Agirc-Arrco : pourquoi la Cgt signe l’accord sur les retraites complémentaires

Face à l’offensive du gouvernement visant à ponctionner les ressources du régime pour financer le minimum contributif de retraite, la Cgt exprime ainsi sa détermination à protéger les retraites complémentaires. Tout en exprimant des réserves.

Édition 038 de fin octobre 2023 [Sommaire]

Temps de lecture : 3 minutes

Options - Le journal de l’Ugict-CGT
L’accord du 5 octobre 2023 met fin au malus, instauré en 2019. © IP3 Press / MaxPPP

Après avoir consulté l’ensemble de ses fédérations et unions départementales, la CGT a décidé de signer l’Accord national interprofessionnel (Ani) Agirc-Arrco du 5 octobre 2023, déjà paraphé par la Cfdt, la Cfe-Cgc, Fo et la Cftc. Engagée après l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, cette négociation a en effet permis d’obtenir un certain nombre d’avancées : la revalorisation de 4,9 % du niveau des pensions au 1er novembre 2023 : la suppression du malus qui, instauré en 2019, était censé contraindre les cotisants à rester en activité pendant un an, même après avoir atteint le taux plein dans le régime de base. L’Ani, qui couvre la période 2023-2026, acte ainsi la fin de ce coefficient dit « de solidarité » au 1er décembre 2023 pour les futurs retraités et, à compter du 1er avril 2024, pour les retraités actuels.

Un répit provisoire et sous pression

Cette signature, souligne en substance la Cgt dans un communiqué, s’inscrit dans le contexte d’une offensive gouvernementale visant à ponctionner les ressources du régime complémentaire pour financer le minimum contributif de retraite, à hauteur d’environ 1 milliard d’euros chaque année. Certes, lors de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) dans sa partie « recettes », il n’a plus été question d’acter ce prélèvement de manière autoritaire, via un amendement. Mais le répit est provisoire et sous forte pression : les partenaires sociaux sont en effet « invités » à « définir un cofinancement des minima de pension des salariés, ou d’autres dispositifs de solidarité, à partir de 2024 », a précisé Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des Comptes publics. « Invités », d’ailleurs, est un thème impropre, car, à défaut de s’engager dans cette voie « avant la fin de la navette parlementaire », le gouvernement agira… et ponctionnera.

« La Cgt signe l’accord pour empêcher le gouvernement de voler l’argent des salariés et ponctionner l’Agirc-Arrco », réagit ainsi Sophie Binet, secrétaire générale de la Cgt, dans le quotidien Les Échos du 25 octobre 2023. Ce qui est en jeu, en effet, c’est la sécurisation et le devenir de ressources d’un régime géré paritairement, dont les réserves proviennent en réalité, explique la Cgt, « des cures d’austérité imposées » par les textes précédents. En préambule de l’accord du 5 octobre, les signataires réaffirment d’ailleurs le caractère « paritaire et autonome » du régime qui préserve le lien entre le droit et la cotisation. À ce titre, écrivent-ils, « les ressources du régime Agirc-Arrco ne doivent être mobilisées que pour financer les prestations dont il assure le service à ses affiliés ». C’est la condition de sa « soutenabilité ».

Stopper la baisse continue du rendement des pensions

Si ponction il devait y avoir, celle-ci entraînerait en effet une série de conséquences en cascade (remise en cause des revalorisations, de l’autonomie du régime…), dont l’accentuation de la dégradation (-63 % en quarante ans) du rendement de la cotisation des pensions complémentaires. Cette dégradation touche particulièrement les cadres : avec l’Ani et à règlementation constante, un cadre moyen de la génération 1996 partira à la retraite avec 49,1 % de son salaire net de fin de carrière, contre 63,7 % pour celles et ceux nés en 1951 et partis en 2015. Cette chute du rendement, conséquence du refus patronal d’augmenter les ressources du régime, a pour effet de pousser les cadres vers la capitalisation. Elle est aggravée par une sous-indexation des pensions liquidées qui, durant toute la période de la retraite, mine le pouvoir d’achat des retraités par rapport à l’évolution de celui des actifs.

C’est ce qui explique pourquoi la Cgt accompagne sa signature d’un certain nombre de réserves. « Aussitôt sécurisées les retraites complémentaires, nous allons relancer l’offensive sur la valeur du point et les droits des futurs retraités, en particulier les jeunes générations », affirme Sophie Binet aux Échos. La Cgt poursuit un double objectif : garantir le niveau des futures retraites par rapport aux salaires de fin de carrière ; garantir l’augmentation du pouvoir d’achat des pensions à parité avec celle des salaires. Ce qui entre en opposition avec une indexation de la valeur de service du point (montant annuel de pension auquel un point donne droit) sur les prix, et de son prix d’achat (montant de cotisation nécessaire à l’acquisition d’un point) sur les salaires.

Dans la mesure où le montant de la retraite s’obtient en multipliant la valeur de service par le nombre de points acquis tout au long de la carrière, des avancées sur ces deux variables sont cruciales. Simultanément à d’autres propositions (égalité salariale femmes/hommes, attribution annuelle d’un minimum de points de retraite pour compenser les effets de la précarité, tout comme la prise en compte des années d’études…), ces exigences pourraient être mises en débat et faire l’objet de négociations lors des prochaines rencontres paritaires, comme le prévoit l’article 9 de l’accord  : dans un cadre intersyndical renforcé.

Christine Labbe