Platines – Eva chante Erevan

Repérée à ses débuts par William Christie et ses Arts florissants, la mezzo-soprano Eva Zaïcik est une figure de la scène baroque, sollicitée par Christophe Rousset et les Talens lyriques, Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale de Gand, ou encore Vincent Dumestre et son Poème harmonique. Pour son dernier album, celle qui, à 20 ans, a délaissé des études de médecine pour embrasser la carrière de chanteuse, a succombé à un autre répertoire : les chants arméniens, symbolisés par le prêtre Komitas.

Né Soghomon Soghomonian, en 1869, en Anatolie, dans une famille de cordonniers, il est très tôt remarqué pour ses qualités vocales. Devenu homme d’Église, Komitas va de village en village pour retranscrire les airs chantés par les paysans. Au total, il en collectera plus de 3 000, dont quelques dizaines seulement nous parviendront, comme les très beaux Shoger Jan et Qeler, Tsoler. En 1915, il est arrêté par les autorités ottomanes et déporté, avant d’être libéré. Profondément affligé par le génocide, il mourra vingt ans plus tard à l’asile d’aliénés de Villejuif, près de Paris.

Chants d’expression spirituelle, Antuni, Hoy Nazan ou Chinar es portent toute l’originalité et les lois propres de la structure modale et harmonique d’une musique riche en syncopes, au travers de laquelle s’expriment la souffrance de l’exil, une gravité mélancolique et un magnétisme qui emprunte autant à l’art des pleureuses qu’aux poèmes épiques et aux ballades. Avec Komitas, Eva Zaïcik chante Parsegh Ganatchian, Hakob Aghabab et Garbis Aprikian, qui, à la tête de la chorale mixte arménienne de Paris, a arrangé pour orchestre de nombreux chants sauvés de l’oubli par le prêtre ethnomusicologue.

• Eva Zaïcik (ms), David Haroutunian (vl), Xénia Maliarevitch (p), Mayrig. To Armenian Mothers, 1 Cd Alpha Classics, 18 euros.