Agirc-Arrco : retraites au prix fort

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Le 1er octobre 2021, à Paris, les retraités protestaient contre la baisse du pouvoir d’achat et pour une revalorisation des pensions. © Bruno Levesque/Maxppp
La sous-indexation de la valeur de service du point décidée cet été a un effet immédiat sur le pouvoir d’achat des retraites complémentaires, revalorisées d’à peine 1 % en novembre.

Au cœur de l’été, une négociation express : c’est ainsi que les partenaires sociaux ont conclu un accord sur le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco, signé par la Cfdt et la Cftc (voir Options n° 669). À l’origine de cette négociation, la mise en place d’un « système de pilotage » imposant le maintien des réserves à un niveau égal à au moins six mois d’allocations sur une période de quinze ans « glissants » : un impératif absolu selon le Medef, qui serait rompu à l’horizon 2029.

Si les organisations syndicales et patronales ont dû se retrouver au cours de trois séances de négociation, c’est donc pour rétablir, par avenant, le niveau des réserves après une alerte déclenchée par le conseil d’administration du régime Agirc-Arrco. Alors que leur « raison d’être est leur mise à contribution pour maintenir les prestations en cas de retournement de la conjoncture », les signataires ont « décidé de les sanctuariser en diminuant les droits de chacun d’entre nous », dénonce l’Ugict-Cgt.

Avec la pandémie, le retournement de conjoncture a effectivement été brutal : mais faute de discussions sur les ressources financières du régime, pour lesquelles la Cgt fait des propositions (voir encadré), ce rétablissement est opéré en faisant porter l’intégralité des efforts sur les salariés actifs et les retraités.

La première décision concerne la valeur de service du point, qui détermine à la fois l’évolution des pensions liquidées et des droits en cours de constitution. Cette valeur correspond au montant annuel de pension auquel un point donne droit. Multipliée par le nombre de points acquis tout au long de la carrière, elle détermine le montant de la pension. L’accord acte une perte du pouvoir d’achat de cette valeur de service, de l’ordre de 1 % en 2021 et 2022 précise l’Ugict-Cgt, en la sous-indexation de – 0,5 point par rapport à l’inflation, au lieu du – 0,2 prévu dans l’accord national interprofessionnel de 2019.

Passage aux actes en novembre : les retraites complémentaires ne seront revalorisées que de 1 %. À cela s’ajoute une seconde décision qui vise le prix d’achat du point, relié à l’évolution du salaire moyen. Plus ce prix d’achat est élevé, moins on acquiert de points pour une même cotisation. En 2020, au cœur de la crise sanitaire, le salaire moyen ayant baissé de 5 %, le prix d’achat du point de retraite complémentaire aurait dû diminuer d’autant. Ce n’est pas ce que stipule l’accord : « Les signataires ont décidé de ne pas acter cette diminution en 2021, si bien que, à partir du 1er février 2021, 500 000 nouveaux retraités sont doublement pénalisés et auront d’ici la fin de l’année liquidé une pension minorée », souligne Sylvie Durand, secrétaire nationale de l’Ugict-Cgt.

500 000 nouveaux retraités pénalisés en 2021

Un tel système où les prestations s’ajustent en permanence aux ressources, et non l’inverse, est dit « à cotisations définies » : un tremplin, dénonce la Cgt dans un communiqué, pour les futures réformes gouvernementales et le développement de la capitalisation.

À aucun moment la négociation n’a porté sur l’évolution du taux de remplacement, c’est-à-dire, pour la Cgt, « la garantie du maintien du niveau de vie procuré par le salaire pendant la retraite » : inconcevable, pour ses négociateurs, d’ignorer cette dimension alors que ce taux de remplacement baisse drastiquement, en dépit de l’allongement de la durée de cotisation.

Les décisions prises cet été ne vont faire qu’aggraver ce phénomène de décrochage. Concrètement, un cadre né en 1956 partait en 2020 avec 68 % de son dernier salaire sous forme de pension ; un cadre né en 1996 ne va, lui, percevoir en 2062 que 51 % de son salaire de fin de carrière. La chute ne sera moins sévère pour les femmes (– 11 points) qu’en raison de salaires moins élevés, toujours en fin de carrière.

Réforme après réforme, les salariés actifs et les retraités ont donc payé le prix fort, avec entre 2011 et 2019 une diminution de la pension moyenne de 8,4 % pour les non-cadres et de 17,9 % pour les cadres. En outre, selon les travaux des services techniques de l’Agirc-Arrco, les salariés ont, depuis 1990, assumé 60 % de l’effort de financement des régimes, contre 40 % pour la partie employeur. « C’est l’exact inverse du partage de la cotisation », explique Sylvie Durand. Lors de la négociation, la Cgt a souligné que si la logique avait été respectée, les employeurs auraient contribué 1,5 fois plus que les salariés actifs et les retraites. Depuis cette date, leur désengagement avoisine désormais les 125 milliards d’euros.

Christine Labbe


Proposition

La Cgt propose notamment d’instaurer à l’Agirc-Arrco une contribution patronale en faveur de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elle rapporterait immédiatement 4 milliards d’euros par an. Elle serait modulée entreprise par entreprise en fonction de l’ampleur des inégalités et diminuerait au fur et à mesure de leur réduction jusqu’à extinction une fois l’égalité réalisée. Elle ne concernerait que 44 % des entreprises : celles qui ont une mixité de genre par emploi. La plupart des Tpe et Pme n’y seraient donc pas assujetties.