Salaires : à l’opéra de Nice, la Cgt joue une partition gagnante
À l’issue d’une lutte de plusieurs mois, les artistes ont obtenu une augmentation moyenne de 9 %, étalée sur trois ans. C’est un début, les revalorisations n’étant pas à la hauteur des attentes, en particulier pour le chœur.
Plusieurs décennies d’immobilisme sur les revalorisations, des salaires en dessous du Smic et des artistes qui, à l’opéra de Nice, sont parmi les moins bien rémunérés de France… le tableau que dresse Violaine Darmon, violon solo et représentante Cgt dans les instances de la Ville de Nice est pour le moins frappant. Avec un sous-effectif chronique, une organisation des plannings changeante et l’injonction aux artistes de « faire preuve de créativité », c’est essentiellement sur « l’investissement individuel » que comptait la Ville pour faire fonctionner l’opéra.
« Nice est une ville de province très chère, explique la syndicaliste. Depuis des années, on tirait la sonnette d’alarme auprès de l’administration. Les grilles de salaires étaient les mêmes depuis 1984. Les fins de non-recevoir à chacune de nos demandes n’étaient plus acceptables. Même les lettres au maire restaient sans réponse. Il était temps de réagir. »
Donner le la de la négociation syndicale
Et ils ont réagi. En octobre 2022, le syndicat Cgt Nice Métropole Côte d’Azur dépose un préavis de grève à l’opéra pour le mois de novembre, avec l’objectif de retarder d’une heure le spectacle prévu, une première où sont attendus de nombreux mécènes.
« On a pris la parole avant la représentation, relate Violaine Darmon. Cela a permis à tous les artistes des différents corps de l’opéra de s’exprimer devant le public. Nous avons eu des applaudissements nourris à la fin de nos interventions. » L’auditoire est à la fois surpris et touché d’apprendre les conditions salariales de ces artistes. Toutefois, si sa réaction est positive et chaleureuse, celle de la municipalité l’est moins. « Leur réaction a été dure. On a eu in fine une promesse de négociation, mais sous la forme d’un “groupe de travail” », se rappelle Violaine Darmon.
Les agents acceptent cette proposition. « Nous voulions parler des conditions salariales, dégager des pistes pour les embauches afin d’avoir un effectif suffisant sur tous les métiers nécessaires à la bonne tenue des spectacles… mais on s’est fait promener », résume sèchement la violoniste. Discussions sur le ressenti des agents dans leur poste, au sein de leur service, parmi la troupe… Très vite, les agents parlent d’« ateliers de coloriage » pour décrire ces rencontres qui ignorent le sujet principal : les salaires.
Dans le même temps, les agents prennent connaissance de l’annulation, à la dernière minute, de concours de recrutement pour l’opéra, alors même qu’il manque de bras.
La Bohème de Puccini sous la menace d’une grève
En freinant les recrutements et en revoyant les budgets de l’opéra à la baisse – comme tant d’autres municipalités –, la Ville de Nice contrevient aux engagements pris devant les agents durant les groupes de travail. En mars, c’est ce qui a motivé, en AG, le dépôt de nouveaux préavis de grève : « Cette fois, raconte Violaine Darmon, on décide d’imposer notre calendrier et de ne plus subir celui de l’administration. »
Début avril, pour commencer, est exigée l’ouverture formelle des négociations. Cette revendication s’accompagne d’une demande d’engagement écrit à tenir des négociations salariales. Exit les ressentis et les « ateliers coloriages ». Encore une fois, les corps de métiers de l’opéra font bloc avec les métiers de régie et d’encadrement et obtiennent une réponse favorable. Le préavis de grève d’avril est alors levé, mais celui prévu pour la fin mai reste maintenu.
Les séances de négociation s’enchaînent. « Cela a été assez rapide et l’administration a pris l’engagement que les négociations aboutiraient à un résultat satisfaisant pour tous avant la fin du mois de mai », précise la Cgt. Et les résultats sont là.
Le syndicat obtient une augmentation de 9 % avec effet rétroactif à partir de janvier 2023. Il signe aussi pour que 100 % des augmentations aient eu lieu au plus tard en janvier 2025 pour l’ensemble des métiers. « On a gagné deux échelons afin de progresser dans la carrière plus rapidement, complète Violaine Darmon. Et pour d’autres, parvenus en fin de carrière ou presque, une nouvelle progression de carrière après vingt ans à leur poste. » Avec ces avancées, le préavis de grève du 31 mai, jour de la première de La Bohème de Puccini, est levé après consultation des agents de l’opéra.
Statut, salaire, carrière à placer en haut de la portée
« Ce n’est pas rien, même s’il reste encore des insuffisances au regard du niveau de l’inflation », pointe la responsable syndicale. Indépendamment de la conjoncture, la carrière et le salaire des agents publics de l’opéra de Nice demeurent en deçà de ce qu’on trouve dans le privé. « La convention collective qui régit les corps artistiques permanents comme les nôtres impose des Nao, et le public est tout juste à la limite de ce qui s’est négocié en 2023, précise Violaine Darmon. On sait déjà que la trajectoire à partir de 2024 sera à la baisse. »
Tout en continuant à revendiquer des recrutements dans les corps artistiques, administratifs et techniques, la Cgt a obtenu qu’une clause de revoyure annuelle soit intégrée et connectée aux Nao de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles. Le syndicat compte aussi sur le projet de labellisation comme opéra national pour répondre aux obligations que le ministère de la Culture impose à ces structures. Pour obtenir le label, il faut en effet respecter un barème national de rémunération des artistes.
Un bémol toutefois : avec un tel label, l’opéra deviendrait une personnalité morale et passerait donc en régie directe. Et ce n’est pas neutre : « Ce sera un changement d’employeur pour les agents, même si l’on reste dans le public. » Le syndicat sait déjà qu’il doit rester vigilant.
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