Tarsila do Amaral, entre cubisme et réalisme socialiste
Confrontée aux avant-gardes artistiques parisiennes, cette peintre brésilienne inventa dans les années 1920, sous des formes multiples, une expression résolument moderne, propre à son pays natal. Le musée du Luxembourg lui consacre une rétrospective.
C’est à une véritable révélation que se prête le musée du Luxembourg grâce à l’exposition « Peindre le Brésil moderne » consacrée à Tarsila do Amaral (1886-1973) quand bien même, en 2005, la Maison de l’Amérique latine en avait déjà proposé une approche. La longue vie de cette femme au nom romanesque fut consacrée à la peinture et aux voyages. Paris va découvrir son univers foisonnant et solaire à travers 143 œuvres, ainsi que quelques photographies et documents.
Le cubisme lui apparaît comme une « école d’invention »
Née riche et belle dans une famille de producteurs de café à São Paulo, Tarsila (son nom d’artiste), évolue dans les années 1920 entre sa ville natale et Paris, où elle fréquente les ateliers d’André Lhote, de Fernand Léger et Albert Gleizes. Le cubisme lui apparaît comme une « école d’invention » qui lui permet de s’affranchir de l’académisme et de se doter d’un style éminemment personnel.
Durant son absence, la scène artistique de São Paulo connaît un élan nouveau avec la « Semaine d’art moderne », en février 1922. De jeunes écrivains, des musiciens, des peintres se réclament d’une avant-garde spécifique, sans toutefois renier leur cosmopolitisme.
Ce qui était perçu, en elle, comme de l’excentricité exotique
Dès son retour au pays en juin 1922, Tarsila s’inscrit dans ce renouveau moderniste et entre dans le Groupe des cinq, aux côtés de la peintre Anita Malfatti et des écrivains Paulo Menotti del Picchia, Mário de Andrade et Oswald de Andrade – qui sera son époux de 1926 à 1930. À Paris, Tarsila ne passait pas inaperçue, à cause de son physique, de ses toilettes et de ce qui était perçu, en elle, comme une excentricité exotique.
En 1923, avec Oswald de Andrade, Tarsila voyage en Espagne et au Portugal. De nouveau à Paris, ils rencontrent Blaise Cendrars, qui les présente au monde artistique de la capitale : le sculpteur Brancusi, Jean Cocteau, Braque, Picasso, Robert et Sonia Delaunay… En 1924, Oswald publie le Manifesto de Poesia Pau-Brasil, qui constitue alors la base conceptuelle de la peinture de Tarsila. Dans les années qui suivent, nouveaux voyages et premières expositions, à Paris et São Paulo.
Quelques mois de prison pour ses sympathies communistes
Le krach de Wall Street, en 1929, ruine sa famille. Pour gagner sa vie, elle devient conservatrice à la Pinacothèque de l’État de São Paulo. En 1931, elle se rend en Urss. L’année suivante, sous le gouvernement provisoire de Getúlio Vargas, les sympathies communistes de Tarsila lui valent quelques mois de prison.
Son intérêt pour les questions sociales, sa découverte du muralisme mexicain et des affiches soviétiques, renouvellent alors les thèmes et la forme de sa peinture. Tarsila a peint jusqu’ à son dernier souffle. L’exposition prouve à l’envi l’extrême diversité de son inspiration, ainsi que son aptitude à créer un art authentiquement brésilien dont la profusion subjugue.
La glorification d’une nature exubérante et stylisée
Du Brésil du XXe siècle, elle a tout exalté, en partant d’un cubisme adapté à son pays. Son œuvre glorifie une nature exubérante et stylisée, aux couleurs vives et fraîches. La faune et la flore sont parfois traitées sur un mode quasi surréaliste.
Il y a surtout qu’elle ne néglige aucune composante de la population du Brésil. Il n’est que de voir Batizado de Macunaíma (« Baptême de Macunaïma »), cette grande huile sur toile de 1956 qui célèbre, avec maints personnages et des oiseaux volant en liberté, une cérémonie amérindienne au cœur de la forêt. En 1923, elle avait exécuté un tableau, intitulé A Negra (La Négresse). Une femme noire, au sein tombant, aux lèvres énormes. Une vision réfutée avec force par les penseurs contemporains de la décolonisation.
En revanche, dans le chapitre « Les années marxiste », ses représentations sont puissantes et d’un réalisme personnel. Il faut voir Trabalhadores (« Les Travailleurs ») de 1938, ou l’étonnant Operários (« Les Ouvriers ») de 1933.
Jusqu’au 2 février 2025 au musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, Paris 6e.
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