au travail, nous devons donc établir des règles fortes », le groupe de gauche appelant à « une réponse claire  » aux demandes que le Parlement européen a formulées.

Près de la moitié des travailleurs exposés à des facteurs de risque

C’est la troisième fois, et la plus flagrante, que le Parlement demande une proposition de la Commission. Bien qu’elle arrive vers la fin du mandat du collège, cela n’enlève rien à l’obligation qu’a le Berlaymont, siège de la commission, d’y répondre. Ce qui est devenu clair, c’est que l’« Approche globale de la santé mentale » est insuffisante, comme nous l’avons souligné dans notre réaction immédiate.

Dans le rapport du Parlement, il est noté que les données vont dans la mauvaise direction : près de la moitié (45 %) des travailleurs y déclarent être exposés à des facteurs de risque susceptibles de nuire à leur bien-être mental. Ce n’est pas le premier rapport réclamant des mesures, mais aucune n’a été prise.

Eurocadres continuera à faire pression sur la Commission pour qu’elle présente cette proposition, qui bénéficie du soutien de tous les partis au Parlement européen et au Comité économique et social européen (Cese). De nombreux États membres ont clairement indiqué que cette initiative était nécessaire, les travailleurs tombant chaque jour entre les mailles du filet législatif dans l’attente du texte.