Comment relancer une activité syndicale mise à mal par la situation tendue du travail, l’hostilité des directions d’entreprise, l’absence de visibilité ? Trois expériences, trois « petites sagesses » du déploiement en actes.
Les évidences méritent parfois d’être prises au sérieux. À commencer par celle-ci : « Face à l’isolement, les contacts ne font pas de mal. » La formule est de Romain Descottes, conseiller à la fédération Cgt des Sociétés d’études, bien placé pour en parler : dans certaines entreprises, jusqu’à 95 % des effectifs sont sur des sites clients et ne se rencontrent jamais. Comment faire ? « S’appuyer sur le réseau de la Cgt est une évidence ; nous le faisons pour les élections, par exemple, mais cela reste trop diffus. »
C’est donc une autre démarche qui a été choisie : « D’abord, identifier les sites utilisateurs de prestataires et les donneurs d’ordre. Nous avons déterminé plusieurs sites, dont celui de la Plaine-Saint-Denis, dans le 93, parce qu’il présente une énorme concentration d’entreprises “locales” grosses utilisatrices de prestataires. Ensuite, s’y manifester de façon régulière. Concrètement, nous sommes présents chaque premier jeudi du mois, avec un barnum, devant le métro, grâce à l’aide des copains cheminots, de Mines-Énergie, et bien évidemment de l’union locale Cgt, comme à Saint-Denis. Cette simple présence, le fait de s’adresser aussi bien aux salariés des entreprises “locales” qu’aux salariés prestataires contribue à faire bouger les lignes dans les entreprises. » Le pari, sur la durée, est de prolonger ces liens dans des collectifs locaux départementaux : « C’est là, en lien avec l’union locale qu’on réfléchit ensemble, qu’on s’organise, qu’on construit des solidarités. Cela reste à perfectionner, mais c’est déjà un début. »
Analyser le travail des collègues pour qu’ils apprécient le nôtre
Deuxième conseil en déploiement : « Avancer pas à pas ». Cet avis nous vient de l’Essonne, un département marqué d’une forte empreinte « cadres », par des pôles importants de recherche et de développement, et où la Cgt a eu à subir de nombreux plans sociaux. Avec un groupe de syndiqués, Irène Huard a commencé à remédier au manque d’activité syndicale de proximité : « Nous avons décidé d’être réalistes et de commencer par des initiatives simples, avec des objectifs simples. Il s’agit d’être vus régulièrement, notamment autour de la garde Rer de Massy, qui est un pôle majeur. » Adossé à l’union départementale Cgt et bénéficiant de l’aide des unions locales de Massy et des Ulis, ce travail s’inscrit dans la préparation du congrès de l’Ud prévu en mars prochain, avec à la clé, de sérieux enjeux de représentativité…
Troisième avis éclairé, en provenance de la Cgt de la Banque de France, et plus précisément de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (Acpr) : « Pour être entendu, il faut savoir se mettre à l’écoute. » Alexandre Prud’hommeau explique : « À quelques nouveaux syndiqués constitués en collectif informel, nous avons décidé de faire écho à un malaise sensible chez nos collègues. » Le malaise est dû à des offensives de la direction sur le temps de travail, une perte d’autonomie et de sens au travail, un forfait jours utilisé de façon illégale et arbitraire, mais aussi la dégradation des conditions matérielles de travail avec des open spaces toujours plus grand et des expérimentations sur le « flex office »…
L’enquête passionne et déconstruit les pseudo-arguments de la direction
Expérience particulièrement fructueuse : « Nous nous sommes lancés dans deux études surles fiches de paie de 150 et 70 agents, analysées au regard des horaires et ce, sur une année entière. » Rendue publique, l’enquête passionne et déconstruit nombre de pseudo-arguments de la direction. La première campagne a amené au paiement d’heures supplémentaires jusqu’ici refusées ; la seconde vise à clarifier l’utilisation du forfait jours.
Il en va de même sur un projet de réforme des déroulements de carrière que la Cgt met en regard d’aspects particulièrement arbitraires de cette gestion. « Dans une entreprise où fleurissent les références managériales à l’esprit de la start-up nation, à l’innovation, au management “horizontal”, cela remet nombre de pendules à l’heure de démontrer à quel point les procédés de la direction sont verticaux, autoritaires et vieillots. » Un tel travail implique l’échec des mises en opposition des cadres avec les autres salariés. Au point que les élections voient 38 % des électeurs du collège cadre accorder leur voix à la Cgt (47 % tous collèges confondus). La Cgt continue à tenir de façon régulière des points d’information, massivement suivis : « Les collègues veulent être informés. En le faisant avec sérieux, la Cgt se construit en interlocuteur de référence. »
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