Ce n’est pas une structure syndicale et, à vrai dire, pas une structure du tout. Mais ça tourne.
Le collectif regroupe syndiqués, non-syndiqués, isolés, hésitants, autour du triptyque « connaître, débattre, agir ». Ils et elles sont une vingtaine, réunis dans l’arrière-salle d’une brasserie du nord de Paris. On trouve là des fonctionnaires territoriaux, un ingénieur du secteur automobile, deux cadres d’une entreprise de services informatiques. On y trouve aussi un gestionnaire de budget dans un ministère, une cheffe de projet dans le secteur de la coopération internationale. Un sur deux est non-syndiqué. Ils sont ainsi près de 90 à discuter sur un whatsApp. Depuis maintenant un an, ce collectif organise des afterworks de ce type. On y a traité de l’égalité professionnelle, de l’entretien d’évaluation… Ce soir, on parlera retraites, perspectives de mobilisation, la situation dans leurs différentes entreprises.
« La première fonction de ces réunions, développe Agathe, qui a en charge l’animation de ce collectif, c’est de donner à voir et à goûter la Cgt à ceux qui en sont éloignés ou à ceux qui, tout en y étant, s’y sentent isolés. La seconde, c’est de les guider au sein de la structure Cgt, qui peut être assez opaque. Beaucoup de ceux qui viennent ici ne se rendraient pas spontanément dans une assemblée générale ou une réunion syndicale. » Mais alors, d’où viennent les participantes et participants ? Du cyberespace. « On a pris contact systématiquement avec tous les jeunes qui relèvent du champ de syndicalisation de l’Ugict et qui avaient fait une demande d’adhésion à la Cgt sur Internet. On leur a demandé où ils en étaient, si quelqu’un avait pris contact avec eux. » Agathe est également partie à la recherche de ses anciens condisciples étudiants, alors syndiqués à l’Unef et depuis… dans la nature : « Beaucoup n’avaient pas réussi à se syndiquer, faute d’interlocuteur ou d’avoir trouvé la structure adéquate. »
Cela permet de débattre, d’être écouté et de s’orienter
Une première réunion s’est ensuivi, puis une autre, et encore une autre, avec pour principe d’accueillir aussi bien les syndiqués que les non-syndiqués. André par exemple, est architecte, salarié dans un cabinet parisien : un nombre de salariés réduit et pas d’histoire sociale propre à l’entreprise. Bref, Félicien est isolé et en recherche de collègues de lutte. Jean-Pierre, lui, est ingénieur dans une entreprise de l’automobile de l’Île-de-France.
La Cgt, il la connaît pour ses prises de position. Au travail, il l’apprécie également mais… pas au point de la rejoindre formellement. Pas suffisamment de jeunes, ni d’action. Finalement, il s’est mis en grève tout seul et est parti manifester. C’est là qu’il a rencontré… les jeunes du collectif. Pierre, c’est encore une autre histoire : syndiqué, il sort d’une élection professionnelle où la Cgt a recueilli 60 % des voix et témoigne d’une bonne dynamique de construction, avec une quinzaine de participants aux manifestations. Malgré tout cela, il ne « sent » pas la Cgt autour de lui, n’a pas encore de contacts avec l’union locale de son syndicat. Ici, il sent l’action à portée de main…
Après une brève présentation des décisions d’action de l’intersyndicale, la discussion s’engage et tout y passe, ou presque : les primes aux non-grévistes, le vote de la majorité sur le deuil d’un enfant, les jets symboliques de codes par les inspecteurs du travail, les discussions avec les collègues hostiles au projet gouvernemental, conscients de l’enjeu mais pas prêts à agir. Et que faire en cette veille de manifestation : les idées fusent, de l’usage des smartphones aux bons vieux collages d’affiches. Pour Agathe, « c’est une nouvelle porte sur la Cgt. Elle n’a pas vocation à remplacer les autres, mais elle permet de débattre, d’être écouté et de s’orienter. Surtout, elle permet d’être utile rapidement, d’élaborer des matériels destinés aux jeunes diplômés, à destination de toutes les organisations de la Cgt. »
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