Dans une lettre, l’Assurance maladie organise une méthode de contrôle des arrêts de travail des salariés et agents publics soumis à l’obligation vaccinale depuis la loi du 5 août 2021. La Cgt, pour qui cette méthode s’oppose aux valeurs de l’institution, demande son retrait.
Par Bernadette Hilpert, cheffe de file de la délégation Cgt à la Caisse nationale d’assurance maladie. Propos recueillis par Christine Labbe.
À la fin du mois de septembre, nous avons pris connaissance d’une lettre dite « Réseau » adressée à un certain nombre de responsables et d’institutions de l’Assurance maladie : directeurs, chefs de service, médecins-conseils, caisses primaires d’assurance maladie (Cpam)… Cette lettre organise les modalités de contrôle des avis d’arrêts de travail des salariés ou des agents publics soumis à l’obligation vaccinale. Dans une lettre au directeur de l’Assurance maladie, la Cgt a décidé d’alerter sur les conséquences qu’un tel contrôle implique pour les assurés sociaux en levant, d’emblée, toute forme d’ambiguïté : nous nous sommes clairement et sans équivoque prononcés en faveur de la vaccination pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Ce n’est pas la question.
Le contrôle des arrêts de travail est effectivement une des missions de l’Assurance maladie. Ce contrôle s’exerce l’égard de l’activité des médecins ou des assurés eux-mêmes. Dans ce cas, il se fait de manière aléatoire sur l’ensemble des arrêts de travail ou sur signalement ; il permet de vérifier que l’assuré est à son domicile pendant les heures d’interdiction de sortie et que son état de santé justifie l’arrêt de travail prescrit. Mais ce qui est demandé dans la lettre Réseau est très différent puisqu’elle cible une catégorie d’assurés, en organisant une méthode de repérage à son égard. Elle liste les salariés concernés, précise les modalités de signalement comme de traitement par les services médicaux.
Depuis le début de la crise sanitaire, ces personnels, notamment les soignants, sont soumis à des conditions de travail extrêmement difficiles et leur fatigue est immense, avec des répercussions sur leur santé. La période est aussi marquée par le maintien des orientations en matière de réduction des services hospitaliers comme des effectifs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’étant pas pour nous rassurer. Comme si cette réalité était ignorée, la méthode de repérage proposée s’appuie sur une suspicion tout à fait gratuite : si ces salariés ou agents publics sont en arrêt de travail, ce serait pour contourner ou retarder les conséquences qui découleraient de leur non-vaccination, comme la suspension de leur contrat de travail. Les arrêts de travail prescrits seraient supposés de complaisance et donc injustifiés.
Au fond, elle est une invitation des employeurs à une pratique de « signalement » sur cette simple suspicion, l’Assurance maladie signifiant ainsi que ces arrêts de travail vont être regardés à la loupe. Elle pose également la question du croisement de deux fichiers informatisés, celui des arrêts de travail et des assurés non vaccinés soumis à l’obligation vaccinale depuis la loi du 5 août 2021.
Dans un récent communiqué de la fédération Cgt santé et action sociale et de l’Ufmict en date du 22 septembre, les directeurs ont d’ailleurs dénoncé le rôle qu’on leur demande ainsi d’endosser : celui qui consiste à surveiller et punir l’obligation vaccinale. Ils y refusent de « troquer l’habit de “manager participatif” pour celui de gendarme supplétif » pour le compte du gouvernement. Dans la même logique, nous pensons que l’Assurance maladie n’a pas à devenir la police du gouvernement. Si elle est un acteur central dans la lutte contre la pandémie, elle est jusqu’à présent restée dans son champ de compétence, en toute légitimité. Ce qui est aujourd’hui demandé aux personnels de la sécurité sociale les place dans une posture qui contredit les valeurs de leur organisme.
Cette pratique en outre, est de nature à affaiblir et remettre en cause la confiance de la population envers la sécurité sociale, dans ses missions essentielles de protection et de prévention. Parce qu’elle est pour nous une pratique discriminatoire, elle s’oppose à nos valeurs. Elle pose véritablement une question éthique face à laquelle nous ne voulons pas rester silencieux. Dans la lettre au directeur de l’Assurance maladie, nous demandons le retrait de cette méthode de repérage.
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