Chronique invitée -  L’égalité au travail, c’est pour quand ?

4 novembre, c’est le jour de l’année où les femmes arrêtent d’être payées en France. Et encore, cette date est retenue à partir d’un chiffre minoré, celui d’Eurostat, qui estime l’écart salarial entre les femmes et les hommes à 15,8 %, alors que l’INSEE le chiffre à 27,8 %.

Édition 019 de mi-novembre 2022 [Sommaire]

Temps de lecture : 3 minutes

Options - Le journal de l'Ugict-CGT

par Sophie Binet, Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

4 novembre, c’est le jour de l’année où les femmes arrêtent d’être payées en France. Et encore, cette date est retenue à partir d’un chiffre minoré, celui d’Eurostat, qui estime l’écart salarial entre les femmes et les hommes à 15,8  %, alors que l’INSEE le chiffre à 27,8  %.

Pourquoi une telle différence ? Parce qu’Eurostat compare les salaires horaires, et ne prend pas en compte la différence de temps de travail alors que 80  % des salarié·e·s à temps partiel sont des femmes. Mais est-ce encore nécessaire de parler d’égalité salariale alors que l’on en traite à longueur d’antenne ? Malheureusement oui, car malgré le pinkwashing permanent, la situation ne s’améliore pas.

Elle se dégrade même depuis l’épidémie de COVID [1]. Serait-ce alors parce que les inégalités seraient inéluctables ? Non. La réponse est malheureusement beaucoup plus triviale. Mettre fin à 28  % d’écart de salaire, cela nécessite des augmentations équivalentes… que le patronat ne veut pas financer…

Pour mettre fin aux inégalités, il suffirait en fait de prendre des mesures contraignantes, et d’agir sur les bons leviers. Le premier d’entre eux, c’est les temps partiels. Structurels pour de nombreuses ouvrières/employées, caissières, aides à domiciles, agentes d’entretien… ils s’accompagnent de salaires mensuels inférieurs au seuil de pauvreté avec des amplitudes horaires dignes de cadres sup et du travail le soir et le weekend…

Supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les temps partiels, intégrer les temps de trajet entre deux missions comme du temps de travail, rémunérer les interruptions de plus de 1 h 30 sont autant de dispositions concrètes qui permettraient de mettre fin à ce scandale. Il faut ensuite revaloriser les métiers dans lesquels les femmes sont concentrées, les métiers du soin et du lien.

Une étude réalisée par l’IRES [2] indique que si on reconnaissait les qualifications des métiers féminisés au même niveau que les métiers masculinisés, il faudrait augmenter de 37  % les professeur·e·s des écoles, de 42  % les assistantes maternelles…

Troisième facteur sur lequel agir  : les déroulés de carrière. Le plafond de verre, ou plutôt le plafond de mère. Dénoncées par l’Ugict-Cgt dans une campagne qui avait recueilli des centaines de témoignages avec le #viedemère, les discriminations liées à la maternité sont malheureusement toujours tristement banales.

Alors qu’en France la responsabilité professionnelle est toujours associée à la disponibilité permanente, le fait d’être mère se traduit par le blocage de la carrière. Pour prévenir et corriger ces discriminations, la CGT propose de rendre obligatoire un indicateur (« Clerc » du nom du militant qui l’a inventé) pour suivre les déroulements de carrière. Enfin, la multiplication de primes, et autres parts variables est un facteur qui contribue à creuser les écarts.

À l’inverse de l’index égalité salariale, il convient d’imposer la transparence sur les salaires et surtout de sanctionner toutes les entreprises dans lesquelles des écarts demeurent ! Des mesures simples et salutaires, qui nécessitent juste un peu de volonté politique. Une urgence alors que l’inflation pénalise encore plus les femmes !

[1] Voir  : Eurofound octobre 2022, COVID-19 pandemic and the gender divide at work and home

[2]R. Silvera, F.X. Devetter, J Valentin, M. Pucci, S. Lemière, Revaloriser le travail du soin et du lien, étude IRES réalisée à la demande de la CGT, à paraitre en mars 2023. 


Chronique initialement publiée dans l’Humanité Magazine du 3 novembre 2022