Porter les revendications spécifiques des Ictam et améliorer la syndicalisation dans les entreprises. Cet enjeu, au cœur du prochain congrès de l’Ugict, a mobilisé les élus et mandatés d’Île-de-France lors d’un atelier préparatoire.
Les élus et mandatés sont confrontés aux mêmes enjeux quel que soit leur collège. Ici ceux qui pensent que non, et là ceux qui sont d’accord avec cette affirmation. » Gaël Tanguy, micro à la main, désigne l’emplacement de deux camps.
Ce M. Loyal aux méthodes très éduc’ pop’ anime les ateliers et débats organisés par l’Ugict dans le cadre de la préparation de son congrès, en novembre prochain à Rennes. Ce 20 mai, ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise d’Île-de-France avaient rendez-vous pour « phosphorer » sur la meilleure manière d’utiliser leurs mandats, au profit des revendications de leurs pairs et, ce faisant, de la syndicalisation Cgt (voir encadré).
Rapidement, dans le patio du siège confédéral de Montreuil, deux attroupements se forment : une vingtaine de participants se positionnent dans le camp du non ; une quinzaine du côté du oui. Ils ont quelques minutes pour aiguiser leurs arguments. « On a les mêmes problématiques que les autres élus en matière de syndicalisation, de travail de conviction », lance une militante du côté du Oui. Ça fait mouche : le camp d’en face se vide de cinq partisans. Une autre élue s’approche du micro : « Nos catégories sont prises entre deux feux : nous sommes déloyaux du point de vue de la direction et, dans le même temps, les problèmes des cadres sont mal considérés par les autres catégories de salariés ». Là, six personnes rallient le Non. Sans que les arguments ne soient débattus – ce n’est pas l’objectif de l’exercice – le ping-pong continue ainsi quelques minutes.
Notre première responsabilité est de mobiliser les cadres
« Cadres ou non, nous sommes vus de la même façon par la direction, du moment que l’on est Cgt » ; « le risque professionnel majoritaire n’est pas le même chez les ouvriers et chez les cadres » ; « sur beaucoup de sujets – salaires, égalité professionnelle, etc. –, l’enjeu est le même pour toutes les catégories ». Ping. Pong. Ping. Pong. Finalement, le Non remporte la majorité des adhésions.
Une seconde proposition entre en débat mouvant : « Le rôle des élus et mandatés Ictam est d’appuyer le syndicat à partir de leur expertise et de leurs compétences métiers. » Gaël Tanguy balade le micro d’un camp à l’autre. Les arguments fusent, qui cette fois nourrissent une même vision. Si tous acquiescent à l’idée que les Ictam élus et mandatés mettent leur expertise au service du syndicat de leur entreprise, ils estiment que l’engagement syndical ne doit pas pour autant les cantonner à leur culture métier, ce qui trop souvent arrive.
« Évidemment, en tant qu’Ictam, nos qualifications et notre niveau de responsabilité dans l’entreprise nous donnent des compétences professionnelles utiles à la Cgt, reprend plus tard Sophie Binet, à la tribune. Mais attention : notre première responsabilité est de mobiliser les cadres sur leurs revendications pour ensuite créer la convergence avec les autres catégories. On ne transformera pas les rapports sociaux dans l’entreprise en se contentant de défendre seulement les luttes ouvrières. » Reste à convaincre les premiers concernés qui, à 80 %, pensent que la Cgt ne les défend pas, qu’elle n’est pas faite pour eux. « Ça ne se décrète pas, martèle Sophie Binet. Ça se construit en travaillant sur les spécificités des professions des Ictam. »
Le télétravail, par exemple. Cette pratique s’est imposée à de nombreux salariés toutes catégories confondues avec les confinements successifs. Mais elle n’en reste pas moins une spécificité des cadres. Ceux-ci représentaient encore près de 80 % des télétravailleurs du premier confinement. C’est un mode de travail, associé à l’autonomie de leurs fonctions, plutôt plébiscité par les Ictam. Mais pas dans n’importe quelles conditions. « 64 % des cadres considèrent que les pratiques de télétravail sont insuffisamment encadrées », confirme Caroline Blanchot en s’appuyant sur le baromètre cadre Ugict-Viavoice-Secafi réalisé en décembre dernier. Avec les conséquences que l’on sait en termes d’accroissement du temps de travail, d’intensification de leur charge et de porosité entre vie professionnelle et vie personnelle, l’arrivée de la crise a donné un levier incroyable de servitude aux employeurs. La vie est réduite à la vie au travail ».
Tel qu’il ressort des témoignages des Ictam franciliens présents, le télétravail des cadres semble avoir fait l’objet de peu de discussions visant à en encadrer la pratique. Quelques accords ou chartes ont été signés ou sont en cours de négociation, alors que le « 100 % télétravail » imposé par la crise sanitaire a révélé les faillites de cette gestion « au doigt mouillé » en vigueur depuis des années chez les salariés autonomes. L’enjeu est donc double : recadrer les usages en obtenant des accords et, ce faisant, utiliser ce processus de réflexion et de négociation pour gagner l’écoute et l’intérêt des Ictam.
En atelier, une douzaine de participants à la journée organisée par l’Ugict ont planché sur des revendications en ce sens : formation des managers à la gestion des équipes à distance et au droit à la déconnexion, détermination de plages de disponibilité des télétravailleurs, limitation du nombre de jours télétravaillés mais souplesse sur leur utilisation, négociation des contreparties en salaire ou en repos pour les « gros » horaires… Il fut question également d’outils de diagnostic pour mesurer la réalité des conditions de travail et des besoins des salariés, une manière de les intéresser à la démarche revendicative de leurs représentants. Car, au fond, un leitmotiv a rythmé les témoignages : les élus Cgt des 2e et 3e collèges peinent à communiquer efficacement sur leurs actions et leurs réussites, et le télétravail n’a pas amélioré cet état de fait.
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