Revue de presse -  Retraites : à chacun ses priorités…

Pour justifier la réforme des retraites, Emmanuel Macron a utilisé 17 fois le mot « travail » ou sa déclinaison « travailler » lors de ses vœux. Sans convaincre, notent les éditorialistes, pour qui la rhétorique présidentielle est en décalage avec les préoccupations des Français.

Édition 023 de mi-janvier 2023 [Sommaire]

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© Pessin

Au soir du 24 décembre, Le Monde publiait opportunément une liste de «  17 sujets de dispute pour animer (notre) réveillon  » parmi lesquels France-Argentine (la France méritait-elle de gagner  ?), la corrida, le recours au 49-3 ou aux cabinets de conseil… Le quotidien aurait pu d’emblée ajouter  : les retraites. Une semaine plus tard, Emmanuel Macron dresse le couvert, en plaçant ses vœux sous le signe de la réforme annoncée, dont la mise en œuvre est programmée pour l’été 2023. Les Échos préviennent  : «  L’exécutif est pourtant loin d’avoir convaincu. Faute de consensus politique, en proie à une impopularité forte et à une opposition unanime des syndicats, Emmanuel Macron avance en terrain miné.  »

Développant la métaphore, une simple étincelle pourrait suffire à provoquer l’explosion, semble dire le président du cabinet d’études et de conseil Elabe, Bernard Sananès, dans la même édition. Et, décryptant les sujets qui vont animer l’année 2023, il argumente  : «  Pour les Français, cette réforme n’est pas une priorité. Quand on regarde l’état de la société française, on peut se dire que faire la réforme en 2023 est plus difficile qu’en 2019, car la crise du Covid est passée par là. Elle a changé le rapport au travail, qui a perdu de sa centralité. Dans la mesure où le “travailler plus” est moins populaire, le “travailler plus longtemps” l’est aussi.  »

Or la veille du réveillon de Noël, le gouvernement a lâché un projet de décret sur l’assurance-chômage quia provoqué la colère syndicale. L’Humanité a qualifié de «  cadeau empoisonné  » cette annonce faite dans la logique du «  Il faut travailler, et travailler plus longtemps  ».

«  Travail  »  : le 31 décembre, le mot ou sa déclinaison «  travailler  » a pourtant été utilisé 17 fois par le président de la République pour insister sur la nécessité d’une réforme des retraites, a compté Le Monde. «  Cette rhétorique n’est pas choisie au hasard, écrit Matthieu Goar. Omniprésente lors de la campagne présidentielle, elle a fait son retour dans l’expression marcronienne depuis l’automne 2022, après avoir été consacrée au pouvoir d’achat  ». Emmanuel Macron voudrait faire de la «  valeur travail  », «  l’arc de son second quinquennat  ». Non sans ambiguïtés  : tantôt l’objectif de la réforme des retraites est de financer des investissements (santé, école…), voire de nouveaux droits, tantôt il s’agit de «  sauver les régimes de retraite par répartition  ».

Régimes qui ne sont pourtant pas en danger… comme le rappelle le politiste Bruno Palier dans un entretien à Alternatives économiques. Libération le dit aussi en sous-texte, en insistant sur l’absence de stratégie présidentielle, voire de déni, singulièrement en matière écologique et climatique. L’éditorialiste Paul Quinio commente  : «  En préférant passer son message essentiel sur les retraites, en mettant au cœur de son discours, jusqu’à saturation, la valeur “travail”, Emmanuel Macron a confirmé que le logiciel idéologique qui lui sert de guide est d’une facture tristement classique. Et c’est à craindre, pas à la hauteur des défis qui sont devant nous.  »

Parce qu’une première alerte est intervenue à la mi-décembre avec le report de l’annonce de la réforme, Sandrine Foulon, toujours dans Alternatives économiques, ose  : et si la retraite à 65 ans, ça tombait à l’eau  ? Il faut dire que les ambiguïtés et les contradictions gouvernementales commencent à frapper les esprits et à instiller du doute. Dans l’attente des derniers arbitrages, elle écrit que «  la propension du gouvernement à faire varier ses éléments de langage – il fallait d’abord faire une réforme pour plus de justice sociale, puis ensuite sauver les finances d’un régime en péril, augmenter le taux d’emploi des seniors ou encore préserver le niveau des pensions – et changer de braquet en fonction de l’actualité font apparaître de premiers grains de sable dans la mécanique bien huilée.  »