Chronique juridique -  Fonction publique territoriale : une gestion des concours en clair-obscur

Depuis 2010, la décentralisation a engendré un environnement beaucoup moins stable pour les salarié·es souhaitant passer les concours dans ce versant de la fonction publique.

Édition 025 de mi-février 2023 [Sommaire]

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Les centres de gestion de la fonction publique territoriale, qu’ils soient départementaux (Cdg) ou interdépartementaux (Cig) sont compétents en matière d’organisation des concours d’accès aux cadres d’emploi de ce versant de la fonction publique. Les seuls concours relevant du Centre national de la fonction publique territoriale (Cnfpt) sont ceux des administrateurs territoriaux, des ingénieurs en chef, des conservateurs territoriaux des bibliothèques et du patrimoine et de laconception et direction des sapeurs-pompiers professionnels.

En effet, à compter du 1er janvier 2010, l’organisation de nombreux concours qui relevaient du Cnfpt ont été transférés aux centres de gestion. Il en est ainsi des concours (et examens professionnels) relatifs aux  :

  • attachés territoriaux  ;
  • ingénieurs territoriaux ;
  • directeurs d’établissement d’enseignement artistique, professeurs d’enseignement artistique, attachés de conservation du patrimoine, bibliothécaires, assistants d’enseignement artistique et assistants de conservation du patrimoine et des bibliothèques  ;
  • conseillers et éducateurs des activités physiques et sportives ;
  • directeurs et chefs de service de police municipale.

À cette fin, l’article L. 452-31 du Code général de la fonction publique (Cgfp) (1) dispose que «  les missions transférées aux centres de gestion […] font l’objet, par le Cnfpt, d’une compensation financière pour un montant équivalent aux dépenses qu’il exposait au titre des attributions transférées ».

À cette fin, un décret du 6 février 2009 (2) définit le contenu de la convention type prévue par cet article. Un second décret daté du 30 décembre 2009 (3) fixe les modalités du transfert des missions et des ressources du Cnfpt aux centres de gestion. Ces ressources transférées proviennent d’une ponction réalisée sur la cotisation versée par les employeurs territoriaux, chaque année au Cnfpt, cotisation fixée à 0,9  % de la masse salariale de chaque collectivité ou établissement public local.

Le Cnfpt reste compétent en matière de préparation aux concours des agents territoriaux. Pour autant, depuis ces transferts, les centres de gestion ne cessent de bénéficier de dispositions statutaires leur permettant de simplifier l’organisation des concours, tout en réduisant leur fréquence.

L’abandon du rythme annuel d’organisation des concours

Alors que les concours étaient organisés annuellement par le Cnfpt, l’ensemble de ces opérations obéit à un rythme bisannuel décidé par les centres de gestion, alors que les employeurs territoriaux connaissent des tensions en termes de recrutement, ce qui explique, en partie, leur recours aux agents contractuels, largement facilité par la loi du 6 août 2019 (4).

La suppression des publications d’ouverture des concours au Journal officiel

Depuis l’entrée en application du décret n° 2022-1491 du 30 novembre 2022 «  portant simplification des mesures de publicité des arrêtés d’ouverture des concours et examens  », soit le 2 décembre 2022, la publication au Journal officiel de la République française des arrêtés d’ouverture des concours et des examens professionnels pour les catégories A et B des filières administrative, animation, technique, culturelle, sportive et police municipale de la fonction publique territoriale est supprimée (elle l’était déjà pour les concours de la filière sanitaire et sociale).

Il appartient désormais aux candidats de consulter l’affichage dans les locaux appropriés, ainsi, que par voie électronique, celle des sites internet des autorités organisatrices des concours. Cela réduit donc considérablement les mesures de publicité, sachant que les quelque 90 centres disposent chacun d’un site et se répartissent à tour de rôle l’organisation desdits concours.

La limitation des inscriptions dans plusieurs centres pour un concours organisé aux mêmes dates

L’article L. 325-30 du Cgfp dispose que «  les candidats à un concours organisé par plusieurs centres de gestion de la fonction publique territoriale dont les épreuves ont lieu simultanément et qui permet l’accès à un emploi d’un même grade ne peuvent pas figurer sur plusieurs listes des admis à participer, quelles que soient les voies d’accès audit [sic] concours, externes, internes ou 3e concours  ».

Cette disposition est interprétée de manière très large par les Cdg et Cig, puisqu’elle assimile «  un concours  » aux trois concours, juridiquement distincts, existant pour l’accès à un grade (externe, interne, 3concours). Ainsi, un candidat éligible à la fois à un concours externe (possession d’un diplôme) et à un concours interne (années de services) ne pourrait s’inscrire à deux concours. À noter également que les listes des candidats admis à concourir ne sont presque jamais rendues publiques (5).

La suppression des épreuves d’admissibilité dans de nombreux concours

L’article L. 325-9 du Cgfp dispose que les concours «  peuvent être organisés :

  1. soit sur épreuves ;
  2. soit au moyen d’une sélection opérée par le jury au vu des titres des candidats ou de leurs titres et travaux. Cette sélection peut être complétée d’épreuves.  »

C’est par cette disposition que nombre de concours d’accès à un cadre d’emploi de la filière sanitaire et sociale sont dénués d’épreuves écrites d’admissibilité. Ces concours échappent donc à toute anonymisation des candidats lors des épreuves (6).

À toutes ces règles très libérales, s’ajoutent  :

  • l’absence de dispositions statutaires définissant une méthode de dénombrement des postes ouverts aux concours (par voie d’accès et par spécialité)  ;
  • et parfois, la facturation indue de recrutements par un employeur public sur une liste d’aptitude dressée par un centre de gestion hors de son ressort, alors que le concours correspondant est déjà financé par le transfert de ressources du Cnfpt vers ledit centre. Ainsi un employeur en vient à financer deux fois le même recrutement.

  1. Ancien article 22-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, abrogée du fait de la codification applicable au 1er mars 2022.
  2. Décret n° 2009-129 du 6 février 2009, portant approbation de la convention type prévue à l’article 22-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
  3. Décret n° 2009-1732 du 30 décembre 2009, fixant les modalités du transfert des missions et des ressources du Centre national de la fonction publique territoriale à certains centres de gestion en application de l’article 22-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
  4. Loi n° 2019-828 du 6 août 2019, dite de «  transformation de la fonction publique  »  ;
  5. Article 15 du décret n° 2013-593 du 5 juillet 2013  : «  Les listes de candidats admis à concourir sont arrêtées par l’autorité compétente  ».
  6. Dernières suppressions des épreuves d’admissibilité  : concours d’accès aux cadres d’emplois des assistants territoriaux sociaux éducatifs, des éducateurs territoriaux de jeunes enfants, des cadres territoriaux de santé paramédicaux et des infirmiers territoriaux en soins généraux (décret n° 2023-6 du 4 janvier 2023).