Visite tardive dans l’appartement-musée de Léonce Rosenberg
Au musée Picasso, une exposition temporaire ressuscite la demeure parisienne mythique de ce marchand et galeriste qui la fit décorer somptueusement par Fernand Léger, Picabia, Max Ernst, Chirico et tutti quanti.
Léonce Rosenberg (1879-1947), fils d’Alexandre et frère de Paul, qui tenaient une galerie d’art très courue dans le quartier de l’Opéra, fut un des premiers défenseurs de l’art abstrait et du cubisme. Il les a découverts en 1911, chez les marchands de tableaux Ambroise Vollard (1868-1939) et Wilhelm Uhde (1874-1947), avant de pousser la porte, en 1912, de la galerie de Daniel-Henry Kahnweiler (1884-1979).
Il commence dès lors à collectionner, avec passion, les œuvres de Braque, Picasso, Léger, Juan Gris, Gino Severini, Jean Metzinger, Auguste Herbin, Henri Laurens, entre autres. Durant la Première Guerre mondiale, il a souvent , un soutien moral et financier à ces artistes.
Une pièce attribuée à chaque artiste
C’est au printemps 1928 qu’il installe ses collections personnelles dans son vaste appartement du 75 rue de Longchamp, à Paris 16e. Situés au troisième étage, sur 360 mètres carrés, les lieux sont occupés par Léonce Rosenberg, son épouse Marguerite et leurs trois filles, Jacqueline, Lucienne et Madeleine.
L’appartement est divisé en deux parties distinctes. L’une est réservée aux pièces intimes : chambres, boudoir, sanitaires. L’autre est vouée aux pièces d’apparat : salle à manger, hall de réception et grand salon, le tout autour d’un axe central. Dès le mois de mai 1928, Léonce Rosenberg avait passé commande du décor, retenant d’emblée le principe d’attribuer une pièce à chaque artiste, avec des toiles peintes et un mobilier ancien et contemporain.
Le 15 juin 1929, la pendaison de crémaillère attirait sur place le Tout-Paris. Le parcours de l’exposition, qui reproduit sur des pans de murs, à l’aide de photographies agrandies, l’intérieur de la demeure à l’époque, est ponctué par l’accrochage d’œuvres significatives de quelque douze artistes.
Leurs œuvres se situent entre abstraction et figuration, entre tradition et modernité. Ce décor d’exception restitue parfaitement le contexte artistique ambivalent de la fin des années 1920, marqué par le bref retour à une pratique académique et par l’émergence du surréalisme. C’était une époque d’entre-deux, avec la mise en regard d’un classicisme revisité et d’innovations provocantes, lesquelles avaient pour partie leur origine chez Picasso. Dès 1910 n’avait-il pas, sans hésitation, mêlé au cubisme des citations volontiers ironiques de la peinture classique ?
Mêlée inextricable de jeunes hommes relativement peu virils
Dans la salle no 1, on découvre, par exemple, deux ensembles décoratifs d’importance. Il y a d’abord, à destination du hall de réception du domicile des Rosenberg, Le Combat, de Giorgio de Chirico. Dans cette mêlée inextricable de jeunes hommes relativement peu virils et court vêtus, on peut décidément voir une parodie des canons gréco-latins de la figuration masculine. De son côté, le tableau Pavonia, de Francis Picabia, destiné à la chambre de Mme Rosenberg, exhibe des figures apolliniennes en suspens devant une colonne dorique.
Chaque toile, dans cet appartement de luxe dûment suggéré, témoigne ainsi d’un moment précisément daté de l’histoire de l’art. Auprès de maîtres consacrés, on découvre des artistes moins connus, comme Alberto Savinio, frère de Chirico et bel écrivain, Jean Viollier, à l’imagination poétique, des Fleurs de coquillages de la main de Max Ernst ou, de Gino Severini, des personnages de commedia dell’arte en liberté dans des ruines historiques… Le domicile fastueux des Rosenberg fut de courte durée. La collection fut dispersée. Ruiné après la Grande Guerre, le marchand exposera les œuvres en sa possession dans sa galerie L’Effort moderne, au 19, rue de la Baume, à Paris 8e.
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